La laïcité fait partie de notre décor quotidien. C’est pourquoi on n’y fait plus attention et que l’on perd de vue les raisons qui ont prévalu à son adoption. Or, si l’on considère que la laïcité est inséparable de l’esprit des Lumières, qu’elle a permis à l’Europe de rompre avec les guerres de religion et qu’elle constitue un élément essentiel de toute société ouverte et moderne, les menaces qui la guettent ne peuvent laisser indifférent.

La laïcité est questionnée et contestée, c’est un fait. Par les sociétés non laïques et non démocratiques tout d’abord, en particulier dans le monde musulman. Par certaines démocraties ensuite qui entretiennent des relations étroites avec la religion dominante qui peut conserver le statut de religion d’Etat. Par certaines populations immigrées également qui, issues d’une culture non laïque et non démocratique, ne perçoivent pas le sens de ce principe. Par le tout venant ensuite lorsqu’il est tenté par des comportements communautaires ou sectaires.

Le XXIème siècle est le siècle de la globalisation des échanges, des idées et des mouvements de population. Mais on découvre peu à peu qu’il n’annonce pas forcément le triomphe des démocraties. Au niveau international, des conflits violents se développent qui ont, en partie au moins, pour enjeu la place de la religion dans la société. Dans les démocraties occidentales, les progrès de l’individualisme et du multiculturalisme remettent en cause le principe d’autorité et la transmission de valeurs communes qui permettent de faire vivre l’idée de nation.

Alors que la liste des sujets qui affectent les rapports entre la religion et la politique s’allonge régulièrement, on assiste à un déplacement des enjeux liés à la laïcité, de la sphère religieuse à la sphère culturelle et identitaire. Dès lors, l’Etat est confronté à un dilemme, soit il se résout au développement croissant des particularismes dans la société française, soit il continue à promouvoir une culture commune fondée sur l’émancipation et l’autonomie du citoyen.

En fait, c’est l’identité française fondée sur l’universalisme, l’égalité (en particulier entre hommes et femmes) et l’humanisme qui est en jeu et c’est notre régime politique qui est questionné. Alors que notre société est bousculée par la mondialisation, la construction européenne et la décentralisation, la laïcité apparaît comme une référence stable et un peu mythique. C’est pourquoi elle est devenue un élément de référence de l’identité française. Sa remise en cause par le multiculturalisme et le communautarisme peut donc être perçue comme une menace pour l’identité nationale.

Dès lors, un renouveau de la laïcité devient un élément de la réponse au choc du 21 avril 2002. On assiste ainsi à une "re-politisation" du thème de la laïcité qui pourrait devenir une valeur de la "droite de mai" face à une gauche qui s’est largement convertie au multiculturalisme et n’a pas su répondre au défi du communautarisme.

Source : Club " Dialogue & Initiative "