Composition de la délégation : MM. Jean-Pierre Schosteck, président, et Jean-Claude Carle, rapporteur.

I. La visite du quartier du Neuhof

La délégation a rencontré l’adjointe au maire déléguée à la sécurité et l’adjointe au maire de la circonscription du Neuhof.

1. Présentation générale du quartier

Le Neuhof est constitué de deux entités très contrastées : le « village » composé de vieilles maisons alsaciennes individuelles et les « cités » dont les bâtiments sont très dégradés : interphones arrachés, marques d’incendie sur de très nombreuses façades souvent lépreuses, cages d’escaliers lugubres...

Le quartier du Neuhof comprend 19.658 habitants au 1er février 2002, dont 12.000 dans les cités parmi lesquels 4.000 ont entre zéro et quatorze ans. 61,2 % des logements sont des logements sociaux. La population étrangère représente 17,8 % de la population (contre 12,9 % à Strasbourg).

L’adjointe au maire de la circonscription a jugé regrettable la surmédiatisation des violences intervenant dans le quartier du Neuhof. Elle a fait remarquer que désormais, pour la Saint-Sylvestre, des équipes de télévision étaient postées dans le quartier, attendant que les jeunes brûlent les voitures. Elle a regretté la stigmatisation dont font l’objet ce quartier et ses habitants et a souligné les difficultés que rencontraient les jeunes du Neuhof pour trouver un travail en raison de cette publicité désastreuse.

Pour autant, elle n’a pas nié les difficultés rencontrées dans ce quartier aux prises avec le grand banditisme, le trafic de drogue et l’économie souterraine. A cet égard, elle a souligné que les gros trafiquants voyaient d’un mauvais oeil la petite délinquance qui, par ses actions provocantes, attirait la police dans le quartier.

2. La violence des jeunes

Un audit sur le bilan du contrat local de sécurité de l’agglomération strasbourgeoise a été demandé à l’IHESI par la municipalité. Il en ressort que si la part des mineurs dans la délinquance est stable (33,48 %), elle est plus élevée qu’au niveau national (21,18 %).

La part des mineurs dans les atteintes aux biens s’élève à 31 %, à 38 % pour les atteintes aux véhicules et à 34 % pour les atteintes à la paix publique.

Selon l’adjointe chargée de la sécurité, la justice apporte des réponses, mais celles-ci sont insuffisamment connues par la population. Il y a un défaut évident de communication préjudiciable pour la crédibilité de l’action de la justice.

En outre, il faudrait arrêter de mettre au pilori telle ou telle institution. Globalement, chaque acteur de la lutte contre la délinquance effectue correctement sa mission. En revanche, un effort important reste à faire pour développer la synergie entre les différentes institutions et dépasser les susceptibilités personnelles.

Elle a ainsi cité l’exemple de l’élaboration de deux projets concurrents : une ligne de bus et la construction d’un complexe sportif. En l’absence de coordination, les deux projets se sont révélés incompatibles. La municipalité a donc renoncé au deuxième projet. Lorsque le premier bus a circulé, il a été aussitôt « caillassé » par des adolescents déçus.

Elle a cependant reconnu que les violences urbaines n’obéissaient pas forcément à une logique et ne devaient pas être assimilées systématiquement à un mouvement de protestation de la part des jeunes.

A propos de l’ordonnance de 1945, elle a estimé qu’avant de chercher à la modifier, il faudrait mettre en oeuvre toutes les dispositions qu’elle contient et doter la PJJ des moyens nécessaires pour accomplir son métier. A cet égard, elle a souligné l’urgente nécessité de réhabiliter le métier d’éducateur. Elle a également insisté sur la difficulté pour la PJJ de trouver des terrains pour installer les centres d’hébergement et a noté l’opposition des élus à accueillir ce genre de structure dans leur circonscription.

Puis elle a présenté les contrats éducatifs locaux : il s’agit de contrats passés entre la mairie, le rectorat et des sportifs ainsi que des artistes afin de sensibiliser les jeunes à des activités sportives et culturelles, mais également à faciliter leur intégration dans la cité, notamment en les sensibilisant à la notion du travail et de l’effort.

3. L’antenne de police et le centre de loisirs et de la jeunesse

L’antenne de police installée au bord de la cité comprend 15 personnels, mais ne dispose que d’une seule voiture de fonction. Elle est ouverte de 9 h à 12 h et de 14 h à 20 h.

