Présidence de M. Jean-Pierre SCHOSTECK, Président

M. Jean-Pierre Schosteck, président - Mesdames, Messieurs, avant de commencer nos travaux, je vous propose de nous recueillir quelques instants en mémoire des conseillers municipaux et maires adjoints assassinés cette nuit à Nanterre. (M. le président ainsi que l’ensemble des personnes présentes se lèvent et observent une minute de silence.)

L’ordre du jour de notre commission appelle l’audition de Mme Sylvie Perdriolle, directrice de la protection judiciaire de la jeunesse, administration qui est évidemment au coeur des investigations que nous menons.

(M. le président lit la note sur le protocole de publicité des travaux de la commission d’enquête et fait prêter serment.)

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur - Madame la directrice, ayant accompagné la semaine dernière, lors de son audition, Mme Marylise Lebranchu, vous avez eu connaissance du cadre général qu’elle a tracé et sur lequel je reviendrai tout d’abord. Je vous poserai également plusieurs questions relatives à trois domaines : l’exécution des mesures de justice, l’éducation renforcée et l’hébergement classique et, enfin, les problèmes de personnel.

A l’occasion des auditions que nous avons menées jusqu’ici et des visites que nous avons effectuées sur le terrain, nous avons entendu un certain nombre de remarques, voire de critiques, sur la protection judiciaire de la jeunesse. Première question : la PJJ n’assume-t-elle pas trop de missions au regard de ses moyens et de ses structures actuelles ?

Mme Sylvie Perdriolle - Lors des conseils de sécurité intérieure de juillet 1998 et janvier 1999, le Gouvernement a indiqué que la PJJ devait se charger en priorité des mineurs les plus délinquants, les plus réitérants et des adolescents difficiles, et c’est bien vers ces publics que la direction a aujourd’hui entrepris de recentrer son action. Deux chiffres montrent cette évolution : au début des années quatre-vingt-dix, le secteur public de la PJJ prenait en charge près de 60 % des mineurs en danger ; aujourd’hui, il prend en charge plus de 65 % des mineurs délinquants.

Les moyens de la PJJ subissent, il est vrai, une très grande tension, notamment dans la plupart des départements très urbanisés. Dans les années quatre-vingt, on comptait 3.000 éducateurs et l’on arrêtait entre 80.000 et 100.000 mineurs délinquants. En 1998, le nombre des éducateurs était le même, mais 170.000 mineurs environ étaient arrêtés. Même si un rattrapage a été réalisé depuis trois ans, puisque nous avons, durant cette période, recruté 1.000 personnes, dont 700 éducateurs, qui pour 400 d’entre eux sont en poste et pour 300 en formation, cette évolution, qui est très importante pour une si petite administration, n’est certainement pas à la hauteur des demandes des départements les plus urbanisés, notamment ceux de la région parisienne.

M. le rapporteur - Les services éducatifs auprès des tribunaux (SEAT) vont être en grande partie réformés. Cette réforme ne risque-t-elle pas d’être préjudiciable au lien nécessaire entre les juges des enfants et les éducateurs ? Par ailleurs, dans quelles conditions va-t-on rendre compte de l’exécution des mesures sans cette proximité qui nous semble indispensable ?

Mme Sylvie Perdriolle - Tout d’abord, je souligne qu’il y a une très grande évolution des publics. Je rappelle également qu’il existe des services éducatifs auprès des tribunaux mais aussi des services territorialisés, ce qu’on appelle les centres d’action éducative (CAE), qui suivent les mineurs demeurant dans leur famille.

Au début des années quatre-vingt-dix, il y avait un partage des publics pris en charge au sein des services de la PJJ. Les SEAT prenaient en charge les mineurs délinquants et les CAE prenaient en charge les mineurs en danger. Aujourd’hui, tous les services prennent en charge les mineurs délinquants. Le partage qui était fait autrefois ne paraît plus aujourd’hui cohérent, notamment quand on demande aux services de la PJJ d’être impliqués dans les contrats de ville ou dans les contrats locaux de sécurité, d’être des interlocuteurs possibles à l’égard des collectivités territoriales, des écoles et de tout ce qui participe de la prévention primaire et donc d’être mieux implantés territorialement. Il était paradoxal, d’une certaine manière, que les mineurs délinquants soient suivis au tribunal et ne le soient pas dans des lieux territorialisés.

