(extrait du procès-verbal de la séance du mardi 5 décembre 2000)

Présidence de M. Bernard Cazeneuve, Président

M. Bernard Cazeneuve, Président : Mes chers collègues, nous accueillons M. Jacques Céron, Ingénieur en chef des études et techniques d’armement à la Délégation générale pour l’Armement (DGA). M. Céron travaille au sein de cette délégation depuis de nombreuses années sur des questions multiples, notamment celles qui touchent au problème de l’uranium appauvri.

Vous avez, M. l’Ingénieur en chef, notamment la responsabilité du programme ABL (Antiblindés). Bien que n’étant pas en fonction dans ce secteur en 1990 et 1991, c’est-à-dire à l’époque qui nous intéresse plus particulièrement, vous disposez d’une abondante documentation d’origine française et étrangère sur la production et l’utilisation de blindages ou d’armes incorporant de l’uranium appauvri.

Il est clair que vous pouvez nous apporter des éléments de réflexion qui seront crédibles et vérifiés, ce qui pour nous est tout à fait important, compte tenu de la volonté de rigueur qui préside à nos travaux. Nous vous poserons donc des questions concernant l’évolution des techniques et des normes d’emploi de l’uranium appauvri dans les industries de défense, ainsi que d’autres questions relatives aux échanges d’informations sur ce sujet avec un certain nombre de pays comme les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne qui, pendant la guerre du Golfe, étaient nos alliés.

Etant en activité à la Délégation générale pour l’Armement, à l’heure actuelle, votre audition s’effectuera conformément aux règles que nous avons conjointement définies, c’est-à-dire à huis clos.

Par ailleurs, je profite de cette séance pour informer les membres de la mission d’information que je n’ai toujours pas reçu de réponse à ma lettre adressée aux représentants de l’association Avigolfe, leur demandant si la date du 19 décembre prochain, ultérieure à leur assemblée générale, convenait pour organiser leur audition. Je vais procéder à une ultime relance. Si, au terme de cette relance, nous ne devions pas avoir de réponse, je proposerai qu’il soit connu du public et de la presse que nous avons multiplié les démarches à destination de cette association, qui a refusé de se rendre devant nous.

M. l’Ingénieur en chef, je vous donne immédiatement la parole pour un exposé introductif, au terme duquel nous vous poserons une série de questions.

(Projection documents)

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Je vais essayer de présenter très rapidement l’état de l’art à l’époque qui vous intéresse. Pour cela, je vais remonter à 1986, qui est une « date charnière ».

A cette époque, nous avions eu un certain nombre d’informations concernant le renforcement des protections des véhicules blindés qui étaient notre première menace. Il s’agissait essentiellement des blindés des pays membres du Pacte de Varsovie. En l’occurrence, tous les blindés que nous avions en face de nous possédaient un blindage dit « réactif ». Un blindage « réactif » a tendance à exploser au moment du contact d’une munition et coupe l’effet de la munition.

A l’époque, un certain nombre de réflexions ont été menées sur les adaptations à effectuer sur nos chars de combat. Nos chars de combat étaient des chars AMX 30 B2 et nos munitions explosives - tout à fait classiques - de moyenne performance, étaient des obus à charge creuse destinés à combattre les véhicules blindés, essentiellement à blindages dits homogènes, ainsi que des obus flèche à pénétrateur en tungstène. J’ai apporté une flèche tungstène que je vous montrerai tout à l’heure. C’était à l’époque le plus performant des obus détenus par l’armée française. Il nous permettait de maîtriser la menace que nous avions en face de nous.

Partant de cet examen, le problème était simple : face à des blindages renforcés, nous étions inopérants puisque la munition flèche tungstène ne perforait pas les blindages de cette nouvelle menace. Conformément à notre mission et à la demande des états-majors, nous nous sommes penchés sur le problème pour voir comment répondre rapidement à ce besoin.

La démarche s’est articulée de la façon suivante. En 1986-1987, les recherches étaient axées sur la façon de vaincre cette menace. Sans entrer dans le détail, les charges creuses classiques ne pouvant pas vaincre cette menace, il ne restait alors qu’une seule alternative : la munition avec un pénétrateur en uranium. C’est à ce moment-là que nous avons proposé les études sur les munitions à pénétrateurs en uranium. La DGA a lancé les premiers travaux sur ces études en 1988.

Qu’est-ce qu’une munition flèche ? On projette une partie métallique d’une forme un peu spéciale à très grande vitesse et on profite de l’énergie cinétique de ce produit pour pénétrer les blindages. Il faut savoir qu’une flèche perfore un blindage réactif avant que ce même blindage puisse faire de l’effet sur elle : la flèche va tellement vite que l’explosion de ce blindage n’a lieu que quand une partie de ce projectile est passée.

Voici un pénétrateur en tungstène qui équipe encore l’AMX 30 B2. Cette flèche vole à une assez grande vitesse. Elle a un pouvoir important de perforation des blindages classiques.

M. Aloyse Warhouver : Le tir se fait à quelle distance ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : On tire sur des chars aux alentours de 1 500 mètres. C’est un point d’efficacité sachant que si l’on s’approche davantage on a des chances d’être l’objet d’un tir ennemi en premier.

Quelle est la particularité de la munition flèche ? Vous voyez ici la cartouche, telle qu’elle est introduite dans le char et là, un obus. Le sabot permet de projeter cette flèche hors du tube à très grande vitesse. Le sabot est composé de trois morceaux qui se désolidarisent de la munition et la flèche poursuit sa trajectoire. La forme aérodynamique de la flèche est telle qu’elle ne perd pratiquement pas de vitesse sur toute la trajectoire utile de la munition. Ce sont des munitions qui, perdues dans la nature, vont très loin.

En 1990-1991, période du conflit dans le Golfe, nous avions des munitions explosives classiques, d’utilisation banalisée, à savoir : la munition charge creuse, qui était la munition antiblindés classique, et les flèches à obus tungstène. S’agissant des munitions à perforateur en uranium appauvri, à la fin de l’année 1991, nous ne disposions en France que de maquettes.

Il me faut vous apporter quelques précisions liminaires. Lors d’une étude sur les munitions, nous commençons par regarder deux facteurs : d’une part, la balistique intérieure, qui concerne plus particulièrement la sortie d’un projectile d’une arme afin de ne pas mettre en danger tout ce qui se trouve à l’intérieur du char et les efforts de recul pour ne pas détériorer le char ; d’autre part, la balistique terminale, c’est-à-dire l’effet final que l’on veut donner au projectile. A cette époque, nous travaillions sur ces deux éléments et la France ne possédait aucune munition à uranium appauvri opérationnelle.

