M. JEAN-MARIE GUEHENNO , ; Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, a estimé que l’accent mis sur le problème de la drogue en Afghanistan au cours de cette séance est des plus opportuns, alors que ce phénomène menace la stabilité immédiate et à long terme de ce pays. Tout en regrettant que l’Administration transitoire peine toujours à imposer son autorité en dehors de Kaboul, 19 mois après l’Accord de Bonn et la mise en place d’une autorité intérimaire, il s’est félicité de l’engagement pris par 12 gouverneurs et commandants régionaux les plus influents, le 20 mai dernier, pour mettre en œuvre une décision en 13 points du Conseil national de la sécurité afghane. Celle-ci porte notamment sur l’interdiction du recrutement ou de la constitution d’une milice privée, du cumul de mandats à la fois civil et militaire, mais aussi sur l’obligation de transmettre au Gouvernement central les revenus et impôts perçus localement.

Depuis, le Ministère des finances s’est assuré des revenus douaniers de plusieurs régions, notamment 20 millions de dollars de la province de Herat. Le total des 40 millions de dollars obtenus à ce jour, sur les 200 millions de dollars prévus dans le projet de budget, ont permis de régler les arriérés de salaires des fonctionnaires et des soldats de l’armée afghane.

S’inquiétant de l’absence de volonté de certains de respecter les accords signés, M. Guéhenno a tout particulièrement souligné le cas de Ismael Khan qui refuse toute cession d’autorité au profit du pouvoir central. A cet égard, il a souligné la nécessité pour le Gouvernement afghan et la communauté internationale d’adresser un signal clair que les signataires sont tenus de respecter leurs engagements.

S’agissant de la situation des droits de l’homme qui demeure dans l’ensemble un sujet de grave préoccupation du fait d’une absence presque générale de l’état de droit, M. Guéhenno a salué la mise en place des sept bureaux satellites de la Commission indépendante des droits de l’homme afghane. Pour palier à cette carence, il a souligné la nécessité de rétablir la primauté du droit, par la mise en place d’un secteur judiciaire efficace. Dans ce contexte, il s’est félicité des travaux de la commission judiciaire habilitée par l’Accord de Bonn à organiser un vaste programme de réforme législative, à déterminer les besoins techniques et logistiques du futur secteur judiciaire.

Le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix a souligné par ailleurs les progrès réalisés par la Commission constitutionnelle inaugurée le 26 avril dernier et qui a commencé ses premières consultations publiques le 6 juin. Le projet de constitution qui tiendra des résultats de la consultation publique et des recommandations de la Commission sera présenté en septembre prochain. Le Gouvernement, la MANUA, des représentants de la communauté internationale et les forces internationales de sécurité discutent actuellement des mesures en matière de sécurité et de logistique dont la complexité, a précisé M. Guéhenno, ne doit pas être sous-estimée.

En ce qui concerne, l’organisation des élections nationales prévues en juin 2004, M. Guéhenno a indiqué que six coordinateurs régionaux avaient été recrutés, en soulignant la complexité et le coût des opérations d’inscription et de recensement des électeurs qui vont devoir être menées essentiellement par les Nations Unies, même si les autorités afghanes considèrent de plus en plus la possibilité de créer une commission électorale.

La question de la sécurité demeure très préoccupante, comme l’a montré l’attentat suicide qui a causé la mort, le 7 juin dernier, de quatre soldats allemands de la FIAS, et blessé 29 autres personnes. Alors que l’on constate des combats persistants entre factions rivales dans le nord, le 16 mai dernier, des combats entre les factions rivales de deux commandants de police ont contraint l’interruption des activités des l’ONU pendant quatre jours et causé la mort d’un coordinateur de la sécurité de l’ONU. Dans le sud et le sud-ouest du pays, ont été signalés des incidents entre des groupes apparemment liés aux Taliban et des forces de la coalition ou de l’armée afghane. Dans la province de Zabul , des patrouilles de police ont été pris es dans une embuscade et deux policiers tués, alors que le programme de déminage des Nations Unies à du être interrompu après que ses bureaux aient été victimes de plusieurs attaques le long de la route Kandahar-Kaboul.