C’est la première raison qui m’a amenée à une réorganisation des services. Ainsi, le SEAT conserve une fonction de permanence pour tous les mineurs déférés, les mesures nécessitant des délais, telles que la liberté surveillée, le contrôle judiciaire, mais aussi les peines d’emprisonnement assorti d’un sursis avec mise à l’épreuve (SME) ou de travail d’intérêt général (TIG), étant dévolues aux services territorialisés.

La seconde raison qui a justifié une réorganisation, c’est que, dans la plupart des tribunaux, nous avions trois ou quatre éducateurs qui étaient sans lien organisé avec l’ensemble des services du département. J’ai donc souhaité que tous les services de l’ensemble des départements soient pilotés par un directeur et que ces unités éducatives auprès des tribunaux soient effectivement dirigées par le directeur du service du CAE le plus proche.

Dans les très grandes juridictions de cinq à sept magistrats, nous allons conserver auprès du tribunal un service éducatif lourd qui sera chargé de l’ensemble des urgences et des comparutions ainsi que des mesures particulières prises en lien avec les magistrats. Dans les juridictions de trois à six magistrats, deux hypothèses sont possibles : soit nous gardons une unité éducative en permanence auprès du tribunal, soit c’est le CAE qui assure la permanence. Enfin, dans les très petites juridictions où nous avions un éducateur, celui-ci est relié au CAE.

Les CAE avaient pris, me semble-t-il, de la distance par rapport aux tribunaux et cette réorganisation va amener l’ensemble des CAE à assurer des permanences dans les tribunaux, donc à entretenir un meilleur lien avec les juridictions, dont ils connaîtront mieux le travail. L’important est que nous assurions les fonctions essentielles que sont la permanence et la prise en charge.

En ce qui concerne la connaissance des juridictions, nous avons engagé avec les tribunaux comme avec les cours d’appel une réflexion qui a abouti, le 8 mars, à une circulaire du garde des sceaux prévoyant que soit installée dans tous les tribunaux ce que nous appelons une cellule départementale « mineurs », qui doit émaner de la cellule justice-ville et qui doit être spécialisée dans la question des mineurs. Aujourd’hui, contrairement aux idées reçues, les relations de travail entre administration pénitentiaire et protection judiciaire de la jeunesse évoluent de manière assez favorable sur la question des mineurs incarcérés, celle de l’aménagement des peines, etc. En revanche, le champ juridictionnel s’est complexifié entre magistrats du parquet, magistrats du siège, juges d’instruction, juges de l’application des peines, et nous devons construire une meilleure coordination judiciaire. Nous souhaitons le faire à l’échelon du département, le directeur départemental étant chargé de piloter cette coordination. C’est lui notre interlocuteur premier à l’égard des tribunaux.

M. le rapporteur - Nombre de mesures de justice sont en attente d’exécution. Quelles sont celles qui subissent le plus grand retard d’exécution ? Par ailleurs, comment empêcher que les éducateurs de milieu ouvert ne sélectionnent parmi les mesures en attente celles qui leur paraissent les plus urgentes ?

Mme Sylvie Perdriolle - Nous avons procédé très récemment, à la demande de l’inspection des services judiciaires, à une étude, qui pourra d’ailleurs vous être communiquée, sur le délai moyen de prise en charge des mesures. Le délai moyen, qui est de 51 jours aujourd’hui, est beaucoup trop long. Nous l’avons réduit de cinq jours entre 2000 et 2001, grâce à l’arrivée de personnels en poste. Le délai moyen est plus court pour les mesures de réparation et plus long pour les mesures de SME.