Par ailleurs, 6 policiers ont été détachés au centre de loisirs et de la jeunesse chargé de la prévention de la récidive. En effet, lorsqu’un primo-délinquant a commis une infraction et que cette dernière n’a pas connu de réponse pénale, le jeune est invité (il ne peut pas être forcé) ainsi que ses parents à se présenter dans ce centre pour s’interroger sur les causes de son acte.

Concrètement, le centre de loisirs et de la jeunesse organise trois types d’activité : la prise en charge de délinquants primaires mineurs (20 à 25 jeunes viennent le mercredi) ; l’organisation de chantiers pendant les petites vacances scolaires et, pendant l’été, la mise en place d’activités sportives qui attirent les jeunes. Ainsi, l’été dernier, 120 jeunes ont pu faire de la moto.

Les besoins des jeunes sont très variables : soutien scolaire, utilisation d’un dictionnaire etc.

II. Visite du collège du Stockfeld

1. La visite du collège

Le collège était initialement prévu pour 1.100 élèves, mais il n’en contient que 650. Tous les rez-de-chaussée sont occupés par des adultes, ce qui permet de surveiller les allers et venues des élèves et d’éviter l’intrusion de personnes étrangères au collège.

Lorsqu’un élève est exclu d’une classe, il n’est pas pour autant exclu du collège et est envoyé dans la structure Regain qui permet à l’élève, à travers un travail individualisé, de revoir certaines bases et de travailler sur son comportement.

Conscients que beaucoup d’élèves ne prenaient pas de petits-déjeuners, les responsables du collège ont décidé de modifier les horaires de la récréation. Celle-ci a été allongée (25 minutes) et a lieu désormais à 9h30. Des petits-déjeuners sont proposés aux élèves, le foyer des élèves est également ouvert à ce moment là pour mettre à la disposition de ces derniers des jeux ; certains en profitent pour faire leurs devoirs au centre de documentation ou d’information ou dans la cour.

Depuis cette année, le collège dispose également d’une cantine. Elle reste peu utilisée (40 couverts sont servis par jour) mais avec le temps, la demi-pension devrait attirer d’autres élèves.

Partant du constat que beaucoup d’enfants sont désoeuvrés pendant les vacances scolaires, le collège a décidé d’être ouvert à cette époque et d’offrir aux enfants présents du soutien scolaire, mais également des activités sportives et artistiques (Ecole ouverte). Des élèves de CM1 et de CM2 sont également accueillis.

2. La rencontre avec tous les partenaires du collège

Le collège de Stockfeld a développé un réseau avec de très nombreuses associations et institutions qui ont été présentées à la délégation.

Les exemples suivants montrent leur diversité.

L’ASTTU (Association de solidarité avec les travailleurs turcs)

Le collège travaille en collaboration avec cette association pour régler les problèmes de discipline. En effet, un enfant sur trois environ est d’origine turque dans le collège. Traditionnellement, ce sont les mères qui sont impliquées dans la scolarité de leurs enfants. L’association a estimé que les pères devaient également suivre leurs enfants et cherche à les sensibiliser.

L’équipe de prévention spécialisée de la JEEP

Elle vise à proposer aux élèves en difficulté dans leur scolarité une aide éducative en complémentarité aux réponses apportées au collège. Elle incite notamment les parents à s’intéresser à la scolarité de leurs enfants. Son action est très pragmatique puisqu’il s’agit par exemple d’emmener physiquement les parents devant le proviseur lorsque ceux-ci arguent d’une absence de moyen de locomotion pour ne pas assister aux rendez-vous parents-professeurs.

Partenariat avec l’opéra du Rhin

Il s’agit non seulement de faire découvrir l’opéra aux élèves, mais de les sensibiliser au monde du travail. En effet, derrière une production se cachent l’élaboration de décors et de costumes, les répétitions, le travail de grands artistes... Les élèves prennent ainsi conscience de l’effort et apprennent le goût du travail.

Certaines idées fortes ont été rappelées lors de l’entretien de la délégation avec ces partenaires.

Certains ont souligné l’importance d’entrer en contact avec les parents lorsqu’un élève a des difficultés scolaires ou de comportements. En effet, très souvent, l’attitude de l’élève est liée à des problèmes familiaux.

Les associations ont également souligné l’importance du proviseur et d’une équipe pédagogique motivée pour la réussite du partenariat.