Voilà ce que je peux dire sur la période qui vous intéresse plus particulièrement.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Je vous remercie. Je vais donner la parole à nos collègues parlementaires pour que ces derniers puissent vous poser toutes les questions qu’ils souhaitent vous adresser.

M. Claude Lanfranca, co-rapporteur : J’ai bien cerné le côté technique de l’arme. Je voudrais savoir si, parallèlement aux études sur l’uranium appauvri, vous avez participé à la protection des gens qui manipulent les armements qui en incorporent. Je lis dans les services de radiologie et de santé des armées, ce passage : « La manipulation de l’uranium naturel et appauvri a fait l’objet d’une réglementation appliquée en milieu industriel impliquant l’assurance médicale des travailleurs. Aucune pathologie spécifique liée à ces manipulations n’a été démontrée. » Mais a-t-on étudié les risques de l’uranium appauvri libéré une fois l’obus explosé ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Les risques ont été étudiés par des services distincts de la DGA, puisque nous avons fait appel au Service de santé des Armées, qui a fait toutes les études. Je ne suis pas un spécialiste des questions de santé et je peux donc difficilement répondre sur ce point. Toutefois, nous avons pris le maximum de précautions, eu égard à quelque chose dont nous ne connaissions pas toutes les implications et que l’on cherche à approfondir.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Pouvez-vous donner le nom de la personne spécialiste de cette question au Service de santé des Armées ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Non, mais si vous le demandez au ministère, on vous l’indiquera. Je ne peux pas vous dire précisément quelle personne, à l’époque, s’est penchée sur ce problème. Je n’étais pas en service dans ce pôle. Le service recourt toutefois à des médecins et à des pharmaciens.

M. Claude Lanfranca, co-rapporteur : C’est le Service de protection radiologique des Armées.

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Oui, c’est le SPRA.

M. Claude Lanfranca, co-rapporteur : Vous nous confirmez donc que des études ont été faites parallèlement à l’usage de ces flèches ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Pour la protection des personnels.

M. Charles Cova, Vice-président : A quel industriel français la DGA a-t-elle confié, à ce jour, des marchés de réalisation de blindages ou d’armements incorporant de l’uranium appauvri ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Même si mon mandat pour m’exprimer se limite strictement à la période de la guerre du Golfe, à ma connaissance, il n’y avait aucune étude de blindage incorporant de l’uranium appauvri à cette époque, pas plus qu’aujourd’hui d’ailleurs. Sur le problème des munitions, ce n’est pas secret, la société Giat Industries était maître d’_uvre.

M. Aloyse Warhouver : Qu’appelez-vous des maquettes ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Nous effectuons des tests compte tenu de la forme et des différents alliages que l’on peut utiliser sur la résistance à la pénétration. Nous cherchons à obtenir un maximum de pénétration avec les projectiles. Ce maquettage est réalisé sur toutes les munitions d’une manière générale.

Nous examinons tout d’abord l’effet terminal : nous simulons un tir à très courte distance d’un produit, qui n’est pas un produit à forme aérodynamique mais qui présente une « tête militaire » dans sa partie finale ; cela nous permet ainsi de valider la pénétration et les résultats pour voir si nous tenons bien les objectifs.

Parallèlement, nous regardons si, au départ du coup de canon, les pressions s’exerçant sur la munition sont correctes. Nous le faisons essentiellement avec quelque chose qui a une masse donnée mais qui n’a pas une tenue sur trajectoire. La tenue sur trajectoire est un autre problème, une autre étape. Ce n’est qu’à partir du moment où nous sommes sûrs de ces deux facteurs que l’on peut regarder le problème d’une trajectoire.

M. Aloyse Warhouver : A-t-on une idée du nombre de flèches que l’on peut tirer ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Je ne peux pas répondre de façon précise. Je sais que quelques flèches tungstène ont été tirées au cours du conflit du Golfe, sachant que nous ne possédions pas, je le répète, de flèches uranium. Ces tirs avaient surtout valeur de test puisque nous avons peu de champs de tir, en France, qui permettent d’expérimenter de telles flèches.

M. Charles Cova, Vice-président : Est-il exact, comme le précise un article du magazine « Sciences et Avenir » paru la semaine dernière, que la SICN, filiale de la COGEMA, et la société CERCA de Bonneuil-sur-Marne, ont, à la fin des années 80 ou au tout début des années 90, exécuté, pour le ministère de la Défense, des marchés d’armements à l’uranium appauvri ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Je ne peux pas vous dire si ces sociétés ont travaillé sur ce type de matériaux au début des années 80 car je n’en ai pas connaissance. Je ne sais pas si des études ont été réalisées. Si c’est le cas, elles n’ont pas été pilotées par les services dans lesquels j’ai eu des responsabilités ou dont j’ai pu avoir accès aux informations. En revanche, il est certain que début 1987, SICN, usinant de tels composants y compris pour EDF, a travaillé sur ce matériau.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Vous êtes Ingénieur en chef ; vous êtes donc compétent sur les études et techniques d’armement. Connaissez-vous bien les obus flèche à base de tungstène et d’uranium ? Que connaissez-vous vraiment sur les obus flèches à base d’uranium appauvri ? Comprenez-vous bien que nos questions se font en fonction de vos réponses. Si vous ne pouvez pas nous répondre sur l’uranium appauvri, je m’interroge sur l’utilité de votre audition.

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Je suis aujourd’hui mandaté pour répondre sur la période couvrant le conflit du Golfe, et non pour parler de ce que nous faisons aujourd’hui ou de ce que nous avons fait après cette date et qui, aujourd’hui, est frappé du « secret-défense ». J’ai un droit de réserve sur ce que nous faisons depuis 1991. Jusqu’à 1991, période du conflit, je peux vous en parler. Après, c’est un autre domaine.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Nous allons donc essayer de nous limiter à cette période. Vous confirmez que pendant la guerre du Golfe, la France n’a pas utilisé des obus flèche à base d’uranium. En revanche, les Etats-Unis les ont utilisés.

