Débat sur le terrorisme et les droits de l’homme
S’exprimant sur le rapport présenté par Mme Kalliopi Koufa sur les droits de l’homme et le terrorisme, M. ASBJØRN EIDE, expert de la Sous-Commission, est revenu sur les problèmes posés par l’élaboration d’une définition internationalement reconnue du terrorisme. Il a rappelé que les définitions juridiques sont adoptées pour déterminer le champ d’application d’une convention et a estimé que, par conséquent, les travaux visant à rechercher une définition globale du terrorisme sont futiles. Il a rappelé que Mme Koufa avait mentionné l’existence de divers instruments définissant les actes qui doivent être réprimés et par quels moyens, et s’est accordé à reconnaître qu’une telle approche sectorielle est préférable à la recherche d’une définition globale. Il s’est dit favorable à la recherche de définitions régionales, portant sur une catégorie d’actes qualifiés de terroristes. Il a corroboré l’avis émis par Mme Koufa selon lequel le rôle des mécanismes des droits de l’homme tels que la Sous-Commission n’est pas de définir le terrorisme, mais d’exprimer les préoccupations qu’il fait naître au regard des droits de l’homme. M. Eide a recommandé que la Sous-Commission parvienne à la conclusion que son rôle n’est pas de définir le terrorisme et qu’elle se consacre à veiller à ce que la lutte contre le terrorisme soit menée dans le cadre des droits de l’homme, que les États n’arment pas de groupes terroristes et n’accordent aucun appui, moral ou financier, à des groupes qui recourent au terrorisme pour combattre leurs opposants. Il a suggéré que Mme Koufa puisse terminer son travail pour la prochaine session et s’est félicité de l’admirable contribution faite par Mme Koufa.
M. JOSÉ BENGOA, expert de la Sous-Commission, a commenté le rapport de Mme Koufa sur le terrorisme et les droits de l’homme en soulignant qu’il s’agit là d’une étude très sérieuse et érudite. Il a estimé que la discussion de cette question est très urgente et a jugé à la fois compliqués et dangereux les efforts visant à élaborer une définition du terrorisme. S’il n’est pas possible de parvenir à une définition, ce qui paraît évident, tout au moins faudrait-il procéder à un travail de description visant à dire ce qu’il est possible et ce qu’il n’est pas possible aujourd’hui de considérer comme un acte de terrorisme, a proposé M. Bengoa. Soulignant que la question du terrorisme est étroitement liée à des questions que la Sous-Commission examine régulièrement depuis longtemps, il a mis l’accent sur la nécessité de savoir reconnaître où se trouve la frontière délicate entre, d’une part, le droit légitime de revendiquer son identité religieuse, ethnique et nationale et, de l’autre, les activités de type terroriste.
Abordant la question du terrorisme d’État et rappelant que l’on commémore cette année le trentenaire du Coup d’État au Chili et les 25 ans de celui en Argentine, il a souligné que ces coups d’État, sous prétexte de rétablir la démocratie, ont laissé des sociétés détruites. En Argentine, la majeure partie des responsables du terrorisme d’État sont en prison et, au Chili, un grand nombre d’officiels qui pensaient à l’époque sauver la patrie se retrouvent aujourd’hui en prison, a rappelé M. Bengoa.
MME FRANÇOISE JANE HAMPSON, experte de la Sous-Commission, a appuyé les propos de M. Eide sur la question d’une définition globale du terrorisme. Elle a ensuite appelé l’attention sur les questions relatives aux droits de l’homme dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Ainsi, il importe que les États veillent à ne pas alimenter les fonds terroristes, mais cela ne doit pas leur donner le droit de geler les avoirs de certaines organisations sans décision judiciaire, a-t-elle précisé. Elle a estimé regrettable que le Conseil de sécurité, ayant reconnu la nécessité de respecter les droits de l’homme dans la lutte contre le terrorisme, n’ait pas nommé d’expert des droits de l’homme sur cette question. Elle a ensuite recommandé que l’étude de Mme Koufa analyse les législations appliquées par les États et a appelé l’attention sur les limites du Comité des droits de l’homme, qui n’a pas les moyens de s’acquitter de la tâche qui lui a été confié s’agissant de l’examen des mesures antiterroristes adoptées par certains États.