Mais il est clair que, sur le milieu ouvert, en dépit de ces moyens nouveaux, des difficultés subsistent dans la mesure où, par ailleurs, le ministère de la justice a développé depuis quatre ou cinq ans une politique de traitement en temps réel. Celle-ci a permis que les parquets traitent 80 % des affaires concernant les mineurs,mais, de ce fait, elle a accru l’activité juridictionnelle, qu’il s’agisse des mesures prononcées par les parquets ou par les juges des enfants.

Pour éviter que les services ne traitent eux-mêmes cette question du délai, j’ai adressé une directive à l’ensemble des directeurs départementaux en leur demandant d’organiser un dialogue avec les juridictions pour fixer des priorités. Je sais, pour en avoir débattu récemment avec un des représentants du Sénat, que ce dialogue n’est pas réalisé ni bien conçu partout. D’une part, certains magistrats refusent de déterminer des priorités, considérant que tout doit être pris en charge immédiatement et, d’autre part, les directeurs départementaux doivent faire face à une pression très importante de la part des écoles et de différents services qui, lorsque les mesures sont prononcées, demandent que nous intervenions immédiatement.

Les critères normalement retenus, qui doivent être élaborés en concertation avec les magistrats, tiennent compte de la gravité des affaires, de l’urgence de l’intervention, de la répétition éventuelle d’actes commis par un même mineur. Pour l’instant, je ne vois pas d’autre élément de travail que ce dialogue entre les juridictions et les directeurs départementaux.

M. le rapporteur - Lors des auditions et des visites sur le terrain que nous avons effectuées, nous nous sommes rendu compte qu’il était difficile d’obtenir des informations permettant d’évaluer le travail éducatif. Disposez-vous de critères pour mesurer l’efficacité du travail éducatif par rapport à la mesure qui a été prescrite par le juge des enfants ?

Mme Sylvie Perdriolle - L’évaluation est une question très délicate. Nous disposons d’indicateurs d’activité qui sont des indicateurs quantitatifs, que nous nous efforçons d’affiner, mais qui ne sont pas qualitatifs. Le rapport réalisé par l’éducateur sur l’exercice même de la mesure et le rapport d’activité du service constituent également des éléments d’évaluation.

La France est très en retard sur cette question de l’évaluation. Si nous voulons aller plus loin, nous devrons procéder à des études répétées concernant les publics eux-mêmes. J’ai moi-même obtenu, non sans difficulté, que soit mis en place, à partir des statistiques judiciaires, un panel des mineurs. A partir de septembre 2002, nous allons procéder à une étude concernant tous les mineurs nés entre le 1er et le 15 octobre. Cette étude, qui sera répétée chaque année durant quinze ans, prendra en compte les données familiales, médicales et scolaires. Elle permettra de suivre le devenir de ces jeunes et d’évaluer également la récidive.

J’ai par ailleurs lancé une autre étude sur le devenir des mineurs pris en charge en centres éducatifs renforcés (CER). Nous commençons à avoir sur cette question un certain recul puisque les premières unités éducatives à encadrement renforcé (UEER) datent de 1996, mais cette étude ne sera présentée que dans un an.

Une autre étude réalisée en 1998 par Marie Choquet, épidémiologiste, sur les publics pris en charge par la PJJ, pourra également vous être communiquée. Mais je considère que ce chantier très important de l’évaluation est encore largement devant nous.

Je souscris totalement à l’idée d’un observatoire sur la délinquance des mineurs qui permettrait de disposer d’un champ de recherches et d’études très régulier et surtout de s’appuyer sur un comité scientifique ayant une distance salutaire vis-à-vis des administrations concernées.

M le rapporteur - J’en viens aux questions relatives à l’éducation renforcée et à l’hébergement. Madame la directrice, vos services connaissent-ils avec précision le nombre de mineurs pris en charge ?

Mme Sylvie Perdriolle - Nous connaissons précisément le nombre de mineurs pris en charge en hébergement. Contrairement à la tendance observée ces cinq dernières années, nous avons constaté, en 2001, une hausse de 8 % de l’activité en hébergement, qui concernait 1.351 mineurs au 31 décembre 2001.