La situation sécuritaire, a prévenu M. Guéhenno, est telle que les déplacements par voie terrestre des éléments des Nations Unies sont suspendus dans les provinces de Zabul, Uruzgan, Kandahar et le nord de Helmand et conduits uniquement sous escorte militaire sur les voies principales. Aujourd’hui , un tiers de l’Afghanistan est inaccessible aux Nations Unies, situation qui remet très sérieusement en cause ses travaux et le processus de reconstruction dans son ensemble, mais aussi les travaux préparatoires de la Loya Jirga constitutionnelle, les futures élections et les opérations de désarmement, démobilisation et réintégration des anciens combattants(DDR).

Même si des progrès ont été accomplis dans le domaine de la formation de l’armée et de la police, assurée respectivement par les Etats-Unis et l’Allemagne, le succès de ces structures ne sera possible qu’ avec la mise en place d’un secteur judiciaire efficace , a souligné M. Guéhenno. Il s’est en outre félicité de la contribution du Japon, qui devra permettra la mise en œuvre du programme de désarmement, démobilisation et de réintégration des anciens combattants, même si les factions concernées ont du mal à faire confiance à un ministère de la défense peu représentatif des réalités régionales ou ethniques de l’Afghanistan.

En conclusion, M. Guéhenno a rappelé que si la mise en place d’institutions afghanes fonctionnelles et d’activités civiques est la réponse ultime à apporter, le renforcement et un déploiement conséquents de la force internationale de sécurité sont indispensables pour assurer la sécurité de la mise en œuvre du processus de Bonn et de la reconstruction de l’Afghanistan. Or, force est de constater que si les cadres technique et logistique évoluent avec le processus de paix, le climat actuel demeure peu propice. Le processus entre dans sa phase la plus critique : la mise en place d’une constitution et des premières élections nationales.

M. ANTONIO MARIA COSTA, Directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a précisé que si l’opium provient d’Afghanistan, il faut considérer le problème dans son ensemble, la responsabilité de cette menace incombant aussi au reste du monde, particulièrement aux pays d’Europe qui en sont les consommateurs. Dans tous les cas, a-t-il ajouté, le problème des narcotiques d’origine afghane, (opium, morphine, héroïne) est grave. Le Directeur de l’ONUDC a cependant précisé que les activités illégales ne sont pas le fait de tout le territoire afghan, seulement un pour cent des terres étant consacré à la culture du pavot à opium. Pas plus de 6% des familles dépendent de la production illicite pour leur survie et seules 5 provinces sur les 31 que compte le pays produisent de l’opium en grande quantité.

On peut dire que la production d’opium est un frein à la reconstruction du pays mais on peut également avancer que les retards dans l’édification de la primauté du droit ralentissent la capacité du gouvernement à réduire l’économie de la drogue. En 2002, 74 000 hectares ont été consacrés à la culture du pavot à opium, avec une production de 3 400 tonnes, dans 5 provinces. En 2003, il semble que la culture de l’opium s’est étendue à d’autres zones alors qu’une baisse de production a été enregistrée dans les provinces traditionnellement impliquées dans ce type d’activités. Malgré les efforts de l’administration provisoire afghane, l’Afghanistan restera le plus grand producteur d’opium au monde alors que la production dans "le triangle d’or" est à la baisse. Au cours des dernières années de guerre en effet, le trafic de drogue, comme le trafic d’armes ont fourni des moyens de subsistance représentant 20% du PNB.

Pour libérer l’Afghanistan de ce phénomène, il est indispensable de développer des sources alternatives de revenus. Cette tache se trouve cependant compliquée par des facteurs économiques et politiques et notamment en matière de sécurité. Sur le plan économique, a expliqué M. Costa, le pays semble défier les lois économiques en vertu desquelles les prix et les risques induits sont liés. Par exemple, l’opium qui se négociait à 35-50 dollars par kilo est récemment passé à 550-600 dollars par kilo. En termes macroéconomiques, alors que la valeur des récoltes dans les années 90 était de 150 millions de dollars par an, le revenu en 2002 est passé à 1,2 milliard, soit le montant de l’aide internationale fournie en 2002. Le défi aux lois économiques se trouve reflété dans le fait que le prix de l’opium a augmenté alors que les risques liés à cette culture n’ont pas augmenté proportionnellement.

