1. L’Assemblée est d’accord avec l’objectif de désarmer l’Irak, comme il est indiqué dans la Résolution 1441 du Conseil de sécurité des Nations Unies, mais regrette que la guerre ait commencé, exprime sa vive inquiétude pour la population civile, dont les vies sont exposées aux dangers de la guerre, et déplore la perte de vies aussi bien civiles que militaires.

2. L’Assemblée regrette que la situation ayant conduit à la guerre ait déclenché une série de crises et révélé des divisions entre l’Europe et les Etats-Unis, entre les pays européens, ainsi qu’entre certains gouvernements et la majorité de leurs peuples respectifs. Il nous incombe aussi de combler ces fossés, d’en analyser les causes et d’empêcher que d’autres ne se creusent à l’avenir.

3. L’Assemblée rappelle que depuis septembre 2002, elle a pris fermement position contre l’usage unilatéral de la force en dehors du cadre légal international et sans décision explicite du Conseil de sécurité des Nations Unies.

4. L’Assemblée souligne que le dirigeant du régime irakien est un dictateur cruel qui porte la responsabilité des pires violations des droits de l’homme. L’Assemblée condamne l’utilisation de civils, y compris des femmes et des enfants, comme boucliers humains par le régime de Bagdad, et appelle les parties belligérantes à respecter les normes péremptoires du droit international humanitaire. Elle exprime sa solidarité avec les Irakiens qui luttent contre cette dictature et pour l’établissement de la démocratie.

5. L’Assemblée déplore l’interruption des efforts de la communauté internationale visant à désarmer l’Irak par des moyens pacifiques, qui avaient commencé à produire des résultats positifs. La responsabilité de l’échec de l’approche politique et diplomatique adoptée par la communauté internationale, pour l’essentiel au sein de l’Organisation des Nations-Unies, incombe aussi au régime de Bagdad qui a eu à sa disposition douze ans et dix-sept résolutions du Conseil de sécurité pour désarmer.

6. L’Assemblée note que la grande majorité de la communauté internationale s’était opposée à une intervention militaire à ce stade, qui n’était soutenue que par quatre des quinze membres du Conseil de sécurité des Nations Unies.

7. La pression internationale sur l’Irak, y compris le déploiement militaire, avait porté ses fruits, et il avait été possible de détruire, par le biais des procédures d’inspection, plus d’armes de destruction massive que pendant la guerre du Golfe.

8. L’Assemblée reste convaincue que l’emploi de la force à ce stade pour désarmer l’Irak n’était pas justifié et qu’il n’y a toujours aucune preuve que ce pays représentait une menace pour les Etats qui l’ont attaqué. Elle estime que cette attaque est, en l’absence d’une décision explicite du Conseil de sécurité des Nations Unies, illégale et contraire aux principes du droit international qui interdit le recours à la force et à la menace par la force à l’exception des cas prévus par la Charte des Nations Unies.

9. L’Assemblée estime que l’intervention militaire en Irak ne peut être justifiée par les décisions précédentes des Nations Unies. Elle la condamne fermement et demande aux Gouvernements des Etats concernés d’y mettre fin.

10. Le Conseil de sécurité des Nations Unies doit mettre fin à la guerre et rétablir la paix et la sécurité internationales. S’il ne peut le faire, une session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies devra être convoquée d’urgence.

11. L’Assemblée invite instamment l’Union européenne à jouer un rôle actif dans ce processus pour restaurer la paix et l’ordre juridique mondial.

12. Le problème que pose au monde le régime irakien doit réintégrer d’urgence le cadre légal des Nations Unies, en l’état actuel des choses, dans le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Irak et des autres Etats de la région.

13. L’Assemblée reconnaît que les pays voisins pourraient être confrontés à une situation difficile du fait de la guerre et auront besoin d’urgence du soutien international.

14. Les Nations Unies doivent jouer le rôle clé dans la période d’après-guerre afin de conférer une base légale à la reconstruction du pays. Dans ce contexte, l’Assemblée se déclare indignée par le spectacle cynique des appels d’offres et des contrats de construction qui se poursuivent alors même que les hostilités continuent et que des vies humaines sont en jeu.

