« Nous restons passivement muets »

We stand passively mute
The Guardian (Royaume-Uni)

[AUTEUR] Robert C. Byrd est sénateur démocrate de Virginie occidentale. Cette tribune est un extrait de son discours au sénat états-unien le 12 février.

[RESUME] Il faut contempler la guerre comme la plus horrible des expériences humaines et chaque Américain a le devoir de la contempler. Pourtant, le Sénat des États-Unis reste ignominieusement silencieux et ne débat pas de la guerre en Irak, pourtant un tournant dans la politique étrangère de notre pays.
En effet, les États-Unis, dans une époque de terrorisme international, testent une doctrine des frappes préventives qui les placent en opposition avec la Chartes de l’ONU et les lois internationales, provoquant des crises dans nos alliances et affaiblissant notre économie. Si on ajoute à cela la non-capture de Ben Laden et sa politique intérieure, on constate que le bilan de deux ans d’administration Bush est catastrophique.
Dans notre guerre au terrorisme, nous avons besoin de nos alliés et de nouveaux amis. Sans l’aide internationale notre puissance militaire n’est rien. La guerre en Afghanistan nous a coûté 37 milliards de dollars et n’a ni permis l’arrestation de Ben Laden, ni la disparition du terrorisme dans ce pays. L’administration n’a pas fini la première guerre au terrorisme, mais se lance déjà dans une autre bataille en Irak, sans en mesurer les conséquences. De plus, la guerre en Irak va causer des souffrances et des morts à la population irakienne.

« Libérer le monde de Saddam Hussein : un acte d’humanité »

Ridding the world of Saddam an act of humanity
Jerusalem Post (Israël)

[AUTEUR] Tony Blair est le Premier ministre travailliste britannique. Cette tribune est extraite du discours prononcé à Glasgow le 15 février devant les représentants travaillistes.

[RESUME] Cela fait douze ans que Saddam Hussein refuse de désarmer l’Irak malgré les résolutions de l’ONU. Aujourd’hui, cette organisation, tout comme la SDN dans les années 30 face au péril fasciste et à l’invasion de l’Abyssinie, doit faire face a à la fois une grande opportunité et une grande responsabilité.
Aujourd’hui la menace provient de l’instabilité engendrée par le terrorisme et les États voyous possédant des armes de destruction massive. Ces deux menaces ont en commun la haine de nos valeurs démocratiques et une volonté de nous déstabiliser. La Corée du Nord est un pays touché par la famine où on dépense des milliards pour perfectionner des armes nucléaires. L’Irak est le premier pays à avoir utiliser des armes chimiques contre son propre peuple. L’Irak menace ses voisins et on peut penser à ce qui arriverait si Al Qaïda possédait de telles armes.
Je déteste avoir à demander la guerre et je veux l’éviter autant que possible, mais nous sommes dans l’obligation d’attaquer les États voyous et le terrorisme. Certains nous disent qu’ils n’agiront pas contre nous si nous ne les provoquons pas, mais les victimes de Bali et le Koweit en 91 avaient-elles provoqué qui que ce soit ? Je comprends la haine de la guerre des manifestants, mais la menace est bien réelle et nous avons également des raisons morales de faire la guerre. Bien sûr, ce n’est pas pour ces raisons que nous allons attaquer, mais elles permettent de garder la conscience propre.
Oui, en cas de guerre, il y aura des victimes civiles. Mais l’absence de guerre fait aussi des victimes dans le peuple irakien et quel que soit le nombre des manifestants aujourd’hui, ils seront moins nombreux que les victimes de Saddam Hussein. C’est pourquoi, de nombreux irakiens exilés nous demandent de libérer leur pays et tout comme pour le Kosovo et l’Afghanistan nous devons agir. Un Irak libéré permettra de stabiliser le Proche-Orient et de relancer le processus de paix israélo-palestinien.