La responsable de la PJJ a ajouté que le quartier du Neuhof comportait une cinquantaine de jeunes multirécidivistes qui constituaient le noyau dur. Pour autant, elle a rejeté l’idée qu’il pourrait y avoir une solution unique dans la prise en charge de ce type de délinquance.

Tous enfin ont insisté sur le rôle primordial des moyens humains.

Bilan de la réflexion des élèves du collège du Stockfeld remis aux membres de la commission d’enquête

1. Le quartier

Ils sont attachés à leur quartier, ils y sont nés, y ont grandi, connaissent tout le monde et sont reconnus. Ils sont à la fois fiers de la « crainte » qu’il inspire, sentiment d’être respectés partout, de ne rien craindre. Ce sentiment se confirme par leur attitude de complicité passive avec les auteurs de certains actes de violence (des dégradations de biens publics ou biens matériels tels que des voitures...) :

 refus de signaler les auteurs de ces actes à la police, refus d’intervenir. Pourquoi cette complicité ? « On n’est pas des balances ! » ;

 peur de ne plus faire partie du groupe, du quartier, d’être isolé, donc vulnérable ;

 peur de représailles.

Les biens matériels ne sont pas des choses graves à leurs yeux, par contre s’il y a des actes qui portent atteinte aux personnes, physiquement, ils sont prêts à témoigner.

2. Le collège

Ils se sentent en sécurité puisque la surveillance est constante.

Pas de violences graves (physiques, racket...) puisque les règlements de compte se font à l’extérieur.

Les échanges entre les élèves restent cordiaux parce que ce sont des connaissances depuis l’école primaire (Stockfeld, Neuhof).

Notion de respect

Ils respectent les gens dont ils se sentent respectés (médecins, livreurs, ... qui demandent par prudence de surveiller leur véhicule, ou pour certains livreurs c’est le refus total de livrer à domicile suite à des incidents).

Les agressions qu’ils perçoivent sont systématiquement sujettes à représailles et sont en général dirigées sur une personne représentant son entreprise (les actes de violence dont est victime la CTS sont liés au comportement vécu comme agressif d’un de ses membres et non pas l’entreprise elle-même).

Le rapport des jeunes avec l’autorité

L’autorité est clairement identifiée au collège et le respect des règles ainsi que les sanctions qui y sont attachées sont admis par tous.

Dans le quartier, cette autorité, représentée par les forces de police, rencontre plus de méfiance. En insistant sur le fait de la mise en place d’une police de proximité pour faciliter les échanges avec les citoyens, on constate que les jeunes identifient plus clairement les gendarmes mobiles, autorité qu’ils jugent agressive et imperméable au dialogue, mettant dans le même sac tous les jeunes du quartier.

Ils reprochent le manque de dialogue avec les forces de police, estimant que le respect mutuel faciliterait les rapports. Tenant compte de cette demande, nous informons les responsables de police du quartier et les invitons à venir rencontrer les élèves. Le débat a bien eu lieu, chacune des parties a pu exprimer ses difficultés et pour la police de rappeler les actions déjà mises en place. L’expression des violences des deux parties a permis de constater que c’est bien la loi du plus fort qui règne sur le quartier. Cet état de choses a donné le sentiment de fatalité, de « on ne pourra rien changer ! ».

Conclusion

En conclusion, les jeunes reconnaissent adopter une attitude différente dès lors qu’ils quittent le collège. Respectueux des règles de l’institution scolaire et des sanctions qui en découlent en cas de non respect, leur comportement redevient soumis à cette loi du plus fort dès qu’ils retrouvent le quartier. A notre question du pourquoi ce changement, ils nous répondent que le collège les « encadre », les connaît et reconnaît, laisse la place au dialogue et prend le temps de l’écoute. L’objectif étant toujours de désamorcer le conflit, de rappeler la loi et de la faire appliquer par la réparation sous forme de sanction dans l’immédiateté.

Les propositions

L’oisiveté semble être la principale cause des dégradations en tout genre ; ils proposent donc qu’il y ait davantage d’activités dans leur quartier, notamment le soir (centres sportifs qui ne sont pas ouverts le dimanche et les jours fériés ; activités pour tous et pas uniquement sportives).

Rencontre des représentants de la police et de la CTS dans le cadre de l’école, en terrain « neutre », terrain de confiance.

 Rencontrer les agents de la CTS permettrait un dialogue entre les chauffeurs et les usagers, afin de calmer les craintes et les suspicions des uns et des autres.

 Les agents de police pourraient intervenir dès l’école primaire pour éduquer les « petits ».