M. CHEN SHIQIU, expert de la Sous-Commission, a jugé particulièrement importante et épineuse la question des droits de l’homme et du terrorisme. Le terrorisme est un danger public international auquel l’humanité entière est confrontée ; il menace la paix et la sécurité mondiales, ainsi que le développement social, l’économie et les droits de l’homme. Les efforts déployés dans la lutte contre le terrorisme devraient néanmoins respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale des pays ainsi que la légalité internationale. En outre, en l’absence d’une définition précise du terrorisme, il faut s’abstenir d’accoler indûment et sans raison l’étiquette « terroriste », notamment à des mouvements de libération populaire dans diverses régions du monde. La lutte contre le terrorisme ne doit pas être associée à une population ou à une religion particulière, a souligné M. Chen. Il faut au contraire s’efforcer de promouvoir une cohabitation harmonieuse et pacifique entre les civilisations. La lutte contre le terrorisme ne doit pas donner lieu à des violations des droits de l’homme et il convient, dans le cadre de cette lutte, de respecter certaines règles juridiques, notamment l’interdiction de la torture, a insisté M. Chen. Il a mis l’accent sur la nécessité de mettre en place dans le monde un ordre économique et politique juste.
M. SOLI JEHANGIR SORABJEE, expert de la Sous-Commission, s’est félicité de l’objectivité avec laquelle Mme Koufa s’est acquittée de son mandat dans une conjoncture internationale troublée. S’agissant de la question de la définition du terrorisme, il a dressé une analogie avec la recherche d’une définition des minorités et a rappelé que l’on avait néanmoins identifié des minorités qu’il fallait protéger. L’expert a suggéré que l’on reconnaisse, comme acte terroriste, les actes de violence, quels que soient leurs motivations ou leurs objectifs, dirigés contre les civils. Si la fin ne saurait justifier les moyens pour les terroristes, a-t-il poursuivi, ce principe doit aussi s’appliquer aux États dans leur lutte contre ce fléau. Il a recommandé de veiller à ce que les mesures antiterroristes ne soient pas de simples réactions à des événements, contexte dans lequel les autorités ont tendance à faire du zèle. Il convient donc d’incorporer des gardes-fous dans la législation, par exemple au moyen d’un comité d’examen comprenant un membre du pouvoir judiciaire, a suggéré M. Sorabjee. En effet, il faut garder à l’esprit que l’objectif des législations antiterroristes est de préserver la primauté du droit. Si la lutte contre le terrorisme doit être vigoureuse, il importe toutefois qu’elle n’en devienne pas elle-même terroriste, a-t-il mis en garde.
M. ABDEL SATTAR, expert de la Sous-Commission, a rappelé que, depuis la première présentation d’un rapport sur le terrorisme et les droits de l’homme par M. Koufa, en 1997, la Sous-Commission n’a eu de cesse, chaque année, que de la féliciter pour son travail. Une fois de plus cette année, il faut espérer que des compliments similaires apparaîtront dans la résolution que la Sous-Commission devrait adopter sur la question à la présente session, a affirmé M. Sattar. Il a par ailleurs rappelé que, lors de sa dernière session, l’Assemblée générale a adopté une résolution demandant à tous les États de s’assurer que leurs mesures antiterroristes n’enfreignent pas les droits de l’homme et le droit humanitaire. Aussi, si Mme Koufa le juge approprié, elle pourrait intégrer certaines des tendances qui se dégagent au sein des Nations Unies s’agissant de la question du terrorisme et des droits de l’homme tout en prônant des mesures antiterroristes fermes et efficaces, a poursuivi l’expert. M. Sattar a d’autre part rappelé que la lutte pour les libertés ne doit pas être associée au terrorisme. Il a exprimé l’espoir que Mme Koufa complètera son étude avant la prochaine session de la Sous-Commission et cherchera à l’étendre à la question des droits de l’homme, en particulier ceux qui ont été négativement affectés par les mesures antiterroristes prises par certains pays.