Débarrasser l’Afghanistan de la culture de l’opium exigera davantage de moyens politiques, financiers et des efforts en matière de sécurité. Les trafiquants de drogue constituent des ersatzs des Taliban et de Al-Qaida qui ont intérêt à ce que l’Etat demeure faible. Par ailleurs, la corruption est à la fois une cause et une conséquence du narcotrafic. L’élément commun sur le parcours qu’empruntent les drogues est la présence d’éléments corrompus tout au long du processus, que ce soit au niveau des douanes ou des représentants des gouvernements. L’ancienne route de la soie est désormais pavée d’opium. Ce trafic menace également la stabilité des pays qui se trouvent tout au long de cette route.

En vertu de la Stratégie nationale de contrôle des drogues adoptée le mois dernier par le Gouvernement afghan, la production d’opium devrait être éliminée d’ici dix ans. L’économie de la drogue peut être convertie en faveur de la paix et du développement si le Gouvernement s’attaque aux causes de ce fléau. Il doit mettre un terme dans un premier temps à la production, au financement et au trafic puis fournir une aide aux agriculteurs pauvres par le biais notamment du microcrédit, de l’accès à l’éducation et à l’emploi ; par la transformation des bazars en lieux de commerce modernes et en neutralisant les efforts des seigneurs de la guerre.

La communauté internationale doit de son côté fournir un effort à la mise en œuvre de la Stratégie de contrôle des drogues ; promouvoir la lutte contre ce trafic en Afghanistan et dans les pays voisins ; intégrer cette question dans les efforts de reconstruction ; promouvoir des moyens de subsistance alternatifs ; aider les Afghans dans leurs efforts de réforme du système judiciaire et fournir un suivi à la conférence de Paris sur les routes de la drogue.

M. JEAN-MARC DE LA SABLIERE (France) a déclaré que les trafics de drogue en Afghanistan constituent une lourde menace pour la paix et la sécurité internationales. La drogue en effet trouve sa place aux côtés des grandes menaces d’aujourd’hui que sont le terrorisme, la prolifération du crime organisé. Une part importante de l’opium afghan est consommée en Europe et les pays de transit sont de plus en plus nombreux. A la route traditionnelle passant par les Balkans sont venues s’ajouter une série de routes à travers l’Asie centrale. La distinction entre pays de transit et pays consommateurs n’est plus pertinente. Pour l’Afghanistan, a ajouté le représentant, la production et les trafics de drogue représentent un énorme défi. La poursuite de la culture du pavot bloque les réformes indispensables à la modernisation du pays. Lutter contre la culture du pavot c’est faire progresser deux grands volets du processus de Bonn : celui de la sécurité dans les provinces et celui de l’affermissement du pouvoir central vis-à-vis des potentats locaux. La MANUA fournit un appui irremplaçable aux autorités afghanes sur ces deux fronts.

Le pari n’est pas gagné. Après une chute notable en 2000-2001, la production d’opium est estimée par les Nations Unies à 3 400 tonnes en 2002 et la récolte pour 2003 devrait être du même ordre. Aujourd’hui, 20% du PNB afghan provient de la culture de l’opium et quatre à six millions d’Afghans en vivent.