M. le rapporteur - Comment justifier les ruptures de prise en charge dans les foyers classiques de la PJJ, notamment les week-ends ou durant les vacances ?

Mme Sylvie Perdriolle - Le principe général est l’ouverture 24 heures sur 24 des foyers du secteur public. Pendant l’été, dans les grands départements, nous opérons des redéploiements vers des foyers existants afin que soit assurée une permanence. Par exemple, de cinq établissements, nous en faisons quatre. Les ruptures durant les week-ends ou les périodes d’été sont contraires à mes orientations. J’ai d’ailleurs récemment envoyé une inspection dans un foyer d’hébergement de la Réunion qui, régulièrement, fermait le week-end, les enfants étant alors hébergés dans des familles d’accueil, ce qui est absolument contraire à toutes les directives.

Il peut arriver que nous ayons des problèmes de personnels ou d’organisation d’emploi du temps durant l’été et que nous soyons obligés d’organiser différemment les permanences, mais, en principe, les fermetures de week-end ne sont pas possibles.

M. le rapporteur - S’agissant des CER et des CPI, combien de centres ne fonctionnent pas et pour quelles raisons ? Combien de structures garantissent actuellement un encadrement renforcé, notamment à toutes les heures de la nuit ?

Mme Sylvie Perdriolle - Les CER et les CPI sont probablement un des sujets les plus sensibles aujourd’hui. A travers la mise en place de ces deux programmes, nous avons pu reprendre de vraies questions professionnelles. Encore récemment, les secteurs tant public qu’associatif étaient plus tournés vers l’enfance en danger que vers l’enfance délinquante. Nous avons eu, et nous avons encore, à élaborer de nouvelles pédagogies à l’égard d’adolescents très délinquants ou très violents.

Les CER, d’abord baptisés UEER, ont connu un démarrage difficile, que je constate également pour les CPI. En effet, chacun de ces programmes a nécessité la mise en place d’établissements dans des délais extrêmement brefs et le démarrage s’est fait avec des équipes moins assurées se retrouvant parfois en difficulté.

J’ai été amenée à relancer le programme des CER selon un nouveau cahier des charges qui nous permet des prises en charge de trois à six mois, la moyenne étant de cinq mois aujourd’hui alors qu’elle était à l’origine de trois mois. Le bilan des CER est très positif. Sur les 51 CER ouverts, une ou deux structures sont encore en difficulté, mais je rappelle que, sur les 16 établissements ouverts en 1998, nous avions dû en fermer 6.

Malgré un cahier des charges extrêmement précis, nous avons développé une activité très structurée dans tous les CER, impliquant le respect de règles de vie et un compagnonnage de vie, c’est-à-dire le partage des activités au quotidien par les équipes pédagogiques.

Même pour le secteur associatif, c’est une évolution importante. Ces centres constituent de véritables laboratoires pédagogiques dont doivent aujourd’hui s’inspirer tous les foyers accueillant des mineurs délinquants ou très difficiles.

Nous avons toujours exigé que les CER soient pilotés par un éducateur spécialisé. Les équipes sont composées pour une moitié d’éducateurs spécialisés et pour l’autre de personnes engagées dans un nouveau métier, et il y a là une harmonie, un équilibre d’accompagnement qui me paraissent tout à fait intéressants et innovants.

Sur les 43 CPI existants, nous rencontrons, il est vrai, des difficultés. Alors que les CER fonctionnent par session, en prenant en charge un groupe de jeunes homogène durant toute la session, les CPI accueillent dans l’urgence les mineurs les plus difficiles et connaissent un flux constant d’entrées et de sorties. Bien que le cahier des charges des CPI ait prévu que ces centres devaient s’adresser à un public qui n’était pas nécessairement trop connu, en vue d’établir un bilan-orientation, ils ont en fait accueilli 90 % des mineurs très connus, très réitérants, qui sortaient de prison ou pour lesquels les magistrats hésitaient entre prison et CPI.

Nous nous sommes vite aperçus que, si ces structures répondaient à l’immédiateté, elles étaient confrontées à un public particulièrement difficile et ne pouvaient avec succès remplir leur mission que sous trois conditions.