 La proposition d’organiser un autocontrôle par les locataires des immeubles de la bonne tenue des lieux a reçu un accueil tiède, mais les adultes (parents) pourraient être un lien pour la réalisation de ce projet...

III. Rencontre au tribunal de grande instance de Strasbourg

Les mineurs représentent 27 % des personnes mises en cause. Ils agissent dans deux secteurs : Strasbourg et Haguenau. Leur part dans la délinquance tend à augmenter, notamment en ce qui concerne la délinquance sexuelle. En outre, on observe un rajeunissement des mineurs délinquants. Le procureur adjoint a ainsi cité le cas de racket exercé par des enfants de 8/9 ans.

1. Les problèmes rencontrés par la justice

Le parquet est divisé en deux sections : une section mineurs « auteurs » et une autre section mineurs « victimes ». 2 substituts sont chargées de gérer l’ensemble de la délinquance des mineurs ; les effectifs sont donc très insuffisants.

Le parquet fait l’objet de 400 à 500 signalements par an de la part des écoles, ce qui tend à asphyxier son activité. D’une manière générale, il a fait remarquer que, le seuil de tolérance des adultes ayant été atteint, ces derniers portent de plus en plus plainte pour des actes qui, il y a encore quelques années, étaient réglés sans l’intervention de la justice.

Le parquet a cité l’exemple du non-paiement des pensions alimentaires et de la non-présentation d’enfants qui représentent une vingtaine de plaintes par jour. Il a rappelé que dans certains pays (comme l’Allemagne), il revient à l’administration de payer les pensions alimentaires puis de se retourner contre le mauvais payeur. En France, au contraire, pour toucher certaines allocations de la caisse d’allocations familiales, il faut porter plainte contre l’autre parent.

Les magistrats ont manifesté leur inquiétude face à la déliquescence du droit dans certains quartiers et la perte de notion de bien et de mal. Ainsi, ils ont témoigné que les jeunes estimaient le recel normal et qu’ils étaient persuadés que la consommation de cannabis était légale jusqu’à 4 grammes.

Les magistrats se sont estimés très dépourvus pour traiter efficacement la délinquance des 13-16 ans.

Les juges pour enfants ont par ailleurs reconnu que le délai entre la mise en examen d’un jeune et sa présentation devant le juge ou le tribunal pour jugement n’était pas raisonnable. Ainsi, certaines affaires jugées actuellement remontent à l’an 2000.

En outre, le manque d’effectif de greffiers ne permet pas de notifier rapidement les décisions.

Les juges ont également soulevé le problème de la non présentation des jeunes le jour de leur mise en examen. Ainsi, en moyenne, sur 15 convocations, seuls 4 jeunes répondraient présents. Comme le juge ne peut pas mettre en examen le jeune en son absence, il est obligé de le reconvoquer, puis, le cas échéant, de prononcer un mandat d’amener. La police doit alors rechercher le jeune, signaler son échec auprès du juge qui peut enfin mettre en examen ce dernier malgré son absence. Cette procédure apparaît beaucoup trop lourde dans les cas où la culpabilité du jeune est avérée et où aucun complément d’enquête n’est nécessaire.

Pour autant, le développement de la comparution immédiate lorsque les affaires sont simples soulèverait des difficultés car les assesseurs ne sont pas présents tous les jours au tribunal.

Les magistrats ont également dénoncé l’effet catastrophique des lois d’amnistie et des décrets de grâce qui décrédébilisent les sanctions pénales.

Les juges pour enfants se sont par ailleurs demandés s’il était pertinent qu’ils soient compétents pour les contraventions de cinquième classe.

2. Les problèmes rencontrés par la PJJ

Les magistrats ont également dénoncé l’inexécution des mesures qu’ils ordonnent par les services de la PJJ. Ils ont cité l’exemple d’un contrôle judiciaire, qui, après des mois d’attente, avait été confié à un éducateur la veille de l’audience de jugement du jeune.

Ils ont également constaté que les mesures de liberté surveillée n’étaient pas appliquées.

Ils ont rappelé que 63 mesures étaient en attente sur 300.

Cette situation est largement liée à l’insuffisance des effectifs de la PJJ. Actuellement, 7 éducateurs doivent suivre l’ensemble des mesures tandis que deux postes sont vacants. Le SEAT rencontre également des difficultés puisque sur les 5 éducateurs qui y sont affectés, 2 sont issus du concours exceptionnel et ne travaillent donc pas à temps plein en raison des formations qu’ils doivent suivre.