Le Président Karzaï a récemment pris des mesures courageuses pour faire face à ce défi, a souligné M. La Sablière, précisant qu’un plan d’action a été adopté par le gouvernement en transition qui propose une stratégie de long terme pour éliminer totalement d’ici à 2013 la culture du pavot en Afghanistan. Nous devons appuyer ces mesures, en liaison avec les nations cadres que sont Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Italie. Cela suppose qu’il faut soutenir le développement durable de cultures de substitutions. Pour mettre en œuvre cette stratégie, et s’attaquer au problème sous tous ses aspects, a insisté le représentant, une mobilisation internationale est indispensable. La réponse de la communauté internationale au fléau de la drogue doit respecter certains principes et les objectifs doivent être équilibrés sur le plan de la réduction de l’offre et de la demande. La coordination doit être améliorée sur le plan régional et international. A l’initiative de la France, 55 Etats gravement touchés par le trafic d’opium et d’héroïne produite en Afghanistan ont adopté une déclaration intitulée "Pacte de Paris" le 22 mai dernier, qui a été distribuée comme document officiel du Conseil de sécurité. Par ce Pacte, les Ministres ont convenu de conjuguer leurs efforts pour lutter contre ce phénomène.

M. CARLOS PUJALTE (Mexique) a déclaré qu’en Afghanistan comme ailleurs, la communauté internationale doit renforcer la coopération internationale pour analyser les racines des conflits et agir de façon opportune en matière de développement économique et de reconstruction des institutions nationales. En dépit des progrès accomplis par l’Autorité provisoire sur la base des Accords de Bonn, nous sommes préoccupés par les problèmes persistants qui représentent une menace à la sécurité et à la construction de la démocratie. Ce pays doit toujours relever de grands défis, au premier rang desquels figurent la constitution d’un gouvernement et d’une police nationale, le désarmement, la démobilisation et la réintégration des anciens combattants, la lutte contre la production de stupéfiants, la constitution d’une culture de respect des droits de l’homme, l’élaboration et l’adoption d’une nouvelle constitution et l’organisation d’élections générales. Dans tous ces domaines, la coopération internationale est indispensable, en particulier en ce qui concerne l’organisation des élections prévues en 2004. Le Mexique est également d’avis qu’il est important de promouvoir l’éducation, la santé et la construction de nouvelles infrastructures.

Nous condamnons aussi fermement les attaques du 7 juin dernier contre des membres de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) ainsi que celles perpétrées contre le personnel humanitaire. En ce qui concerne la production de drogues, nous estimons que les pays dans lesquels la consommation a augmenté ont un rôle à jouer en matière de lutte contre la vente d’héroïne dans les grandes zones urbaines. Le Conseil de sécurité doit tenir compte des principes de base sur lesquels la communauté internationale s’est mise d’accord en matière de lutte contre les stupéfiants, à savoir ceux qui sont inscrits dans la Déclaration ministérielle issue de la quarante-sixième session de la Commission des stupéfiants tenue en avril dernier. Au cours des négociations autour de cette Déclaration, les principes de responsabilité commune et partagée ont été réaffirmés ainsi que ceux d’une coopération internationale fondée sur l’analyse des aspects liés aussi bien à l’offre qu’à la demande de stupéfiants. De même, le Mexique se félicite de l’initiative de la France qui a organisé en mai de cette année "la Conférence sur les routes de la drogue en Asie centrale et en Europe".

M. MAMADY TRAORE (Guinée) a estimé que si sur le plan politique des progrès notables ont été réalisés dans le cadre de l’application de l’Accord de Bonn, l’insécurité demeure le principal obstacle à la création de l’état de droit en Afghanistan. L’Afghanistan se trouve à la croisée des chemins, a poursuivi le représentant, rappelant que le processus constitutionnel engagé il y a quelques mois est censé conduire à terme à des élections transparentes et crédibles, à la constitution d’un gouvernement multiethnique largement représentatif, et à la mise en place d’institutions viables chargées d’assurer la primauté du droit, le respect des libertés fondamentales et la promotion de l’égalité entre les sexes. Les drogues illicites constituent l’une des principales sources de financement des activités criminelles et du terrorisme international, a observé ensuite M. Traoré, indiquant qu’en Afghanistan, la culture illicite du pavot et la production et le trafic de drogues demeurent une préoccupation majeure.