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : C’est effectivement ce que j’ai lu.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : L’article de « Sciences et Avenir » indique que le 3 janvier 1991 - , date non couverte par votre devoir de réserve -, la Nuclear regulatory commission des Etats-Unis a donné son accord pour l’envoi de 75 tonnes d’uranium appauvri, fabriquées par une compagnie américaine, à destination de la société française CERCA de Bonneuil-sur-Marne. Pourquoi la France utilise-t-elle ou a-t-elle utilisé de l’uranium appauvri américain ? Je suis une élue de la Drôme et je sais que des tonnes d’uranium appauvri de la COGEMA sont stockées à Pierrelatte. Pouvez-vous nous donner une explication à cette importation d’uranium appauvri provenant des Etats-Unis ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Cela dépasse un peu la guerre du Golfe et le mandat qui m’a été assigné. On m’a demandé de parler de la guerre du Golfe et pas nécessairement des études que nous avons menées sur les munitions à uranium appauvri ou autres.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Il faut que les règles soient claires. Vous n’êtes pas devant un tribunal et nous ne sommes pas des Procureurs. Par conséquent, vous ne nous direz que ce que vous souhaitez nous dire. En contrepartie, nous vous demanderons ce qui paraît indispensable à la conduite de nos investigations par-delà le mandat qui vous a été donné.

Vous êtes là avec un seul mandat, celui de répondre aux questions de la mission d’information parlementaire, qui a été instituée : pour bénéficier de l’ensemble des éléments dont elle doit disposer pour faire son rapport. Un mandat vous a été donné par la DGA, c’est le problème de la DGA et pas le nôtre.

Notre mandat est d’avoir la vérité. Nous vous posons des questions pour connaître la vérité de façon convenable et la contrepartie est que nous vous demandons de ne pas vous référer constamment à votre mandat tel qu’il vous a été signifié par la DGA car le seul mandat que vous ayez devant cette mission est de répondre à nos questions.

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Je ne souhaite aucunement me dérober à vos questions, mais il y en a certaines sur lesquelles je ne pourrai malheureusement pas répondre, notamment s’agissant de tout ce qui a trait aux études.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Nous prendrons acte de cette absence de réponse sur ce point précis et nous adresserons au Ministre de la Défense, si ces réponses sont indispensables à la conduite de nos travaux, une demande officielle afin de les obtenir par d’autres biais. Si vous ne voulez pas répondre parce que vous n’êtes pas mandaté, nous le noterons et nous reviendrons vers le Ministre de la Défense afin d’avoir les compléments d’information dont nous avons besoin.

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Je vais quand même apporter quelques éléments de réponse à la dernière question qui vient de m’être posée. Les travaux ont porté sur toutes les sources de matières premières. Nous avons examiné plusieurs sources potentielles, eu égard au résultat qu’elles pouvaient apporter au point de vue de l’efficacité terminale. A cette époque, nous avons analysé l’uranium appauvri et les commandes de métal auxquelles vous faites allusion avaient essentiellement pour objet de permettre de faire des études.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Je vais donc reformuler ma question. Nous avons de l’uranium appauvri stocké en France par la COGEMA. Vous nous parlez de matières premières, mais l’uranium appauvri, qu’il soit français ou américain, c’est de l’uranium appauvri ! N’est-ce pas plutôt le fait que les Américains ont un brevet d’alliage contenant de l’uranium appauvri avec d’autres éléments dont ne dispose pas la France et dont vous avez besoin pour la construction d’obus ?

Nous sommes parlementaires et nous souhaitons savoir pourquoi l’on importe de l’uranium appauvri. Si vous me dites que vous n’avez pas connaissance du brevet américain, je le conçois. Mais apportez-nous cette information, puisque a priori la matière première est la même.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Je me permets rarement de faire des commentaires, mais il s’agit d’une bonne question.

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Je vais répondre à votre question très simplement. Ce n’est pas une question de licence ou de brevet : il n’y a aucun brevet, aucune licence. Chaque pays est autonome pour ce qui concerne ses conceptions industrielles. Nous ne savons pas ce que font les Américains et les autres pays détenteurs d’armes du même type. Cela reste un secret pour les uns comme pour les autres.

Même quand nous sommes amenés à avoir des informations, la plupart du temps ce ne sont pas des informations très réalistes ; elles sont parfois téléguidées pour nous faire partir sur des voies d’études qui ne sont pas nécessairement les meilleures. Nous n’avons donc aucune contrainte vis-à-vis d’aucun pays.

L’uranium appauvri stocké en France se trouve à l’état de poudre ou d’oxyde et non pas à l’état de métal. Or un certain nombre d’opérations sont nécessaires pour le rendre à l’état métallique et, actuellement, la France a arrêté ses installations métallurgiques en ce domaine.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Où étaient ces installations qui transformaient l’oxyde d’uranium en uranium appauvri ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Je ne sais pas. C’est la COGEMA qui pilote cette filière. Il y a eu plusieurs installations, mais je ne saurais vous dire combien exactement. Je ne suis pas un spécialiste de la métallurgie d’uranium.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Pourquoi a-t-on arrêté ces installations ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Je pense que la France a décidé de stocker l’uranium résiduel sous une forme qui n’était pas nécessairement métallique, mais une forme d’oxyde. Seule la COGEMA pourrait répondre puisque c’est de son ressort. Il en existe sans doute sous la forme métallique, mais très peu.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Etes-vous soumis, comme dans le nucléaire civil, à l’obligation d’indiquer la quantité d’uranium et d’autres produits radioactifs que vous importez ? Il me semble qu’une commission statue là-dessus.

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : La DGA, par elle-même, n’importe rien. Ce sont soit la COGEMA, soit les industriels qui, pour leurs besoins de fabrication, importent. Il existe certainement des documents et des rentrées en comptabilité de ce type de produits. Si j’en crois les articles parus dans « Sciences et Avenir », il existerait des traces d’un document indiquant un transfert de produits. La SICN, c’est la COGEMA, quoi que l’on en dise. Cependant je ne suis pas au fait de ce sujet de comptabilité.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Nous demanderons à la COGEMA. Pourquoi avoir utilisé de l’uranium appauvri retraité ? Quand vous avez importé de l’uranium, était-ce de l’uranium retraité ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Toutes les utilisations d’uranium auxquelles nous avons eu recours étaient à base d’uranium naturel appauvri et non pas d’uranium retraité.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Pouvez-vous nous fournir une étude qui indique le rapport isotopique du contenu des bombes utilisées et des obus flèche, ceux-ci pouvant contenir de l’uranium ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Les bombes, ce n’est pas mon domaine. S’agissant des obus flèche, je ne suis pas habilité à vous indiquer quoi que ce soit. Cela fait partie d’un certain nombre d’éléments très classifiés.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Dans ce cas, vous ne pouvez pas affirmer que l’on utilise que de l’uranium naturel, puisque vous ne pouvez pas m’en apporter la preuve. Je vous demande un document me permettant de vérifier que ces armes ne contiennent que de l’uranium naturel.