« Seuls nos gars des affaires étrangères peuvent nous sortir de ce mauvais pas »

Only our boys in the Foreign Office can sort this lot out
Times (Royaume-Uni)

[AUTEUR] Malcolm Rifkind est ancien ministre conservateur des Affaires étrangères britanniques (1995-1997)

[RESUME] Tony Blair voit le Royaume-Uni comme un pont entre les États-Unis et l’Europe, mais ce pont est en train de s’effondrer. Il est donc urgent d’utiliser nos diplomates pour sortir de la crise atlantique issue de la crise irakienne.
Les Français et les États-uniens sont d’accord sur le fond : il faut que l’Irak soit désarmé. La différence est que la France et l’Allemagne croient que les inspections peuvent permettre ce désarmement tandis que les Britanniques et les Américains ne le pensent pas. Il faut donc que nos diplomates s’appuient sur le rapport d’Hans Blix pour construire une nouvelle résolution qui donnera à Bagdad deux ou trois semaines pour régler les problèmes soulevés par le chef des inspecteurs. Cette résolution à échéance brève permettrait de résoudre la crise qui s’est récemment cristallisée à l’OTAN sur la question, symbolique, du déploiement des missiles Patriot en Turquie.
Nous ne devons pas laisser se creuser un fossé entre les alliés car seul Saddam Hussein en serait bénéficiaire. Seul le pont que représente la diplomatie britannique peut rassembler de nouveau les alliés.

« Un week-end plein de honte »

A Weekend Full of Shame
Moscow Times (Russie)

[AUTEUR] Boris Kagarlitsky est directeur de l’Institute of Globalization Studies

[RESUME] La fin de la semaine dernière a été une succession d’humiliations pour l’administration Bush avec la remise du rapport d’Hans Blix et la grande marche mondiale contre la guerre. Les gouvernements ouest-européens qui soutiennent Washington sont maintenant dans une situation très difficile puisqu’il existe désormais un consensus mondial pour reconnaître que si Saddam Hussein est une menace pour son peuple, c’est George W. Bush qui est une menace pour le monde.
Dans ce tableau, la Russie a montré toute son impuissance et son insignifiance. Moscou dépend politiquement de Washington et économiquement de Berlin. Ce système de double dépendance fonctionnait tant qu’il n’existait pas de différend germano-états-unien, mais il a volé en éclats. Pendant dix ans, les spécialistes du Kremlin ont essayé de convaincre l’opinion publique que ne pas être aux côtés des États-Unis c’était s’opposer au reste du monde. Aujourd’hui, on peut constater l’inverse : ce sont les États-Unis qui s’opposent au reste du monde. La Russie a donc montré que son action n’était guidée que par l’opportunisme.
Vu cette situation, c’est avec une grande honte également, que j’ai constaté que, bien que les Russes soient opposés à la guerre en Irak, ils ne se mobilisent pas plus qu’au sujet de la guerre en Tchétchénie.

« Qui est avec le président Bush ? »

Who is with President Bush ?
Washington Times (États-Unis)

[AUTEUR] Frank J. Gaffney Jr est président du Center for Security Policy, le think tank qui rassemble les principaux « faucons » états-uniens. La dernière enquête du Réseau Voltaire lui est consacrée : « Le Centre pour la politique de sécurité : les marionnettistes de Washington ».

[RESUME] Le président Bush avait averti les différents pays du monde après les attentats du 11 septembre 2001 : on ne peut être qu’avec les États-Unis ou avec les terroristes. Malheureusement, dans les mois qui ont suivi le 11 septembre, on a vu le président en compagnie de leaders qui ne cachent pas leurs sympathies pour des terroristes.
Bush a alors montré au monde qu’on pouvait à la fois être avec les terroristes et être admis à la Maison-Blanche. En effet, il a rencontré peu après les attentats des responsables religieux musulmans qui condamnent sa politique antiterroriste et soutiennent des organisations terroristes anti-israéliennes.
Il est dans l’intérêt de la nation et du président que les musulmans modérés, respectueux des lois, amoureux de la paix et patriotes américains, reçoivent plus de soutien et de pouvoir de la part de l’administration. Cela est nécessaire pour prouver que nous menons une guerre au terrorisme et non une guerre à l’Islam. Cependant, l’administration Bush ne doit pas permettre au passage à ceux qui soutiennent nos ennemis de rencontrer le président.

« Des paroles toxiques sur la guerre »

Toxic Talk on War
Washington Post (États-Unis)

[AUTEUR] Lawrence F. Kaplan est rédacteur pour la revue conservatrice The New Republic et co-auteur avec William Kristol du livre à paraître : The War Over Iraq.