Soulignant les mesures prises par l’Administration intérimaire, sous la conduite du Président Karzaï, pour parvenir à l’élimination de la culture du pavot, il a jugé qu’il s’agissait là d’une lutte de longue haleine et qu’il incombe aux autorités afghanes de veiller à l’application rigoureuse de ces mesures et d’éduquer les populations sur les dangers de l’opium. La communauté internationale devra, quant à elle, aider à la réalisation de projets de développement à impact rapide, notamment pour des cultures de substitutions susceptibles de générer des revenus substantiels aux agriculteurs. L’Accord de Bonn est entré dans une phase cruciale de consolidation du processus de paix et de relèvement de ce pays qui a besoin du soutien politique et de l’aide financière de la communauté internationale, a conclu le représentant guinéen.

M. MIKHAIL WEHBE (République arabe syrienne) a estimé que le thème de cette réunion reflète un aspect important et complexe du dossier afghan qui exige de la communauté internationale la nécessité de continuer à jouer un rôle central dans la reconstruction du pays. Les problèmes liés à la sécurité et à la drogue sont l’un des obstacles principaux qui entravent le processus de paix. La culture du pavot est un sujet de préoccupation aux niveaux national, régional et mondial dans la mesure où les profits tirés de ce trafic alimentent le terrorisme international.

Une stratégie cohérente et complète sous la houlette des Nations Unies est nécessaire. Il faudra offrir des cultures alternatives à la culture du pavot. Il faudra également renforcer les structures étatiques afghanes, améliorer la législation et assurer le respect de la primauté du droit. Ces efforts doivent s’accompagner d’une campagne d’information sur les dangers liés à la culture du pavot. Cette lutte ne doit pas se limiter au pays mais elle doit également être menée par l’ensemble de la communauté internationale.

L’Afghanistan produit actuellement plus de 3 500 tonnes d’opium par an, a souligné M. MARTIN BELINGA-EBOUTOU (Cameroun), s’inquiétant de cette évolution dans la mesure où il y a seulement deux ans, la culture du pavot était tombée à quelques centaines de tonnes. Le lien entre la production du pavot, l’insécurité, les difficultés économiques, la corruption et la consolidation de l’état de droit est clairement établi, a-t-il poursuivi, avant de remercier le Gouvernement français pour avoir organisé les 21 et 22 mai dernier à Paris une Conférence ministérielle sur les routes de la drogue de l’Asie centrale à l’Europe. Les préoccupations relevées par les participants à la réunion de Paris sont sensiblement identiques aux problèmes enregistrés dans les zones de culture ou de transit de la drogue en Amérique latine, en Afrique sub-saharienne ou en Asie du Sud-Est, a constaté M. Belinga-Eboutou.

La production et le trafic de drogues constituent un des défis les plus importants auquel est confronté l’Afghanistan post-taliban, au même titre que ceux liés à sa reconstruction, à sa sécurité et à la consolidation de l’état de droit, a ajouté le représentant du Cameroun, déplorant que les chefs de guerre qui sont au cœur de la dynamique économique et politique en Afghanistan contrôlent, en relation avec la criminalité transnationale, la production et le trafic de l’opium provenant de ce pays. Il a ensuite rendu hommage aux efforts de certains pays -Royaume-Uni, Allemagne et Italie- pour maîtriser ce phénomène mais a souligné toutefois que les efforts déployés ont connu un succès mitigé. La mobilisation de la communauté internationale face à un tel phénomène suppose une action vigoureuse dans les zones de production qui passe par la diversification de la production agricole et par l’amélioration des rendements afin de convaincre les paysans de renoncer à la culture du pavot en se réorientant vers une agriculture de rente rémunératrice. Une telle mobilisation suppose également de renoncer à l’ambiguïté entretenue à l’endroit des chefs de guerre qui non seulement contrôlent le commerce de la drogue mais sont de plus en plus présents dans tous les secteurs de l’activité économique et dans la consolidation du processus politique, directement ou à travers leurs alliés, a fait observer M. Belinga-Eboutou.