M. YOZO YOKOTA, expert de la Sous-Commission, a loué le travail accompli par Mme Koufa sur les droits de l’homme et le terrorisme, sujet difficile s’il en est. Il s’est félicité de son objectivité et a reconnu la validité de son approche juridique de la question. S’agissant de la définition du terrorisme, il a appelé l’attention sur les difficultés politiques et rhétoriques qui se posent et sur une autre difficulté qui tient au fait qu’une fois la définition fixée, l’État ou les groupes armés visés s’efforceront d’éluder leur responsabilité par une interprétation étroite de cette définition ou au contraire s’appuieront sur une définition large en fonction de leurs intérêts. Dans de telles circonstances, il a jugé qu’il serait dangereux de s’enfermer dans une définition rigide du terrorisme. En effet, quelle que soit la définition du terrorisme, il importe de reconnaître que toute attaque violente et aveugle contre des civils et leurs biens est une violation des droits de l’homme, du droit à la vie, du droit à la sécurité, etc. Il a ensuite souligné la responsabilité du Conseil de sécurité pour promouvoir l’élaboration de normes internationales visant à prévenir de tels actes de violence. Par exemple, le Conseil pourrait connaître de ces actes au titre de l’Article 39, Chapitre VII de la Charte, relatif à la rupture de la paix. En outre, il importe de veiller qu’aucune impunité ne soit accordée aux auteurs de telles attaques, ni à titre de réfugié ou d’opposant politique. À cet égard, il s’est dit favorable à ce que de tels actes de violence soient inclus dans le Statut de la Cour pénale internationale au titre des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre afin que leurs auteurs puissent être jugés par la Cour pénale internationale de La Haye. M. Yokota a ensuite appelé l’attention sur la légitime défense des États telle qu’elle est définie dans l’Article 51 de la Charte, qui reconnaît aux États le droit de réagir à des agressions armées de grande envergure et s’est demandé si l’utilisation d’avions de ligne contre des immeubles constitue une « agression armée ».
M. SOO GIL PARK, expert de la Sous-Commission, a relevé que la problématique du terrorisme et des droits de l’homme est marquée par la tendance de nombreux États à utiliser le terrorisme comme prétexte pour enfreindre les droits de l’homme d’opposants politiques. Il a néanmoins rappelé que le terrorisme constitue en lui-même une violation des droits de l’homme. Il convient donc d’assurer un équilibre entre protection des droits de l’homme et impératif de sécurité. M. Park a par ailleurs jugé bonne la proposition de Mme Koufa visant à ce que le Comité contre le terrorisme du Conseil de sécurité incorpore des préoccupations liées aux droits de l’homme.
M. OLEG MALGUINOV, expert de la Sous-Commission, a souligné les multiples difficultés idéologiques et politiques qui se posent face à l’élaboration d’une définition globale du terrorisme. En effet, son analyse a été rendue particulièrement difficile par la conjoncture internationale. Toutefois, il s’est félicité que les experts de la Sous-Commission s’efforcent d’avoir une influence sur les mesures prises pour lutter contre le terrorisme, ce qui est l’aspect le plus important des travaux de la Sous-Commission si l’on veut que la lutte contre le terrorisme soit plus efficace tout en s’inscrivant dans le cadre juridique des droits de l’homme. Reconnaissant les difficultés de parvenir à une définition globale du terrorisme, il a néanmoins recommandé que l’on s’efforce de circonscrire les actes que l’on qualifie de terroriste et a estimé qu’il serait dangereux de laisser le soin de définir les actes terrorismes à d’autres instances qui ne sont peut-être pas motivées par les mêmes considérations que la Sous-Commission. Il s’est ensuite félicité que Mme Koufa ait apporté une réponse concrète à la question de savoir s’il est possible de lutter contre le terrorisme tout en respectant les droits de l’homme et quels seraient les paramètres d’une telle politique antiterroriste. M. Malguinov a recommandé que la Sous-Commission poursuive son étude sur les droits de l’homme et le terrorisme et a estimé que l’étude de Mme Koufa devait être publiée.