Le placement des mineurs délinquants s’avère aussi problématique puisque les juges ne peuvent s’appuyer que sur deux CER qui totalisent une dizaine de places. Un CPI devrait ouvrir en septembre. En conséquence, les juges demandent parfois un mandat de dépôt lorsqu’il n’y a pas de solution de placement ou d’éloignement.

La délinquance féminine pose un problème particulièrement préoccupant en l’absence de structure adaptée : actuellement, il existe un seul CER pour filles dans toute la France.

IV. Visite du foyer d’action éducative et rencontre avec les directeurs régional et départemental de la PJJ

Le directeur régional et le directeur départemental ont fait remarquer que le développement en Alsace du secteur public en matière de protection judiciaire de la jeunesse était assez récent. Ainsi, ce n’est qu’en 1994 qu’une direction régionale a été créée en Alsace avec un effectif global de 56 agents. Aujourd’hui, les services de la PJJ ont été étoffés puisqu’ils bénéficient de 141 postes théoriques (mais seulement 121 sont véritablement pourvus).

Le poids du secteur associatif habilité reste encore prépondérant puisqu’il bénéficie de 70 % des moyens financiers contre 30 % pour le secteur public en 2000.

A cet égard, les responsables de la PJJ ont fait remarquer que leur apparition dans le paysage de la protection judiciaire de la jeunesse en Alsace avait été regardée d’un mauvais oeil, le secteur habilité refusant de perdre son monopole et les magistrats étant habitués à traiter avec leur réseau traditionnel.

Ils ont également souligné l’impossibilité, avant l’adoption de la loi de janvier 2002, de contrôler les lieux de vie. Ils ont ainsi cité l’exemple de Cheval pour tous, pour lequel ils ne savaient pas le nombre exact de mineurs pris en charge par cette institution.

Puis ils ont présenté rapidement l’activité de la PJJ. Ils ont fait remarquer qu’un premier CER avait été créé en janvier 2000 et qu’un deuxième avait ouvert en février dernier.

En ce qui concerne le milieu ouvert, ils ont reconnu les difficultés de la PJJ à exécuter correctement sa mission en raison d’une pénurie d’éducateurs, même si la situation s’est améliorée depuis 1999. En effet, à l’époque, 120 mesures étaient en attente contre 63 au 18 avril 2002. Ils ont fait remarquer que si les juges critiquaient les retards pris par la PJJ dans l’exécution des mesures judiciaires, il arrivait fréquemment que les éducateurs ne reçoivent les notifications que des mois après l’intervention de la décision du juge en raison des dysfonctionnements des greffes..., les mesures leur étant cependant signalées comme étant naturellement urgentes et donc à exécuter immédiatement. Ils ont alors regretté l’absence de concertation entre les juges et leurs services pour mettre à plat les difficultés de chacun et essayer de trouver des compromis plutôt que de stigmatiser systématiquement la PJJ alors que les responsabilités sont partagées.

Ils ont assimilé le travail demandé aux éducateurs, qui doivent parfois suivre plus de 40 mesures alors même qu’ils sortent de formation, à de l’abattage.

Ils ont constaté que des postes budgétaires avaient été créés, mais que le nombre de postes vacants avait augmenté parallèlement en raison de la faible attractivité de l’Alsace et de la concurrence des pays limitrophes(Allemagne et Suisse) en matière de salaire.

Les responsables de la PJJ ont également tenu à défendre leur indépendance vis-à-vis des mesures ordonnées par les juges. Ainsi, en ce qui concerne le contrôle judiciaire, ils ont souligné que leur travail ne se résumait pas à vérifier si tel jeune à qui le juge a interdit d’aller dans tel bar respectait cette obligation, mais également à développer avec le jeune un travail éducatif. Ainsi, s’il ne respecte pas l’interdiction, l’éducateur doit discuter avec le jeune des raisons de sa conduite. Ils ont estimé que l’éducateur disposait d’une marge de manoeuvre et n’avait pas forcément à mentionner au juge l’incident lorsqu’il le constatait pour la première fois.

Enfin, ils se sont montrés favorables à la réforme des SEAT en estimant préférable que le juge s’adresse à un service, en l’occurrence la PJJ, qui ensuite affecte en son sein la mesure à exécuter en fonction des charges de travail de chaque éducateur.


Source : Sénat français