Question : A Tambov, vous avez dit que pour certaines raisons politiques et économiques, la Russie n’est pas intéressée à la défaite politique et morale des USA, mais au retour du problème du règlement irakien sur le terrain de l’ONU. Pourriez-vous parler en détail de ces raisons ?

V.V.Poutine : Concernant les approches de la Russie à la crise en Irak, je les ai énoncées dans ma Déclaration il y a deux semaines. Et depuis, rien n’a changé dans notre position concernant l’Irak. Qui plus est, l’évolution des événements des derniers temps a confirmé la justesse de la position que nous avions prise dans ce problème. Nous prônons la consolidation des bases et des principes du droit international et le règlement de la situation pareille à travers l’Organisation des Nations Unies.

Concernant les émotions, je comprends les gens qui ne peuvent pas les retenir. Je comprends et partage en partie l’avis de ces gens - surtout après avoir vu les reportages télévisés de la région des hostilités.

Cependant, je crois que les émotions sont mauvaises conseillères dans la préparation et la prise des décisions.

La Russie au cours de ces derniers temps - et ce ne sont pas les crises qui ont manqué ces derniers temps - ne s’est jamais permis le luxe d’être directement impliquée dans une de ces crises. Et je ferai tout ce qui dépend de moi pour que la Russie cette fois encore ne soit pas entraînée dans la crise irakienne dans n’importe quel format.

Concernant les raisons politiques, lors de la solution de tout problème, y compris à caractère global, nous avons bien sûr toujours coopéré, coopérons et allons coopérer avec les Etats-Unis.

Sur le plan politique, les Etats-Unis et la Russie sont les puissances nucléaires les plus importantes du monde, et il nous incombe une responsabilité spécifique pour le maintien de la paix internationale universelle. Nous avons signé l’accord sur la limitation des arsenaux stratégiques offensifs. Le Sénat des USA l’a récemment ratifié, et nous entendons faire de même en Russie, nous allons travailler ensemble avec les députés de l’Assemblée Fédérale.

Et d’un.

Et de deux - j’en suis absolument persuadé - nous devons régler en commun le problème de la non-prolifération d’armes d’extermination massive et des moyens de leur acheminement. C’est un des problèmes les plus aigus du XXIe siècle, et, sûrement, sans la coopération positive et sans l’interaction entre les Etats-Unis et la Russie, ce problème ne pourra pas être résolu.

Enfin, la lutte contre le terrorisme. Il reste très actuel. La Russie ne le connaît pas par les ouï-dire. Voici un exemple : malgré la nouvelle étape du règlement en Tchétchénie, les attentats au Caucase continuent toujours. C’est un problème international. Ici, dans le cadre de la coalition antiterroriste, est établi un partenariat stable avec les Etats-Unis, et nous entendons le développer dans l’avenir.

Nous parlons tout le temps du besoin du renforcement des institutions de l’Organisation des Nations Unies. Nous parlons souvent du besoin de former une nouvelle architecture de la sécurité mondiale au XXIe siècle. Certes, sans l’interaction positive entre les States et la Russie, ce problème ne sera pas efficacement résolu.

Concernant le domaine de l’économie, là, tout est assez simple et, de mon point de vue, assez clair même pour les simples citoyens russes.

Premièrement, les USA sont notre plus important partenaire des échanges commerciaux. En 2002, le chiffre d’affaires des échanges commerciaux a atteint 9,2 milliards de dollars. Et cette année, il approche à pas sûr du niveau de 10 milliards de dollars.

L’économie américaine et la devise nationale américaine sont l’économie et la devise à caractère global, et de leur développement dépend dans une grande mesure l’état de l’économie européenne et russe. Si l’on suppose que le cours du dollar américain commence à chuter par rapport aux autres devises nationales importantissimes du monde, cela aura une répercussion directe sur la Russie, puisque aujourd’hui, les réserves métalliques et de devises de la Banque centrale de la Fédération de Russie ont atteint le chiffre record de 55,5 milliards de dollars USA (au début du mois d’avril de l’année en cours). Trois quarts des réserves de devises de la Banque centrale sont maintenus en dollars USA. Si l’on suppose que le cours change de façon défavorable pour le dollar, naturellement, la Banque centrale de la Fédération de Russie subira des pertes directes. La même chose concernant l’épargne des citoyens de la Russie, qui, comme nous le savons, conservent une partie de leurs économies en dollars USA.

Enfin, nous sommes intéressés à la coopération dans les organisations internationales. Nous avons devant nous le problème posé de l’intégration de l’économie de la Russie à l’économie mondiale. Là, nous coopérons activement avec nos collègues américains.

Pour nous, est extrêmement actuelle la tâche du changement du ratio des divers secteurs de l’économie russe. Nous sommes intéressés au développement des secteurs des hautes technologies, et il sera difficile de le faire sans utiliser les technologies modernes et les investissements américains. Tout cet ensemble de problèmes élève notre interaction à un niveau assez important. Cependant - je veux le noter - sur le plan bilatéral, nous entendons construire nos rapports partant des principes communs de l’édification de la politique étrangère de la Fédération de Russie. Partant du besoin de renforcer les bases du droit international, du système de la sécurité internationale, au centre duquel doit être l’ONU.

Si, parlant de la crise irakienne, le premier et le second entrent en conflit apparent, je suis persuadé que, finalement, le travail de principe sur ces pistes - et bilatérale, et multilatérale - a de bonnes perspectives. Puisque non seulement la Russie est intéressée à cette édification de la politique étrangère, mais la majorité écrasante des pays. Cela profite finalement aux Etats-Unis aussi.