M. STEFAN TAFROV (Bulgarie) s’est dit inquiet de la situation en matière de sécurité dans les provinces afghanes, notant en particulier la persistance de la violation des droits de l’homme. La lutte contre la production de la drogue est une des dimensions les plus importantes du processus de reconstruction dans la mesure où cette production a des implications non seulement pour l’Afghanistan, mais également pour le reste du monde et tout particulièrement pour le continent européen. La Bulgarie qui se trouve sur la route de la drogue provenant d’Asie centrale est très touchée par ce phénomène. Notant que 3,3 millions d’Afghans vivent de la production d’opium, et que 60 à 70% de l’héroïne vendue en Europe provient de ce pays, il a souligné toute la difficulté de venir à bout de ce fléau. Le représentant a salué cependant les efforts de l’Administration transitoire de Afghanistan en matière de lutte contre la drogue, et a tout particulièrement remercié la contribution du Royaume-Uni en ce domaine, mais également de l’Allemagne, chargée de la formation de la police, et de l’Italie qui travaille à la modernisation de la justice afghane. De l’avis de sa délégation, l’un des meilleurs moyens de lutter contre ce phénomène est de limiter la demande dans les pays consommateurs.

M. HERALDO MUNOZ (Chili) a fait part du soutien de son pays au processus en cours en Afghanistan, notamment le processus constitutionnel qui s’est concrétisé par la création d’une Commission constitutionnelle. La sécurité continue de constituer le défi le plus sérieux et nous sommes préoccupés par les attaques de plus en plus nombreuses menées à l’encontre du personnel international par des éléments rebelles. Il faut en priorité accélérer les réformes dans le domaine de la sécurité, y compris le désarmement, la démobilisation et la réintégration des anciens combattants.

Le problème de la drogue, a ajouté le représentant, exige une approche globale où les responsabilités sont partagées. Il est préoccupant de constater que des zones qui n’étaient pas des terres traditionnelles du pavot sont désormais consacrées à cette culture. Nous notons cependant que la production a baissé dans certaines provinces. La production, le trafic et la consommation de drogues montrent la vulnérabilité de nos sociétés. Les Etats ne peuvent pas lutter individuellement contre ce phénomène. Nous sommes en faveur des recommandations formulées dans l’un des derniers rapports de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, notamment la promotion de cultures de remplacement auprès des agriculteurs, y compris la fourniture de matériel et d’équipement, de semences, de fertilisants, des sources de revenus alternatifs pour les réfugiés, l’accès des femmes et des enfants à l’éducation, la mise en place de structures macroéconomiques et la mise à disposition de fonds par le microcrédit. Il sera également nécessaire de promouvoir la coopération transfrontalière, de neutraliser les groupes impliqués dans le blanchiment d’argent et de promouvoir le partage d’information entre pays.

M. JEREMY GREENSTOCK (Royaume-Uni) a indiqué que le processus politique est vulnérable, même si les échéances ont pu être respectées jusqu’ici. Il s’est inquiété de la fragilité de la situation sécuritaire dans l’ensemble du pays. Car, a-t-il ajouté, la sécurité est essentielle pour permettre un relèvement plus rapide du pays et un développement de son économie. En ce qui concerne la lutte contre la drogue, il s’agit d’un des grands défis de ce relèvement économique. Tant que les dirigeants provinciaux auront accès aux revenus des cultures illégales, l’Autorité de transition sera menacée. L’économie illicite comprend de nombreux secteurs au-delà de la drogue et il est clair que cette année et l’année prochaine, il y a peu de chances que les agriculteurs se reconvertissent. Le Conseil de sécurité devrait suivre la mise en œuvre de la Stratégie nationale de contrôle des drogues.

Le représentant du Royaume-Uni a également indiqué que son pays engagera 114 millions de dollars pour la lutte contre les stupéfiants en Afghanistan dans les prochaines années. Dans ce contexte, il a encouragé les organismes des Nations Unies à étudier des stratégies d’aide à la reconversion des producteurs de pavots. Cette production parce qu’elle finance en partie le terrorisme international, est une menace pour tous les pays du monde. Il s’est félicité de la conclusion le mois dernier du pacte de Paris sur les moyens de lutter contre le trafic de drogue. Ce problème, a-t-il ajouté, ne peut-être réglé uniquement par des mesures afghanes et il est essentiel que le Conseil de sécurité s’attache à créer les conditions favorisant les succès contre ce trafic.