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Je ne suis pas habilité à répondre à cette question. Adressez vous au Ministre de la Défense pour obtenir le document que vous demandez. Je vous assure que nous utilisons de l’uranium naturel appauvri ; il provient de la chaîne d’appauvrissement.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : A chaque fois, il va donc me falloir indiquer que le ministère de la Défense ne répond pas à la question !

M. Bernard Cazeneuve, Président : On ne peut pas dire que le ministère de la Défense ne répond pas à la question ; on peut seulement dire que M. Céron n’a pas été habilité à y répondre. Nous allons poser la question au ministère qui acceptera ou non de déclassifier ces informations.

Je vous propose, chers collègues, de poser vos questions. M. Céron peut ou ne peut pas répondre. S’il ne peut pas répondre, j’adresserai une correspondance au Ministre de la Défense lui demandant de bien vouloir déclassifier les éléments d’information en cause à notre attention.

M. Jean-Louis Bernard : Si je vous ai bien compris, M. l’Ingénieur en chef, les Armées françaises, au moment de la guerre du Golfe, ne disposaient que de flèches en tungstène et n’ont pas du tout utilisé de flèches porteuses d’uranium appauvri. En revanche, il semble bien, d’après ce qu’on lit, que d’autres armées aient utilisé de l’uranium appauvri. Le confirmez-vous ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Oui, si j’en crois toutes les lectures que j’ai faites.

M. Jean-Louis Bernard : Par ailleurs, y a-t-il un progrès technologique dans la force de pénétration, lorsqu’on utilise des flèches en uranium appauvri plutôt que des flèches en tungstène ? Est-ce que l’uranium appauvri apporte un plus dans la capacité de production de dégâts sur des chars, par rapport aux flèches en tungstène ?

Enfin, quand une flèche en tungstène ou en uranium appauvri pénètre un blindage, on voit bien les dégâts immédiats qui peuvent être constatés à l’intérieur d’un char. Mais il y a également ce que l’on peut appeler des dégâts collatéraux auxquels auraient pu être exposés un certain nombre de militaires, qui seraient passés pas très loin des chars touchés par ce type de munitions. Y a-t-il, à votre connaissance, des différences notables en matière d’éventuelles complications, ne serait-ce qu’en inhalant certains métaux métalloïdes, entre l’uranium appauvri et le tungstène ou tout autre métal ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Tout d’abord, y a-t-il une amélioration des dégâts causés à l’ennemi par l’utilisation de munitions à uranium appauvri ? Clairement, oui. Aujourd’hui encore, il existe un écart très important entre les caractéristiques du tungstène et celles de l’uranium appauvri. Tout d’abord, les matériaux sont très différents au point de vue de leur comportement lors de la pénétration. Ensuite, du point de vue de l’efficacité, il existe encore aujourd’hui un écart très significatif, tant en ce qui concerne la distance à laquelle on peut tirer une cible qu’en ce qui concerne la pénétration à l’intérieur de cette cible. C’est important.

M. Charles Cova, Vice-président : Et l’explosion qui s’en suit ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : J’arrive au deuxième point. C’est un peu le puriste que je suis qui va corriger le terme « explosion ».

Dans aucun des cas il n’y a explosion parce que dans aucun des cas il n’y a de phénomène explosif, qu’il s’agisse des flèches en tungstène ou des flèches à uranium : il y a pénétration d’un métal dans un autre métal. Il peut y avoir des blindages réactifs qui vont casser la flèche au moment de sa pénétration, c’est un fait ; mais ils se bornent à casser une flèche. C’est donc un métal qui pénètre un autre métal, comme une balle de fusil classique rentre dans un blindage.

M. Charles Cova, Vice-président : Mais quelle est son action à l’intérieur des chars ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : A l’intérieur, se produit un échauffement du métal parce que celui-ci est contraint à changer de forme. Par conséquent, quelles que soient les flèches, il y a incendie à l’intérieur de l’habitacle. Le métal échauffé rencontre toujours à l’intérieur des substances inflammables : par exemple, dans un char, vous avez de l’électronique, des conduites d’huile, et éventuellement des munitions. Ces équipements peuvent conduire à des explosions, mais la flèche par elle-même n’explose pas.

Le dernier point de votre question concerne les produits issus de cette désintégration. Quels que soient les munitions, on a affaire à des matériaux lourds. Un médecin vous dirait mieux que moi que tout matériau lourd présente des degrés de nocivité. Je ne peux cependant pas vous en dire plus sur le degré de nocivité.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Je voudrais poser une question complémentaire à celle que vient de poser M. Bernard. Elle nous renvoie à l’intervention faite par le Général Schmitt devant la mission, il y a quelques semaines.

Au cours de son audition, il a indiqué que seuls des obus de 105 mm de chars AMX 30 B2 pouvaient être équipés d’uranium appauvri. Il a également observé que ces obus n’avaient pas été utilisés dans le Golfe par l’armée française. Or, contrairement à ce qu’il nous a dit, il semble que l’armée française ait été équipée de ces chars AMX 30 B2.

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Oui, l’armée française a été équipée des chars AMX 30 B2, mais ces munitions n’existaient pas encore.

M. Bernard Cazeneuve, Président : D’après les documents qui nous ont été transmis par le ministère de la Défense, il semble que 800 obus de 105 mm pour AMX 30 B2 ont été transportés sur place. Etes-vous certain que ce n’étaient pas des obus à uranium appauvri ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Je suis formel. Il est impossible que ce soient des munitions à uranium pour la bonne raison que nous n’en avions aucune. Nous n’avions que des maquettes. Ce n’est que bien après la guerre du Golfe que nous avons pu réaliser des munitions qui ont été tirées réellement dans une arme, dans un cadre simili-opérationnel.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Nous n’avions pas d’armes françaises à uranium appauvri, mais nous aurions pu utiliser des armes américaines ou alliées sur nos propres chars, dans le cadre du commandement intégré qui présidait au déroulement des opérations sur le théâtre.

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Je ne peux absolument pas répondre. Seuls les responsables opérationnels de l’époque peuvent répondre sur ce sujet. En revanche, je peux vous assurer qu’il y a eu des munitions flèches tungstène sur le théâtre des opérations.