[RESUME] L’opinion de Patrick J. Buchanan selon laquelle la guerre contre l’Irak est causée par Israël se répand de plus en plus à gauche et au centre, et plus seulement à l’extrême droite. On peut lire dans The American Conservative, le magazine de Buchanan, que Bush est le client d’Ariel Sharon et que l’invasion de l’Irak n’est faite que pour aider Israël, État dont les supporters seraient nombreux dans l’administration (Perle, Wolfowitz, William Kristol… etc.). De même le plan pour démocratiser le Proche-Orient ne serait fait que pour accroître la sécurité d’Israël.
Ces arguments ont parfois les accents d’un Charles Lindbergh accusant dans les années 40 les Britanniques, les juifs et l’administrations Roosevelt d’entraîner les États-Unis dans la guerre contre l’Allemagne nazie.
La place d’Israël dans la guerre contre l’Irak est une question légitime et il est vrai que l’administration Bush comprend des juifs qui soutiennent Israël. Pourtant, ces hommes sont guidés par une volonté de faire prévaloir les valeurs et les intérêts américains partout dans le monde. Ils appliquent leur politique partout dans le monde et pas seulement au Proche-Orient. Les propos de Pat Buchanan sont risibles, mais également toxiques car ils sèment le trouble en laissant penser qu’il existe une double loyauté sur des bases ethniques dans l’administration Bush.

[CONTEXTE] L’aviateur Charles Lindbergh fut le porte-parole de l’America First Committee, une puissante association qui milita au début des années 40 contre l’entrée en guerre des États-Unis. Des documents récemment déclassifiés ont prouvé que le Comité était financé en sous main par le Reich nazi.

« Les renseignements du peuple »

The people’s intelligence
Christian Science Monitor (États-Unis)

[AUTEUR] Larry Seaquist est un ancien capitaine de vaisseau de l’US Navy et stratège au Pentagone. Il a été conseiller sur les approches créatives à la prévention des conflits du directeur général de l’UNESCO (1995-1999). Il est président du Strategy Group.

[RESUME] Alors que le monde du renseignement n’a jamais été aussi éloigné de nous, l’interprétation des informations issue du renseignement est devenue un élément essentiel de la citoyenneté. Sans cette capacité de décryptage, on ne peut pas juger les preuves de Colin Powell ou la dernière cassette de Ben Laden.
Le monde du renseignement alimente les militaires et les politiques en informations, mais celles-ci sont interprétées selon les besoins des récipiendaires et seront plus utilisées pour nous persuader que pour nous informer. Si on ajoute à cela la tendance des hommes politiques a créer de faux documents de renseignements pour leur propagande, on constate que le public est en plein brouillard.
Il est donc temps qu’une organisation indépendante puisse collecter les informations issues du renseignement pour les transmettre au public afin que les citoyens puissent être vraiment informés et réagir aux menaces.

« Tous les hommes sont créés égaux »

All men are created equal
Washington Times (États-Unis)

[AUTEUR] Bernardo Alvarez Herrera est l’ambassadeur du Venezuela aux États-Unis.

[RESUME] La constitution des États-Unis, en garantissant à tous les citoyens les mêmes droits a influencé positivement de nombreux pays dans le monde, parmi lesquels on trouve le Venezuela. Ses citoyens ont ratifié une constitution dynamique et respectueuses des droits individuels il y a trente-trois mois. Pourtant, bien qu’il soit l’inspirateur de cette constitution, le Washington Times ne cesse de s’en prendre au président Hugo Chavez, accusé de ne pas respecter la constitution et les principes démocratiques. Les États-Unis, qui dépensent des milliards pour instaurer des démocraties dans le monde, devraient pourtant se féliciter de voir au pouvoir un homme élu dans la transparence par deux fois.
Le président Chavez a respecté la démocratie bien qu’un petit groupe ait organisé la paralysie économique du pays. Que se passerait-il en Amérique si un groupe opposé au président Bush détournait un tiers des revenus du pays et contrôlait tous les médias ? Vous souvenez vous des politiques de Truman et Reagan contre les grévistes ? Un pays doit défendre les intérêts de la majorité de sa population et c’est pour cela que nous avons pris des mesures qui ont permis de revenir à 65 % de la production pétrolière normale du pays.
La liberté de la presse est au centre de la démocratie états-unienne et la presse ici a bonne réputation. C’est pourquoi il est surprenant de lire dans le Washington Times qu’il existe un groupe paramilitaire de deux millions d’hommes au Venezuela (ce qui serait la première armée de l’hémisphère) ou que M. Chavez aide les trafiquants de drogues colombiens alors qu’il est engagé dans la lutte contre ces trafiquants avec le gouvernement de Bogota. La presse aux États-Unis doit revenir à une présentation plus raisonnable de la réalité.