M. INOCENCIO ARIAS (Espagne) a déclaré que tous les progrès accomplis jusqu’à présent sont menacés par les activités des Talibans, notamment le trafic des drogues qui malheureusement est devenu un mode de vie pour de nombreuses personnes en Afghanistan. Il est essentiel de lutter contre l’argent dérivé de ce trafic pour qu’il ne contribue pas à renforcer le pouvoir des potentats locaux. Il existe d’importants liens entre le trafic des drogues et les activités terroristes. La lutte contre le trafic de drogues exige la mise en place de programmes de développement, ainsi que la réduction de l’offre et de la demande des stupéfiants. Il existe en effet une responsabilité partagée entre pays producteurs et pays consommateurs dans ce domaine. La lutte contre le trafic de drogues doit s’inscrire dans le cadre des programmes de développement et de lutte contre la criminalité. Nous espérons que le Pacte de Paris sera respecté de tous, a déclaré le représentant, invitant par ailleurs les parties à la Convention des Nations Unies de lutte contre le trafic de stupéfiants à contribuer aux travaux des organisations internationales spécialisées.

M. GUNTER PLEUGER (Allemagne) a regretté qu’une nouvelle fois, l’Afghanistan paraît devoir emporter le titre de premier producteur mondial d’opium en 2003. Appelant le Conseil à trouver les moyens de lutter contre cette menace, le représentant a jugé la question d’autant plus importante puisqu’elle est étroitement liée aux autres formes de crimes organisés comme le trafic d’armes, le trafic d’êtres humains, le blanchiment d’argent, la corruption et le terrorisme. Dans ce contexte, il a jugé que la tâche prioritaire doit être la réforme du secteur de la sécurité et la mise en place d’un système de police efficace dans tout le pays. Rappelant la contribution de son pays à cet effort, le représentant s’est félicité des progrès enregistrés à ce jour en appelant à une mise en place rapide d’une police des frontières.

Soulignant néanmoins qu’à ce jour les succès ne concernent que la ville de Kaboul, il a estimé que l’intégration de toutes les provinces d’ici à 2004 exige la fin de l’instabilité qui découle des combats entre les chefs militaires, les groupes ethniques et les milices. Quant aux coûts afférents à la mise en place d’une police nationale, le représentant a rappelé les estimations qui montrent qu’une somme de 180 millions d’euros sera nécessaire pour lesquatre années à venir ; la mise en place d’une police des frontières nécessitant une somme de 200 millions d’euros sur quatre ans. Le représentant a ainsi démontré que le développement du secteur de la sécurité dépend en tout état de cause de l’implication continue de la communauté internationale.

M. JOHN NEGROPONTE (Etats-Unis), notant qu’en Afghanistan, la récolte de pavot en 2003 sera aussi importante qu’en 2002, s’est inquiété des conséquences de cette production sur la situation du pays en matière de sécurité. A cet égard, il a souligné l’urgence de faire plus et mieux en matière de lutte contre la production et le trafic de drogues. Car, a-t-il prévenu, les revenus de la drogue contribuent à financer les groupes rebelles et les activités criminelles en général. En outre, par sa diffusion, la drogue est également un facteur de la propagation du VIH/sida dans le reste du monde et particulièrement en Europe. Aussi, est-il nécessaire d’accorder les mesures d’aide à de lutte contre la production du pavot et son trafic dans les pays voisins, car la lutte dans ce domaine ne sera efficace que si elle est menée dans un contexte régional. Au niveau local, la lutte contre la drogue ne sera possible que lorsqu’il sera possible de garantir la sécurité en dehors de Kaboul. Le représentant a appuyé les initiatives prises par le Royaume-Uni en matière de lutte contre les stupéfiants et de l’Allemagne pour la formation de la police. Pour leur par, les Etats-Unis ont alloué 170 millions de dollars à la lutte contre ce fléau en Afghanistan. Il importe maintenant d’adopter une approche régionale, a souligné M. Negroponte, convaincu qu’une bonne coordination avec les pays voisins de l’Afghanistan assurera une meilleure efficacité de la lutte contre la drogue.