M. Charles Cova, Vice-président : Ont-elles été tirées ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Oui. Je ne suis pas capable de vous dire le nombre exact, mais je sais que certaines ont été tirées, puisque nous avons eu des remontées de rapports de ces munitions flèches tirées.

M. Bernard Cazeneuve, Président : De ce type-là ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Oui.

M. Bernard Cazeneuve, Président : J’imagine qu’elles n’ont pas été envoyées sur place sans quantification. On sait combien d’armes de ce type ont été transportées sur le théâtre des opérations ? On sait aussi combien d’armes de ce type sont revenues ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : L’état-major de l’armée de Terre et la Direction centrale du matériel de l’armée de Terre (DCMAT), service de l’état-major compétent, sont capables de répondre sur la quantité de munitions.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Nous poserons ces questions.

M. Charles Cova, Vice-président : M. l’Ingénieur en chef, quand on travaille sur des armes, on étudie à la fois leur comportement et les conséquences qu’elles entraînent sur les matériaux sur lesquels elles sont tirées. Les Américains ont commencé à travailler sur l’uranium appauvri, vraisemblablement avant les Français, dès les années 70. L’Académie nationale des sciences américaine a demandé des rapports sur ces armes contenant de l’uranium appauvri. La DGA, qui poursuivait elle-même des études postérieurement à la période 1980-1990, a-t-elle eu connaissance de ces rapports, et donc des conséquences entraînées par l’utilisation ou la mise en service de ces armes ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Non, les rapports américains n’ont pas été portés à notre connaissance. Les Américains les ont dévoilés bien plus tard. On doit d’ailleurs les retrouver très facilement dans la documentation désormais ouverte. Ces informations américaines ont été divulguées bien après la période de la guerre du Golfe.

M. Charles Cova, Vice-président : Ces rapports ont été soumis au Congrès en 1994.

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : A l’époque, nous n’avions aucune information américaine sur le sujet.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Disposez-vous d’un manuel de radioprotection à l’attention des gens qui manipulent ces obus flèche à base d’uranium ? Avez-vous un document indiquant les consignes à tenir en cas d’utilisation de ces armes sur le terrain par les soldats ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Je vais répondre à la deuxième question, car c’est pour moi la plus facile. Sur le terrain, ce n’est pas nous qui nous en occupons, mais le Service de protection radiologique des Armées, qui élabore ces normes au sein du ministère de la Défense. Le concours de la DGA peut être demandé sur un certain nombre de points, mais cela s’arrête strictement à cela.

Dire que nous n’avons rien fait lors des études sur les munitions à uranium appauvri est inexact puisque nous avons produit un certain nombre d’évaluations et de mesures afin de prendre le maximum de précautions vis-à-vis de nos personnels participant aux essais. Il existe des règles qui ne sont pas tout à fait classiques. Ce sont les règles auxquelles on soumet l’ensemble des personnels qui, tous les jours, sont susceptibles de tirer ce type de munitions.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Est-ce que la mission pourrait avoir le type de documents que vous faites passer à votre personnel dans un but de prévention et de précaution dans l’utilisation de ces armes ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Je ne peux répondre favorablement à votre question. Si vous avez besoin de ce genre d’informations, il faut éventuellement vous adresser au ministère de la Défense.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Je prends bonne note de toutes les questions auxquelles il n’a pas été répondu de façon à ce que je puisse adresser une lettre au Ministre de la Défense lui posant l’ensemble des questions auxquelles il n’a pas été répondu.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Je m’adresse à un ingénieur spécialiste de ces armes. Dites-nous, en quelques mots, ce que vous diriez à un employé de la DGA qui les utilise ? Même si vous ne pouvez pas nous communiquer ce document, que lui dites-vous ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Je lui demande de respecter les consignes données.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Mais quelles sont les consignes données ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Je ne peux pas vous les donner.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Vous voulez dire que ces consignes sont classifiées « confidentiel-défense ». Je suis très déçue !

M. Bernard Cazeneuve, Président : Je parle sous le contrôle de mes collègues de la Commission de la Défense qui ont eu à connaître des problèmes similaires à celui dont nous avons à traiter.

Le Ministre de la Défense et ses collaborateurs sont soumis à l’obligation absolue, sauf à s’exposer à des poursuites pénales d’une extrême gravité, de respecter les classifications de niveaux « confidentiel-défense » et « secret-défense », qui ne peuvent être levées l’une et l’autre que sur instruction de l’exécutif.

Si nous posons à M. l’Ingénieur en chef des questions dont il sait qu’elles relèvent du « secret-défense » ou du « confidentiel-défense », n’ayant pas reçu instruction du Ministre de la Défense de divulguer ces informations, il ne peut pas les divulguer et nous ne pouvons pas lui reprocher de ne pas les divulguer.

Si effectivement, vous ne répondez pas aux questions parce que ces questions relèvent d’informations aujourd’hui classifiées, nous adresserons une correspondance au Ministre de la Défense lui demandant de déclassifier ces informations de façon à ce qu’elles puissent être portées à notre connaissance. Voilà là règle que je propose d’arrêter et qui est une règle de l’Etat de droit.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : M. le Président, dans le cadre de la règle que vous avez émise...

M. Bernard Cazeneuve, Président : Ce n’est pas ma règle, c’est la loi !

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : ... je pose la question suivante : est-ce que demander la formulation de consignes qu’un ingénieur spécialiste de ces armes peut donner à ses employés relève du secret ? J’avoue que je suis un peu surprise !

M. Bernard Cazeneuve, Président : M. l’Ingénieur en chef, ces informations sont-elles classifiées ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Certaines de ces informations sont classifiées et c’est la raison pour laquelle je ne peux aller plus loin. Elles sont en effet liées aux types d’essais que nous sommes amenés à faire, lesquels sont classifiés.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Si ces essais sont classifiés, nous demanderons au Ministre de la Défense la déclassification de ces informations au terme de votre audition. Il lui appartiendra de nous répondre ou pas. Si le Ministre de la Défense refuse de déclassifier ces informations, nous l’indiquerons dans le rapport. S’il accepte de les déclassifier, nous en tiendrons compte pour nos travaux.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Une question technique : un chercheur indique que lorsque l’obus flèche percute un blindage, en raison du caractère pyrophorique, c’est-à-dire de l’inflammation de l’uranium, un tiers de la masse métallique se disperse en fines particules au moment de l’embrasement de l’obus à l’impact. Confirmez-vous cette déclaration ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Non.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Quelle est la masse d’uranium appauvri qui se disperse en fines particules ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Il faut se montrer très prudent quand on donne des chiffres sans les étayer par des éléments concrets et physiques.