15. L’Assemblée se félicite de la décision du Conseil de sécurité des Nations Unies autorisant la reprise du programme humanitaire « Pétrole contre nourriture », qui apportera un secours nécessaire - quoique insuffisant - pour atténuer les souffrances de la population irakienne.

16. L’Assemblée regrette que les Etats membres du Conseil de l’Europe n’aient pas manifesté une volonté commune ferme en faveur du respect du droit international, qui aurait pu empêcher la guerre. L’Europe ne sera une réalité politique que si elle est prête à affirmer une unité fondée sur ses principes et ses valeurs. Elle doit être capable de prévoir l’évolution de la situation internationale pour élaborer les approches et les positions communes bien à l’amont de l’aggravation d’une crise.

17. L’Assemblée est persuadée que l’alliance stratégique entre l’Europe et les Etats-Unis, renforcée après les attaques terroristes du 11 septembre 2001, devra rester la pierre angulaire du progrès, de la sécurité et de la démocratie dans le monde de demain. Il ne faut cependant ni exploiter directement ou indirectement cette alliance pour placer les Européens en face de choix inacceptables, ni les diviser, ni - moins encore - les inciter à abandonner les principes fondamentaux de la démocratie européenne ou à transgresser le droit international. L’Assemblée souligne l’importance des relations transatlantiques, ainsi que de l’unité européenne, pour la promotion de la stabilité, de la démocratie et de la paix dans le monde. Des consultations sur une base démocratique entre tous les pays intéressés sont nécessaires pour garantir que ces objectifs seront atteints.

18. L’Assemblée craint fort que la guerre en Irak, injuste aux yeux de la majorité de l’opinion mondiale, ne porte atteinte à la cohésion internationale contre le terrorisme, ne renforce les positions des éléments terroristes et fondamentalistes et ne fragilise davantage la région du Proche-Orient. Dans ce contexte régional, l’Assemblée est fermement convaincue de la nécessité de présenter et de mettre en œuvre la " feuille de route " du Quartet pour un règlement qui résoudra le conflit israélo-palestinien.

19. L’Assemblée craint vivement que l’intervention en Irak, conduite au nom de la guerre préventive, ne compromette tous les résultats positifs obtenus dans la sauvegarde de la paix, de la sécurité collective et de la stabilité internationale au cours des cinquante dernières années et ne constitue un dangereux précédent risquant d’être exploité par d’autres pays.

20. L’Assemblée estime que les médias qui couvrent la guerre devraient s’abstenir de diffuser des messages tendancieux et provocateurs qui pourraient alimenter des sentiments anti-américains, anti-européens, anti-arabes, anti-musulmans, anti-israéliens, antisémites ou anti-chrétiens.

21. L’Assemblée est consciente de la dimension médiatique sans précédent qui revêt de la guerre en Irak, du fait de l’intégration de journalistes et de la diffusion d’informations en direct, 24 heures sur 24, par un ensemble de chaînes de télévision occidentales et arabes. Elle regrette que cette " course aux informations " conduise à la diffusion de suppositions non vérifiées. Elle met en garde contre le danger de faire des médias une arme de guerre, qui influence l’opinion publique et la prise de décisions politiques et militaires. Elle condamne aussi le harcèlement de journalistes " unilatéraux " et le fait de considérer les journalistes et les installations des médias comme des cibles militaires.

22. L’Assemblée observe avec satisfaction la mobilisation impressionnante de nombreux peuples dans le monde en faveur de la paix, qu’il faut éviter d’interpréter ou d’exploiter comme une manifestation d’anti-américanisme. Elle constate qu’une opposition à la guerre se manifeste même aux Etats-Unis et au Royaume-Uni.

23. L’Assemblée est convaincue que, pour parvenir à une solution durable, il faudra que les femmes aient un rôle actif dans la prévention des conflits et le maintien de la paix.

24. L’Assemblée estime que l’Europe doit agir vite et avec détermination, d’abord pour soulager les souffrances de la population, ensuite pour contribuer dans toute la mesure de ses moyens à organiser l’après-guerre et à stabiliser la région.