La première, c’est que doit être mise en place une organisation départementale, notamment un service départemental qui régule l’accueil d’urgence, qui rassemble les magistrats, le secteur public, le secteur associatif et, éventuellement, le Conseil général. En effet, on voit bien aujourd’hui que les foyers de l’enfance sont également confrontés au problème de l’accueil d’urgence pour les mineurs en danger. Nous sommes très sollicités en ce qui concerne les mineurs étrangers ou les jeunes errants, autant que sur les mineurs délinquants. C’est pourquoi une véritable coordination départementale est essentielle.

La deuxième condition, c’est l’évolution, dont je viens de parler, du modèle des foyers. Les CPI qui aujourd’hui réussissent sont ceux qui ont un projet fort autour d’activités très structurées durant toute la semaine, en lien avec les petites structures comme les centres de jour, qui ont des ateliers scolaires ou professionnels.

La troisième condition est la qualité de l’encadrement.

Le recrutement, dont j’ai également parlé tout à l’heure, de 1.000 personnes en trois ans a entraîné une extrême mobilité des personnels. Mais, malheureusement, on a retrouvé les plus jeunes professionnels dans les milieux les plus difficiles.

Pour résoudre cette question, on a d’abord, selon la formule du tutorat, demandé aux professionnels plus anciens de revenir en hébergement pendant une période déterminée sans perdre leur poste d’origine.

Par ailleurs, nous avons décidé de modifier les modalités de recrutement. Ainsi, par le concours exceptionnel, nous avons recruté des personnes qui avaient déjà travaillé au moins trois ans, car j’ai constaté qu’il était très difficile pour de nombreux jeunes sortant de l’université de se retrouver au contact de mineurs très délinquants. Les critères de recrutement qui me paraissent devoir être retenus sont à la fois la parité entre hommes et femmes, l’âge, mais aussi la connaissance des publics difficiles.

La loi de modernisation de la fonction publique, que le Gouvernement a décidé, lors d’un comité interministériel de réforme de l’Ëtat, le 15 novembre, d’étendre à la PJJ, va nous permettre de diversifier les recrutements. Nous allons recruter sur une troisième voie des personnes ayant déjà une expérience professionnelle et cela permettra également de recruter sur titre.

J’ai également souhaité que l’on puisse recruter des contractuels. En effet, l’expérience montre qu’après avoir travaillé dans ce type de structure les gens savent s’ils souhaitent s’engager durablement dans ce métier. Pour 2002, j’ai obtenu, après de très nombreuses discussions, l’autorisation de recruter 150 contractuels, la priorité étant l’Ile-de-France, par anticipation des nouvelles voies de recrutement à venir, car ces personnes pourront se présenter au concours qui sera, je l’espère, ouvert en 2003.

M. le rapporteur - La fonction de la PJJ en matière de contrôle financier et pédagogique des établissements associatifs habilités est-elle correctement assurée ? Ce contrôle s’exerce-t-il à d’autres moments qu’à celui de l’habilitation et, si oui, quelle en est la périodicité ?

Mme Sylvie Perdriolle - La PJJ possède, à l’égard du secteur associatif habilité, des compétences conjointes avec les conseils généraux en matière de tarification, de création et de contrôle.

Sur la tarification Ëtat, nous opérons un contrôle très précis puisque nous sommes seuls à assurer le budget des services concernés. Je pense notamment aux CER pour lesquels un contrôle pédagogique très régulier est effectué.

Sur l’ensemble du secteur « enfance en danger, enfance délinquante » où s’exercent les compétences conjointes, les moyens en termes de contrôle sont certainement insuffisants. Nous sommes présents dans les procédures de tarification conjointe et nous encourageons les démarches de schéma conjoint ainsi que les protocoles de travail conjoint avec les départements.

Je voudrais à cet égard souligner l’évolution du travail réalisé avec les conseils généraux. On a beaucoup dit que ceux-ci n’avaient pas mis en place à temps les schémas départementaux. Je rappelle qu’à ce jour trente schémas départementaux conjoints ont été signés et que trente autres sont en cours d’élaboration. Par ailleurs, à la suite d’une demande qu’avait formulée Mme Guigou après avoir reçu l’Association des départements de France (ADF), la PJJ a mis en place un travail plus particulier sur seize départements dont lerésultat a été diffusé à l’ensemble des départements.

Nous continuons à travailler de manière bilatérale avec l’ADF sur la question de l’observatoire partagé, c’est-à-dire sur la façon de communiquer ensemble sur les mêmes données. Je considère que c’est une avancée très positive dans la coopération entre la justice et les conseils généraux.

En ce qui concerne les moyens de contrôle, j’ajoute que certaines directions régionales ont mis en place un contrôle annuel aléatoire de quatre à cinq établissements par an, mais elles sont très minoritaires aujourd’hui. En effet, nous ne sommes pas assez outillés pour faire un contrôle régulier et aléatoire de l’ensemble des départements.

M. le rapporteur - Un partenariat accru avec les conseils généraux me paraît être une très bonne initiative, car ils sont très proches des réalités, qui sont extrêmement diverses.

Concernant la prise en charge sanitaire et psychiatrique des jeunes, les quelques visites que nous avons effectuées nous font dire que cette prise en charge paraît relativement mal assurée. Quelles améliorations comptez-vous mettre en place ?

Mme Sylvie Perdriolle - Le sujet que vous évoquez m’a paru tout à fait prioritaire. En effet, beaucoup d’établissements soulignent qu’ils ont affaire à des adolescents très violents, parfois qualifiés de « border line »

Nous avons travaillé de manière étroite avec la direction des hôpitaux et la direction générale de la santé en organisant un séminaire « santé-justice » sur ce sujet en 2000 afin de rapprocher nos administrations. Comme le professeur Jeammet, je suis très favorablement étonnée du rapprochement des points de vue qui s’est opéré entre médecins et magistrats. Nous avons tous connu une période de mise en cause réciproque des interlocuteurs. Aujourd’hui, les administrations se parlent. Entre l’administration sanitaire et nous-mêmes, un dialogue nouveau s’est construit qui se fonde sur le même diagnostic en ce qui concerne les adolescents et sur une volonté commune d’en faire une priorité. Le chiffre des suicides, par exemple, est tout aussi inquiétant que celui de la délinquance et justifie que l’on essaie de travailler ensemble.

J’ai élaboré avec mes homologues directeur de la santé et directeur des hôpitaux un projet conjoint de directive que nous devons signer dans les huit jours qui viennent sur ce sujet.

Par ailleurs, j’ai inauguré en janvier dernier, avec le professeur Jeammet, un diplôme universitaire sur les adolescents difficiles qui s’adresse à des magistrats, des éducateurs, des enseignants et à des personnels de soins. Cette formation, qui est dispensée à l’institut Montsouris, est copilotée par ma direction et la direction de l’enseignement scolaire et coanimée par le professeur Jeammet et moi-même.

Tout le monde constate que la pédopsychiatrie est en situation très difficile, que l’on manque de médecins, de lits. Mais en ce domaine, comme pour les classes-relais, en travaillant ensemble plutôt qu’en parallèle, nous avons franchi un pas.

En ce qui concerne le mineur accueilli en foyer, l’objectif, lorsqu’une crise se produit, est qu’il puisse être hospitalisé quelques jours et revenir en foyer, que des aller-retour soient possibles. J’ai même autorisé une expérimentation à Nice en mettant à disposition un personnel à l’hôpital. C’est ainsi que l’on cherche à travailler, de manière conjointe, sur de petites unités, même si l’on ne dispose malheureusement que de très faibles moyens.

M. le rapporteur - Vous avez déjà en partie répondu aux questions relatives aux personnels. Je souhaiterais avoir quelques précisions sur le taux de féminisation et l’âge moyen des personnels éducatifs de la PJJ.

Mme Sylvie Perdriolle - Le taux de féminisation est de 53 % pour les éducateurs et de 55 % pour l’ensemble des personnels. Mais ces chiffres ne sont pas très significatifs, car la question se situe en fait dans la pyramide des âges.

Sur le concours normal des dernières années, nous avons recruté 70 % de femmes et 30 % d’hommes. Nous avons quelque peu corrigé ces chiffres à travers le concours exceptionnel en recrutant 60 % de femmes et 40 % d’hommes et, en 2000 précisément, nous avons recruté autant de femmes que d’hommes.

Compte tenu de la pyramide des âges, nous risquons d’avoir, dans dix ans, une grande majorité de femmes. Il est difficilement envisageable, notamment dans les foyers, que les équipes soient à 80 % constituées de femmes. La priorité me paraît donc d’opérer un recrutement à parité d’hommes et de femmes. Ce n’est un secret pour personne que les personnels contractuels sont recrutés majoritairement parmi les hommes âgés de 30 à 35 ans. En effet, on a également un creux d’âge qui se situe entre 35 et 45 ans. Nous allons donc nous efforcer d’équilibrer cette pyramide des âges.

M. le rapporteur - Quel est le nombre de postes vacants étant donné que les congés de maternité n’entraînent pas de vacance de poste ? Ne serait-il pas intéressant de définir un taux de compensation pour pallier ce problème ?

Mme Sylvie Perdriolle - Le taux de vacance budgétaire, qui est le seul taux « officiel », est très bas puisqu’il est de 2 % environ.

Je viens d’obtenir, ce qui est là encore une révolution dans mon administration, la possibilité, en gageant des postes budgétaires, de recruter des éducateurs sur des contrats à durée déterminée pour remplacer les congés de maternité et de maladie. Les modalités financières de cette mesure restent encore à préciser avec le contrôleur financier. En revanche, je n’ai pas obtenu pour ma direction le surnombre que vous évoquez et que seule la direction de l’administration pénitentiaire a obtenu.

M. Jean-Jacques Hyest - Dans un certain nombre de départements, notamment à Paris, il semble que le secteur associatif ne prenne pas sa part des mineurs délinquants ayant eu affaire à la justice alors qu’il est précisément habilité pour le faire.

Mme Sylvie Perdriolle - Vous avez raison de souligner ce point. Historiquement, sur les trente dernières années, le secteur associatif habilité s’est beaucoup investi dans l’enfance en danger. Or, au début du siècle, il était aussi pionnier dans le domaine de l’enfance délinquante. Il s’agit donc de trouver des moyens d’attirer à nouveau le secteur associatif vers l’enfance délinquante. Toutefois, la situation est très inégale selon les régions.

En Normandie par exemple, le secteur associatif est très présent, ce qui n’est pas le cas en Ile-de-France, où l’on constate un retard général d’équipements. J’ai d’ailleurs été amenée à solliciter un secteur dirigé vers les adultes pour le programme des CER. Je viens de signer une convention avec l’association SOS Drogues international pour mettre en place 16 CER en Ile-de-France. Mais je n’ai signé aucune convention avec les associations de sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence, ce qui est quand même étonnant.

J’ajouterai que, lorsque cette question est articulée conjointement entre le ministère de la justice et le Conseil général, tout le monde est obligé de bouger. On l’a vu récemment dans le Bas-Rhin, qui est un département complexe, où la situation est tendue, mais où l’on est parvenu en coordonnant les initiatives à faire progresser les choses. Les conseils généraux sont d’ailleurs des « poids lourds » par rapport à l’Ëtat en ce domaine.

Les rapprochements récents montrent que nous sommes tous confrontés aux mêmes problèmes. Je parlais tout à l’heure des mineurs étrangers ou errants pour lesquels de petits lieux d’accueil d’urgence sont nécessaires. On est bien sûr amené à élaborer des procédures parfois dérogatoires sur ce sujet. Peut-être est-il souhaitable que tous les partenaires se réunissent pour réfléchir à une éventuelle modification des règles actuelles de financement, qui constituent parfois un obstacle.

M. le président - Madame la directrice, nous vous remercions.


Source : Sénat français