Quand la flèche perce un matériau de 10 mm, 99 % du perforateur vont passer de l’autre côté. Si une flèche frappe 800 mm de blindage à l’avant d’un char, il y a 90 chances sur 100 que rien ne sorte de l’autre côté. Cela veut dire que tout le perforateur reste dans le blindage.

Le pourcentage de ce qui reste de l’autre côté est totalement fonction de l’endroit où peut être atteint le véhicule en question et, par conséquent, de l’épaisseur du blindage ainsi que des effets secondaires.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Je reformule ma question. Quelle épaisseur de char faut-il pour que le tiers de la masse de l’obus se disperse en particules radioactives ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Honnêtement, je ne suis pas capable de vous répondre. Je ne le sais pas.

M. Aloyse Warhouver : Quelle température le tungstène communique-t-il à l’habitacle ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Toute flèche qui traverse un blindage provoque une température d’environ 600 degrés à l’intérieur.

M. Aloyse Warhouver : Cela veut dire que les personnes brûlent en même temps.

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Malheureusement oui, et quel que soit le type de projectile qui pénètre dans un habitacle de chars ou d’autres véhicules blindés.

M. Claude Lanfranca, co-rapporteur : Ce ne sont pas les conditions de manipulation de l’obus qui m’intriguent : il semblerait que l’uranium appauvri, tant qu’il est dans la flèche, est moins nocif que l’uranium naturel. En revanche, est-ce qu’un spécialiste du SPRA peut nous exposer les conséquences sur l’environnement et sur les personnels qui sont atteints par cette flèche ? Existe-t-il des études ? Pouvez-vous nous dire si un spécialiste a travaillé en parallèle avec vous afin que nous puissions l’auditionner ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Depuis 1987, c’est un nombre très important de personnes qui y travaille et non pas une seule personne. Plusieurs services du ministère de la Défense participent à nos côtés à ces travaux.

M. Claude Lanfranca, co-rapporteur : Il doit bien y avoir un médecin chef ou un officier supérieur chargé de la protection de nos soldats après la réception d’une flèche ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Il doit y avoir, au sein du Service de santé des Armées, des personnes responsables de la rédaction des consignes. Je ne peux cependant pas répondre à leur place.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Je pense que les interventions médicales en aval de la réception par un soldat d’une flèche de ce type devaient être assez limitées, du fait de l’état dans lequel, on peut supposer que ce soldat se trouve alors.

M. Claude Lanfranca, co-rapporteur : Je ne parle pas du soldat qui en est victime, mais de l’environnement.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Lorsqu’une flèche pénètre un char dans lequel il y a une personne, c’est terminé pour elle.

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Il est clair que si un char est touché par une flèche, c’est malheureusement l’issue fatale pour tout son équipage. Les seuls cas de blessés que j’ai pu connaître concernent des tirs fratricides américains, où les soldats ont été touchés par des éclats de flèches à uranium appauvri.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Je souhaite vous poser des questions ponctuelles. On nous indique, dans un certain nombre d’articles mis à la disposition de la mission, que les premiers essais de projectiles à uranium appauvri ont été réalisés en France à partir d’obus flèche américains spécialement importés à cet effet. Confirmez-vous cette information ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Non. On a acheté en France un certain nombre d’obus étrangers, qu’ils soient américains ou autres, afin de les connaître. D’ailleurs, il n’y a pas que les Américains...

M. Bernard Cazeneuve, Président : ... Permettez-moi de reformuler ma question. Est-ce que les premiers essais d’obus flèche à uranium appauvri ont été effectués en France avec des armes importées, d’où qu’elles viennent ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Non. Nous avons testé des munitions à uranium appauvri qui ont été réalisées avec de l’uranium français et avec des définitions strictement françaises.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Et avec des vecteurs français ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Absolument.

M. Bernard Cazeneuve, Président : L’information dont je viens de faire état n’est donc pas juste ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Elle est juste car nous avons importé une petite quantité de munitions...

M. Bernard Cazeneuve, Président : Pour que les choses soient bien claires, je reformule la question et je souhaite vraiment obtenir une réponse la plus précise possible. Lorsque pour la première fois, avec des projectiles de ce type, nous avons fait des essais, ces projectiles à l’uranium appauvri étaient-ils étrangers ou français ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Français.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Il est donc faux de dire que les premiers essais ont été effectués avec des armes importées ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Absolument.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Voilà une réponse précise. Autre question : le centre de Gramat, dans le Lot, est-il le seul lieu d’expérimentation de ces armes à uranium appauvri ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Non.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Existe-t-il un autre lieu d’expérimentation de ces armes à uranium appauvri ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Oui, à Bourges. Nous faisons les tirs de balistique dans ce centre.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Avons-nous effectué des tirs de munitions à uranium appauvri à Gramat pour le compte de la Grande-Bretagne ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Si j’en crois des réponses qui vous ont même été faites, il semble que des essais ont été faits pour la Grande-Bretagne, mais il s’agissait de tirs croisés dans le cadre d’accords franco-anglais.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Des tirs croisés ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Nous avons tiré chez eux des munitions et ils ont tiré chez nous des munitions.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Quel est l’intérêt d’aller tirer des munitions chez les autres ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : De vérifier s’il est possible d’avoir, demain, une interopérabilité.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Qu’est-ce que l’interopérabilité ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : C’est la capacité de monter sur un véhicule des munitions d’un autre type.

M. Bernard Cazeneuve, Président : S’agit-il de voir si sur nos véhicules, nous pouvons utiliser leurs projectiles et vice et versa ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Exactement.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Je vous remercie.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Peut-on utiliser des obus flèche au niveau des AMX 10 ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Il y en a.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : A base d’uranium appauvri ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Non, à base de tungstène.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Peut-on utiliser des flèches à base d’uranium sur AMX 10 ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : C’est impossible parce que même les munitions flèches dont nous disposons actuellement vont arriver à obsolescence et nous n’en fabriquerons pas de nouvelles. La tourelle du véhicule AMX 10 ne supporterait pas les pressions de recul dues aux départs de flèches nouvelles.