25. L’Assemblée est choquée par les tirs délibérés du 1er avril 2003 sur un véhicule transportant des civils iraquiens qui ont été tués et est préoccupée par le risque que de telles bavures se reproduisent dans les jours à venir si des mesures appropriées ne sont pas prises.

26. L’Assemblée est convaincue que l’Europe doit accomplir un grand effort pour établir sa cohésion et son unité, et que l’Union européenne a besoin d’une politique étrangère et de sécurité commune afin de pouvoir affirmer ses valeurs et les convertir en une politique efficace.

27. L’Assemblée exprime son regret que des représentants du Congrès des Etats-Unis n’aient pas estimé nécessaire d’accepter l’invitation à participer au débat sur la guerre en Irak.

28. L’Assemblée est convaincue de la nécessité de respecter les frontières internationales de l’Irak à la fin du conflit.

29. L’Assemblée appelle :

i. les belligérants

a. à mettre fin aux hostilités dans les plus brefs délais et à reprendre les efforts visant à régler le conflit dans le cadre et à travers les mécanismes des Nations Unies ;

b. à respecter le droit de la guerre, à protéger les prisonniers de guerre et les personnes hors de combat, à respecter les Conventions de Genève, à permettre immédiatement à tous ces prisonniers l’accès au Comité international de la Croix-Rouge et à protéger les civils ainsi qu’à respecter strictement le droit humanitaire, les Conventions de Genève, la liberté d’action des ONG humanitaires, la libre circulation de l’information et l’indépendance des médias ; elle rappelle aux belligérants qu’ils peuvent être tenus de répondre de tout crime contre l’humanité ou de tout crime de guerre qu’ils auraient commis ;

c. à traiter l’ensemble des prisonniers dans le strict respect des exigences des Conventions de Genève ;

ii. les Etats voisins de l’Irak :

a. à s’abstenir de tout acte militaire, à l’exception de la légitime défense et des besoins générés par des exigences humanitaires de la satisfaction, qui serait de nature à compliquer la situation existante ;

b. à ne pas fermer leurs frontières aux réfugiés, à leur assurer une protection suffisante conformément aux Conventions de Genève ;

iii. les Etats membres du Conseil de l’Europe :

a. à intensifier leurs efforts pour trouver d’urgence une solution pacifique visant à mettre fin aux hostilités en Irak et faire revenir le règlement du conflit irakien dans le cadre des Nations Unies.

b. à restaurer l’unité de la communauté internationale fondée sur le respect mutuel et le droit international ;

c. à contribuer aux efforts visant à prévenir la catastrophe humanitaire en Irak, à venir en aide aux réfugiés et aux victimes de la guerre, à répondre plus volontiers à l’appel spécial du HCR et à apporter à la population irakienne l’aide alimentaire et médicale nécessaire ;

d. à apporter un soutien, économique et humanitaire à la Turquie, qui est le seul Etat membre du Conseil de l’Europe ayant une frontière avec l’Irak, et qui souffrira des conséquences directes de la guerre, y compris des crises humanitaires qui pourraient être causées par des flux de réfugiés ;

e. à s’attacher à ce que la réhabilitation démocratique et la reconstruction de l’Irak soient placées sous les auspices directs des Nations-Unies ;

f. à mettre en œuvre des mécanismes efficaces permettant, bien à l’amont du déclenchement d’une crise internationale, le rapprochement des positions nationales et l’élaboration d’une approche européenne commune basée sur les principes, les valeurs et les intérêts européens ;

g. à réaffirmer leur attachement aux principes fondamentaux du droit international, ainsi qu’à contribuer à restaurer l’autorité et renforcer le rôle des Nations Unies ;

h. à redoubler d’efforts pour promouvoir les relations avec les pays arabes et musulmans et le dialogue inter-religieux et inter-culturel ;

i. à intensifier la recherche d’une solution juste et durable du conflit au Proche-Orient.

j. à garantir la protection effective des réfugiés et des demandeurs d’asile, y compris en leur accordant une protection durable et l’accès aux territoires des Etats-membres.

Source : Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe