Monsieur le Président,

Je tiens à remercier la présidence du Conseil de sécurité pour l’excellent travail qu’elle accomplit en ces moments difficiles.

Le Conseil de sécurité se réunit aujourd’hui dans une situation dramatique. Actuellement, le monde se prépare à une guerre imminente en Iraq. Le Conseil de sécurité ne saurait garder le silence en pareille situation. Aujourd’hui, plus que jamais, notre tâche doit consister à préserver sa fonction et sa pertinence. Nous sommes venus aujourd’hui une fois de plus à New York pour mettre cet aspect en lumière.

Les événements des dernières heures ont radicalement modifié la situation internationale et mis au point mort les activités de l’Organisation des Nations Unies sur le terrain. Ces événements sont une source de profonde préoccupation.

Néanmoins, je souhaiterais remercier M. Blix de ses informations concernant le programme de travail. L’Allemagne soutient pleinement sa démarche même dans les circonstances actuelles. Le programme de travail, qui décrit avec réalisme les questions de désarmement non réglées, nous est présenté aujourd’hui. Il nous donne des directives claires et convaincantes quant à la manière de désarmer l’Iraq par des moyens pacifiques dans un délai assez bref. J’aimerais insister sur ce fait, en particulier aujourd’hui. Il est possible de désarmer l’Iraq par des moyens pacifiques en accompagnant ces exigences d’échéances strictes. Les moyens pacifiques n’ont donc pas encore été épuisés. C’est pour cette raison également que l’Allemagne rejette catégoriquement la guerre qui se prépare.

Nous regrettons profondément que nos efforts considérables pour désarmer l’Iraq par des moyens pacifiques, conformément à la résolution 1441 du Conseil de sécurité, semblent voués à l’échec. Maintes fois au cours des dernières semaines, nous avons collaboré avec la France et la Russie pour présenter des propositions en faveur de régimes d’inspection plus efficaces comprenant des mesures claires de désarmement avec des dates limites, tout récemment celles du 15 mars. D’autres membres ont également soumis des propositions constructives jusqu’aux dernières heures des négociations. Nous les remercions de leurs efforts.

Ces quelques derniers jours, nous nous sommes beaucoup rapprochés de notre objectif commun, qui est de faire face efficacement au risque représenté par les armes de destruction massive iraquiennes au moyen d’un contrôle complet et global des armements. Au cours des dernières semaines en particulier, des progrès substantiels ont été réalisés en matière de désarmement. L’élimination des missiles Al-Samoud 2 a progressé : 70 missiles ont déjà été détruits. Et le régime de Bagdad, sous la pression, commence à répondre à des questions demeurées sans réponse sur l’agent VX et l’anthrax.

La volonté de coopération iraquienne n’était pas satisfaisante. L’Iraq s’est montré lent et hésitant. Le Conseil l’admet. Mais peut-on raisonnablement en tirer argument pour faire la guerre avec toutes ses terribles conséquences ?

Il est incontestable que, ces dernières semaines en particulier, Bagdad a commencé à coopérer davantage. Les informations fournies à la COCOVINU et à l’AIEA par l’Iraq sont des pas dans la bonne direction. Bagdad répond de mieux en mieux aux exigences contenues dans les résolutions du Conseil de sécurité. Alors pourquoi devrions-nous abandonner aujourd’hui - en particulier aujourd’hui - nos plans de désarmement de l’Iraq par des moyens pacifiques ? La majorité des membres du Conseil de sécurité estiment qu’il n’est absolument pas justifié de mettre fin au processus de désarmement qui est actuellement en cours sous la surveillance de l’Organisation des Nations Unies.

À cet égard, j’aimerais faire les trois observations suivantes :

D’abord, le Conseil de sécurité n’a pas échoué. Nous devons réfuter ce mythe. Le Conseil de sécurité a rendu disponibles des instruments permettant de désarmer l’Iraq pacifiquement. Le Conseil de sécurité n’est pas responsable de ce qui se passe hors de l’Organisation des Nations Unies.