Les flèches sont des projectiles qui n’ont leur efficacité qu’à condition d’avoir une énergie cinétique très importante. Or, les AMX 10 ont des tourelles dont l’alliage ne permet pas d’avoir des reculs d’armes importants. Je précise qu’il s’agit du recul d’arme avec le tube dans l’alignement du char car si c’est sur le côté c’est catastrophique. Donc, il n’y a pas de flèches à uranium appauvri sur les AMX 10.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Pouvez-vous nous indiquer le coût d’un obus flèche à base de tungstène et celui d’un obus flèche à base d’uranium appauvri ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Je ne sais pas ce qu’est un coût. Faut-il inclure le coût des études de développement ou s’arrêter seulement au coût de fabrication ? Un coût n’a pas de sens en tant que tel.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Pour les parlementaires, il en a un.

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : J’ai parfaitement compris.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Je vais essayer de vous dire comment nous abordons le coût des armements pour lesquels nous votons des budgets dont nous constatons avec beaucoup de désarroi que quels que soient les gouvernements, ils ne sont que très partiellement appliqués et exécutés.

Pour nous, le coût inclut toute la phase de développement et de réalisation, c’est-à-dire les études amont et la réalisation. C’est la raison pour laquelle nous votons des autorisations de programme et des crédits de paiement qui permettent, en correspondance aux autorisation de programme, d’engager des études dans un cadre pluriannuel, puis de réaliser les armes. C’est donc un ensemble de dotations qui retient notre attention.

Le Vice-président Cova indique que cela dépend du nombre d’armes fabriquées, mais je ne pense pas que vous les fabriquiez à l’unité ?

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Prenons l’hypothèse du coût de 1 000 munitions, si vous préférez.

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Cela touche à de la très haute technologie que peu de pays sont capables de faire, compte tenu de tous les problèmes technologiques induits.

Aujourd’hui, je ne suis pas capable de vous répondre sur les coûts en question parce que, très honnêtement, je ne les ai pas regardés.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Pourtant, depuis la séparation de ses compétences industrielles et étatiques, la DGA doit pouvoir poser un regard très rigoureux sur le coût des programmes qu’elle commande aux industriels.

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Vous avez raison. Permettez-moi tout de même de vous faire remarquer qu’avant le 31 juillet 1990, le Giat était un compte de commerce indistinct de l’Etat ; toute la partie études réalisée auparavant était ainsi financée par l’Etat à lui-même et non pas à l’actuelle société nationale Giat Industries. Je ne peux pas indiquer un coût exact et j’avoue que je ne l’ai pas regardé.

Je peux cependant vous donner un ordre de grandeur. La munition flèche à uranium est bien plus chère que la munition flèche en tungstène, essentiellement pour les coûts dus aux conditions de tir et aux précautions nécessaires en production. Quand on tire sur un blindage avec une flèche à uranium, le blindage est ensuite découpé et est transmis au SPRA, comme tous les déchets.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Est-ce que la flèche que vous avez apportée est vide ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Non, une flèche est toujours comme celle-là.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Qu’y a-t-il à l’intérieur ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Il s’agit d’une flèche à perforateur en tungstène. A l’intérieur, il y a un certain nombre d’éléments qui empêchent la flèche de ricocher à l’impact d’un blindage.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Est-ce de l’électronique ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Non, c’est du métal tout à fait banalisé. La plupart du temps, c’est du magnésium. On pose un embout mou sur toute les munitions pour les empêcher de ricocher. C’est aujourd’hui du magnésium. Mis à part ce point, le reste n’est pas secret.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Je ne suis pas très satisfaite de cette réponse. N’y avait-il pas un problème d’approvisionnement en tungstène ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Non.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Quels pays nous fournissent le tungstène ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Aujourd’hui, peut-on parler de pays ? Les approvisionnements sont multinationaux et ils se font à travers le monde ! Notre approvisionnement en tungstène se faisait par une filiale de Giat Industries. Elle était la seule habilitée à le faire puisqu’il s’agit d’alliages frappés par le « secret-défense ». Ce n’est pas du tungstène pur, mais du carbure de tungstène avec un certain nombre d’autres éléments. C’est une filiale française d’un industriel français qui nous approvisionnait.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Je comprends tout à fait que les alliages soient faits en France, puisqu’ils procèdent d’un secret de fabrication. Mais d’où vient le minerai lui-même ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Je ne suis pas capable de vous répondre. Je peux vous affirmer que l’approvisionnement est sans conséquence sur le coût relatif d’une munition flèche tungstène par rapport à celui d’une munition uranium, qui lui est supérieur.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : J’avais entendu dire que le minerai de tungstène venait du Portugal et qu’il y avait des problèmes d’approvisionnement. L’uranium est plus intéressant dans le cas des armes de destruction des chars.

M. Claude Lanfranca, co-rapporteur : Il en existe une pleine réserve à Bessines.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Pouvez-vous me confirmer que les obus à base d’uranium sont plus chers que les obus à base de tungstène ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Je vous le confirme.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : De quel ordre ? Deux fois ; trois fois ; dix fois ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Je ne peux pas vous répondre. Tout dépend de ce que l’on incorpore à l’intérieur. Il faut se montrer très prudent sur la notion de coût.

Entre pays, on n’échange jamais d’information sur les coûts parce que cela n’a aucun sens. Cela dépend des séries réalisées. Sans entrer dans des détails que je ne suis pas habilité à donner, sachez qu’il n’y a pratiquement que des munitions tungstène - et heureusement - dans nos chars. On ne déplace pas des à munitions uranium comme cela, il faut que la menace le justifie.

M. Jean-Louis Bernard : Vous nous avez précisé que les flèches en uranium appauvri étaient nettement supérieures en efficacité au tungstène, lequel tungstène paraît obsolète par rapport aux nouvelles technologies. Cela reviendrait à dire que l’on pourrait se diriger vers un armement de type flèche, qui risquerait d’être bientôt à 100 % à base d’uranium appauvri. Existe-t-il des alternatives à l’uranium appauvri ? Existe-t-il d’autres métaux aussi efficaces sans être plus coûteux ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Une partie du budget de la Défense est réservée aux études dites amont. Aujourd’hui, les études amont portent sur les matériaux destinés aux pénétrateurs.

Nous n’avons jamais privilégié une voie par rapport à d’autres. En effet, il existe toujours au minimum trois à quatre voies prises en compte sur les matériaux. Ces recherches sont très convoitées par les pays, qui décortiquent les budgets et jusqu’aux articles des budgets afin de savoir dans quel sens nous travaillons et où vont les contrats. En effet, indiquer la destination d’un contrat révèle le sens dans lequel le pays travaille et oriente ses efforts.

