52. Dans la situation actuelle, il semble prématuré de présenter des conclusions définitives. L’établissement de relations de sécurité plus étroites avec la Russie est devenu depuis quelques années une des préoccupations de l’Europe. C’est dans le cadre du colloque de Berlin sur la révision de la conception de la sécurité européenne et du rapport que M. Hornhues présentera au nom de la Commission politique que cette question jouera un rôle fondamental. Une éventuelle coopération avec la Russie dans le domaine de la défense antimissile est un aspect concret de cette question plus générale.

53. Il convient de rappeler dans ce contexte que les propositions russes ne concernent que la défense antimissile non stratégique. Les ATBM sont en effet des systèmes défensifs, qui permettent de rendre leur liberté d’action aux Etats, mais ne participent pas aux aspects actifs de leur politique. Dans ce sens, il serait politiquement moins contraignant de s’engager sur la voie de l’élaboration commune d’une architecture antimissile que de donner une quelconque garantie de sécurité à la Fédération.

54. Toutefois, élaborer ne serait-ce que l’embryon d’un système ATBM commun reviendrait à changer radicalement la place que la Russie occupe dans l’architecture de sécurité de l’Europe. Cela sous-tendrait un partage d’informations sensibles sur des zones d’intérêts communs aux deux puissances, la mise en commun de technologies militaires et duales de très haute qualité, la définition d’un spectre de menaces identifiables pour les deux parties, l’instauration d’un régime de complémentarité militaire entre elles et, in fine, la création d’un modèle dissuasif partagé. Cela reviendrait en fait à rendre à la Russie la place qu’elle a perdue en Europe depuis 1918, celle de puissance associée de plein droit à la sécurité du continent.

55. En effet, la nature des menaces balistiques est telle que toute puissance détenant une part importante dans la structuration d’un système défensif européen peut légitimement prétendre jouer un rôle majeur dans l’élaboration de la politique de sécurité du continent. Le caractère essentiellement politique de la proposition du ministre de la défense de Russie, M. Sergeiev, laisse présager que ce calcul n’est pas étranger à la démarche russe. La proposition reconnaît cette logique et insiste sur une définition et une évaluation commune des dangers balistiques, des zones d’intervention possibles de l’Euro-ABM et sur l’élaboration d’un concept européen antimissile non stratégique. Dans une perspective assez classique de la part des Russes, le caractère multilatéral et juridiquement contraignant d’une éventuelle association est clairement évoqué. Techniquement, cela implique un partage des matériels et des données sensibles, mais aussi la création d’un système de commandement commun. L’ultime justification d’un tel échafaudage serait un partage de décisions dans une architecture de dissuasion commune, préservant les intérêts russes au sein de l’espace de sécurité européen.

56. Il est donc essentiel que l’évaluation des propositions russes se fasse dans le cadre de l’Alliance atlantique, ce qui n’empêche pas d’élaborer une position commune des alliés européens puisque les risques se présentent d’une façon quelque peu différente pour les Européens et pour les Etats-Unis. Il faut donc harmoniser les propositions américaines et russes. Ce faisant, les Européens doivent veiller à ce que leurs intérêts de sécurité mais aussi ceux de leurs capacités technologiques et industrielles soient dûment incorporés dans un système commun.

57. Accepter une coopération avec la Russie dans ce domaine ne signifierait pas l’abandon de la relation transatlantique. Les Etats-Unis, l’Europe et la Russie peuvent tendre ensemble vers un même objectif.


Source : Assemblée parlementaire de l’Union de l’Europe Occidentale (UEO) http://www.assemblee-ueo.org/