Deuxièmement, nous devons dire clairement que, dans les circonstances actuelles, la politique d’intervention militaire n’a aucune crédibilité. Elle n’a pas le soutien de nos peuples. Il n’y aurait pas eu besoin de faire beaucoup pour préserver l’unité du Conseil de sécurité. Il n’y a, dans la Charte des Nations Unies, aucune base cautionnant un changement de régime par des moyens militaires.

Troisièmement, nous devons préserver le régime d’inspection et entériner le programme de travail, car nous en aurons besoin après la fin des opérations militaires. Les résolutions 1284 et 1441 sont toujours en vigueur même si certaines modifications sont indispensables.

Monsieur le Président,

L’Allemagne est convaincue que l’Organisation des Nations Unies et le Conseil de sécurité doivent continuer de jouer le rôle central dans le conflit iraquien. Ceci est essentiel pour l’ordre mondial et cela doit continuer d’être le cas à l’avenir. L’Organisation des Nations Unies est l’institution clef en matière de maintien de la paix et de la stabilité et de conciliation pacifique des intérêts dans le monde d’aujourd’hui et de demain. Rien ne saurait se substituer à ses fonctions de gardien de la paix. La responsabilité principale en matière de paix mondiale et de sécurité internationale incombe au Conseil de sécurité. Les négociations sur la crise iraquienne, qui ont été suivies par des millions de personnes dans le monde au cours des derniers mois et semaines, ont mis en relief la pertinence et la nécessité du rôle du Conseil de sécurité dans le maintien de la paix.

Nous continuons d’avoir besoin d’un régime de non-prolifération et de désarmement international efficace. Ce régime doit pouvoir éliminer le risque de prolifération des armes de destruction massive en employant les instruments mis au point dans ce processus pour faire du monde un lieu plus sûr. L’Organisation des Nations Unies est le seul cadre pertinent pour ce faire. Personne ne peut croire sérieusement que les guerres de désarmement sont la voie de l’avenir.

Nous sommes profondément préoccupés par les conséquences humanitaires d’une guerre en Iraq. Aujourd’hui, notre tâche consiste à faire tout notre possible pour éviter une catastrophe humanitaire. Le secrétaire général va présenter des propositions sur la question. Hier, le Conseil de sécurité a déclaré qu’il était prêt à adopter ces propositions. Avec le programme "pétrole contre nourriture", l’ONU a fourni à 60 % de la population iraquienne des biens essentiels. Cette expérience doit être renouvelée à l’avenir.

Monsieur le Président,

Une très grande majorité de la population en Allemagne et en Europe est très profondément troublée par la guerre imminente en Iraq. Notre continent n’a que trop souvent connu les horreurs de la guerre. Ceux qui connaissent notre histoire en Europe comprennent que nous ne vivons pas sur Vénus, mais plutôt que nous sommes les survivants de Mars. La guerre est terrible. C’est une grande tragédie pour ceux qui en sont affectés et pour nous tous. Ce ne peut être que le dernier recours, lorsque toutes les autres solutions pacifiques ont été épuisées.

Néanmoins, l’Allemagne a accepté la nécessité de la guerre à deux occasions au cours des dernières années, parce que toutes les alternatives pacifiques s’étaient montrées infructueuses. L’Allemagne a lutté aux côtés de ses alliés au Kosovo, pour empêcher la déportation massive de la population albanaise, et pour empêcher un génocide imminent. Elle a fait de même en Afghanistan, pour lutter contre le terrorisme barbare et dangereux des Talibans et d’Al-Qaida, après la terrible et criminelle attaque commise contre le gouvernement et le peuple des États-Unis. Nous resterons attachés à notre engagement dans cette lutte contre le terrorisme.

Aujourd’hui, toutefois, nous en Allemagne ne croyons pas qu’il n’y ait pas d’alternative à l’usage en dernier recours de la force militaire. Au contraire, nous pensons que l’Iraq peut être désarmé par des moyens pacifiques. Nous saisirons donc toute occasion, même la plus infime, d’apporter une solution pacifique.