Par ailleurs, le représentant des Etats-Unis a indiqué que son pays avait participé à la constitution de trois équipes provinciales de reconstruction sur les huit prévues par l’Accord de Bonn et qu’il entend aujourd’hui renforcer ces équipes. S’agissant de l’organisation des futures élections, il a déclaré que la Division de l’assistance électorale des Nations Unies envisage de soutenir le rôle de la MANUA dans ce domaine en lançant un appel à des contributions volontaires, le coût de cette activité électorale étant estimé à 100 millions de dollars. En conclusion, il a invité la communauté internationale à contribuer le plus rapidement possible au Fonds d’affectation pour la reconstruction de l’Afghanistan pour assurer le plein succès de la mise en œuvre de l’Accord de Bonn.

M. WANG YINGFAN (Chine) a salué les efforts déployés par l’Administration transitoire en Afghanistan sous la conduite du Président Karzaï pour normaliser la situation et a souhaité que la Loya Jirga constitutionnelle qui se tiendra en octobre prochain contribue au renforcement de l’unité, de la justice sociale, de l’état de droit et de la stabilité dans le pays. Toutefois, l’insécurité demeure une source d’inquiétude dans de nombreuses régions du pays, a-t-il constaté, avant de prôner l’adoption de mesures concrètes par la communauté internationale pour soutenir l’Administration transitoire dans ses efforts visant à mettre sur pied des forces de police efficaces et à mettre en œuvre les programme de DDR.

Par ailleurs, soulignant le lien étroit entre trafic de drogues, crimes transnational organisé et blanchiment d’argent, M. Wang a exhorté la communauté internationale à appuyer les pays d’Asie centrale et l’Afghanistan dans leurs efforts visant à éradiquer le fléau du trafic illicite et de la production de drogues qui ont un impact négatif sur la stabilité et le développement économique de la région. Il est temps d’adopter des mesures à l’échelle internationale pour lutter efficacement contre la production et le commerce illicite de la drogue originaire d’Afghanistan et de faire en sorte que les Nations Unies en assurent la coordination. Cela implique, outre des mécanismes renforcés dans les domaines de la police et des douanes, une incitation effective à la production de cultures de substitution rentables dans le monde rural, a-t-il dit, assurant que la Chine collaborera pleinement à la création de projets dans les zones rurales. Enfin, l’Ambassadeur Wang a annoncé son prochain départ de New York et salué les autres membres du Conseil pour leur esprit de collaboration au cours des années qu’il a passées à la tête de la Mission permanente de la Chine.

M. ISMAEL ABRAAO GASPAR MARTINS (Angola) a déclaré que ces dernières années, l’Afghanistan avait été au centre du terrorisme international et la source de trafic de drogues la plus importante au monde, constituant donc une grave menace à la paix et à la sécurité. L’Accord de Bonn, signé par plusieurs factions antitaliban a établi le cadre de l’instauration de la paix et du relèvement du pays. La situation de l’Afghanistan cependant est encore loin de répondre aux conditions nécessaires à la pleine application des Accords de Bonn. La production de drogues illicites en Afghanistan est un sujet délicat. Le programme de remplacement de la culture du pavot de l’ONU et du Conseil national afghan offre une stratégie cohérente mais qui ne portera ses fruits qu’avec la stabilisation de la situation économique et en matière de sécurité.

Il faut trouver d’autres incitations économiques pour assurer des revenus à la population afghane, a ajouté le représentant. Des mesures efficaces pour réduire la demande dans les pays acheteurs sont également essentielles. Cette lutte est indispensable non seulement pour l’Afghanistan mais également pour la région tout entière. Les pays chefs de file dans la région et la communauté internationale doivent renforcer leurs efforts en vue de développer au niveau national des infrastructures de lutte contre ce trafic. La production de drogue et le trafic posent un défi et l’Administration intérimaire afghane ne pourra réussir que si la communauté internationale reste engagée dans la reconstruction du pays.

/à suivre…

Source : ONU