Pour nous, il est stratégique de regarder tous les matériaux. Nous sommes persuadés que des alliages de tungstène présentent des qualités. Nous savons que d’autres matériaux que l’uranium offrent des caractéristiques identiques à celles du tungstène sans être de l’uranium. L’uranium, aujourd’hui, apporte cette suprématie, mais il n’est pas le seul. De plus, il apporte une suprématie face à une menace qui porte sur un certain type de blindage. Aujourd’hui, j’ai en charge des études de blindages. Demain, il faudra peut-être étudier autre chose.

Il faut privilégier non pas une voie mais plusieurs voies, si nous ne voulons pas tomber dans une impasse et nous trouver incapables de répondre à un événement.

M. Charles Cova, Vice-président : Au Kosovo, les chars français engagés étaient-ils dotés d’obus à uranium appauvri ? Si oui, en ont-ils fait l’utilisation ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Là vous êtes en train de dépasser largement le cadre de la guerre du Golfe. (sourires)

M. Bernard Cazeneuve, Président : M. l’Ingénieur en chef, je vous rappelle la règle. Que vous ne soyez pas habilité à répondre aux questions que l’on vous pose est une chose ; que cela doive nous contraindre à poser uniquement des questions pour lesquelles vous êtes habilité à nous répondre en est une autre. Nous posons les questions que bon nous semble.

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Non, il n’y a eu aucun tir d’obus français à uranium appauvri au Kosovo.

M. Charles Cova, Vice-président : Mais il y avait pourtant ce type d’obus dans ce conflit ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Je ne peux pas répondre à cette question.

M. Charles Cova, Vice-président : Je comprends parfaitement que M. l’Ingénieur ne soit pas habilité à répondre. Nous avons nous-mêmes une responsabilité extrêmement forte en matière de divulgation des secrets de la défense nationale. Si ces secrets sont classifiés, il n’y a aucune raison que cela puisse se retrouver éventuellement dans le rapport que nous allons rendre.

Je crois qu’il a raison d’exprimer avec force son devoir de réserve. Je dis cela en ma qualité d’ancien officier. Il est soumis à la loi. Nous devons également faire attention à ce que nous mentionnerons dans notre rapport car les espions existent, et ils épluchent tous les rapports.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Je me suis exprimé très clairement sur ce sujet et je vais le refaire. Le Parlement, comme le Gouvernement, a sur ces questions de classification, une responsabilité de tout premier plan. Nous ne pouvons publier dans nos rapports parlementaires que des documents et des informations qui ont fait préalablement l’objet d’une déclassification par le ministère de la Défense. De la même manière, les personnalités que nous auditionnons et qui sont soumises à l’obligation de respecter le « confidentiel » ou le « « secret-défense » ne peuvent nous donner des informations que dès lors qu’elles ont été préalablement autorisées à le faire par le Ministre de la Défense.

Je trouve tout à fait normal, M. l’Ingénieur en chef, que vous ne puissiez pas répondre sur tout. En revanche, je ne trouverai pas normal que nous nous contentions d’une non réponse, au prétexte d’une classification. Nous devons demander la déclassification de ces informations. Là, il existe deux solutions : soit ces informations sont déclassifiées et nous pouvons les publier ; soit elles ne le sont pas, et elles ne nous seront donc pas communiquées de sorte que nous ne pourrons pas les publier, mais nous pourrons dire que nous les avons demandées et qu’elles ne nous ont pas été communiquées.

Voilà la règle claire que je propose.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Quand un char a été bombardé par des obus à base d’uranium appauvri, quel est l’état de sa contamination ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Qu’appelez-vous contamination ?

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Une contamination en uranium ; et si c’est de l’uranium retraité, une éventuelle contamination en d’autres radioéléments. Ce point est important pour notre mission.

Dans cette mission, notre rôle est d’étudier les conditions d’engagement des soldats français et de voir s’ils ont pu être exposés à des contaminations. Quand nos soldats sont allés décontaminer certaines zones de combat, ils ont visité des chars bombardés par l’aviation américaine. Nous savons que l’aviation américaine a utilisé des obus à base d’uranium appauvri. Je pose donc la question suivante : avez-vous - et c’est votre travail - fait une évaluation de la contamination, à la fois au niveau de la contamination en surface et de la contamination de l’air présent dans les chars bombardés ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Je vais répondre simplement et sans biaiser. Je ne suis pas un spécialiste des problèmes de contamination. C’est le Service de santé des Armées et plus précisément le Service de protection radiologique qui peuvent répondre.

M. Claude Lanfranca, co-rapporteur : C’est ce que je voulais savoir tout à l’heure. Je ne parlais pas des personnes qui se trouvaient dans les chars, mais des dégâts éventuellement causés autour. Je pense donc que le SPRA devrait être auditionné.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Je vous pose une question à titre personnel. Prenons le cas d’un char irakien bombardé par l’aviation américaine sur la route de Bassorah : auriez-vous pénétré à l’intérieur de la carcasse endommagée ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : L’occasion ne s’est pas présentée. J’aurais peut-être hésité. Je ne sais pas. Pourquoi pas ? Ce n’est pas l’ingénieur qui répond, mais la personne privée.

M. Bernard Cazeneuve, Président : L’armée française fonctionne de telle manière, que quand un ordre est donné de pénétrer quelque part et que l’on est soldat, on y va de toutes les façons.

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Ce n’est pas tout à fait cela. Il se trouve que j’apprécie une certaine région dont je connais les mesures de radioactivité naturelle.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Où donc ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Je connais bien la Corrèze puisque j’en suis originaire. La radioactivité naturelle environnante est élevée.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Beaucoup plus qu’à La Hague, où nous avons une usine de retraitement.

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : A certains endroits, beaucoup plus en effet.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Contrairement à ce que l’on peut croire, d’ailleurs.

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Je réponds donc à Mme la députée, à titre strictement individuel, que j’aurais effectivement pu entrer dans la carcasse d’un char endommagé.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Est-il vrai que le blindage des chars Leclerc est composé à base d’uranium appauvri ?

M. l’Ingénieur en chef Jacques Céron : Je ne peux pas vous répondre. La question peut sans doute être posée au Ministre de la Défense.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Nous vous remercions, M. l’Ingénieur en chef, pour cette séance de travail qui appellera d’autres questions de notre part.


Source : Assemblée nationale (France)