MME IULIA ANTOANELLA MOTOC, experte de la Sous-Commission, a salué la « tâche héroïque » accomplie par Mme Koufa sur un terrain que l’on peut comparer à des sables mouvants. Mme Motoc a admis la difficulté qu’il y a à dégager une définition du terrorisme mais a rappelé que lorsqu’il s’est agi d’établir une définition de la notion de « minorité », la Sous-Commission est parvenue à une définition qui a fait école. La question de la légitimité, qui appartient non plus à la sphère juridique mais à la sphère politique, est essentielle dans le contexte du terrorisme, a par ailleurs déclaré Mme Motoc.
M. EL HADJI GUISSÉ, expert de la Sous-Commission, s’est félicité de l’utilité de l’étude menée par Mme Koufa sur les droits de l’homme et le terrorisme. Il s’est lui aussi dit d’avis qu’il était impossible d’aboutir à une définition globale du terrorisme qui est un phénomène flou et difficile à saisir. Il a demandé à Mme Koufa de s’interroger tout de même sur les causes des actes terroristes. Il importerait de pouvoir décrire les raisons pour lesquelles un acte terroriste a été commis. Il a rappelé que certains actes terroristes en apparence avaient eu des conséquences libératrices et que certains actes visant à rétablir l’ordre s’étaient révélés contraires au droit. Il convient donc de s’attacher à étudier l’origine et les conséquences des actes terroristes. Il a posé la question de l’utilité réelle d’une définition du terrorisme et a recommandé une approche plus descriptive. M. Guissé a ensuite estimé que tout acte de violence contrevenant à une législation nationale ou internationale en vigueur pourrait être qualifié de terroriste.
MME LEILA ZERROUGUI, experte de la Sous-Commission, a dit partager les mêmes préoccupations que les intervenants qui l’ont précédée et apprécier les efforts déployés par Mme Koufa pour produire le rapport qu’elle présente cette année à la Sous-Commission. Il faut que ce rapport soit publié comme document officiel dans toutes les langues officielles et se voie accorder une dérogation pour ce qui est du nombre maximum de mots qui a été fixé pour les rapports, a estimé Mme Zerrougui. Si on ne parvient pas, depuis plusieurs décennies, à dégager une définition du terrorisme, c’est avant tout parce que l’on ne parvient pas à se mettre d’accord sur les questions relatives aux motivations du terrorisme, a-t-elle par ailleurs rappelé.
M. FISSEHA YIMER, expert de la Sous-Commission, s’est lui aussi dit favorable à ce que l’on renonce à la recherche d’une définition globale du terrorisme et que l’on s’emploie à veiller à ce que la lutte contre le terrorisme s’inscrive dans le cadre juridique des droits de l’homme. Reconnaissant que les événements du 11 septembre 2001 ont rendu la tâche plus compliquée en la matière, il a insisté sur le fait que la réaction des États à des attaques terroristes doit être limitée par le respect des droits de l’homme et a mis en garde contre les excès de zèle des États dans ce domaine. Il a souligné les multiples implications du terrorisme pour les droits de l’homme et, s’agissant des problèmes liés à la définition, il a rappelé les difficultés qui s’étaient posées pour les minorités. Au vu des difficultés qui se posent dans le cadre de cette étude, il a suggéré que l’on change le libellé pour privilégier l’examen du respect des droits de l’homme dans le cadre de la lutte antiterroriste. S’agissant de la légitime défense des États, il a rappelé que ceux-ci étaient liés par les principes du droit international et du droit pénal. Par ailleurs, M. Yimer a appelé l’attention sur les difficultés concernant la définition des auteurs d’actes terroristes, qui, selon les cas, seraient responsables au regard du droit pénal ou au regard du droit international. Pour ce qui est du rôle de la Sous-Commission, il s’est dit favorable à ce qu’elle examine et contrôle la législation antiterroriste comme elle l’a fait par le passé pour l’apartheid, par exemple.
MME KALLIOPI KOUFA, Rapporteuse spéciale sur le terrorisme et les droits de l’homme, a remercié ses collègues pour leur réaction favorable à son rapport. Elle a rappelé qu’il existe différentes écoles de pensée, certains estimant que le terrorisme est ce qu’il a toujours été alors que d’autres estiment qu’il a changé de visage, en particulier depuis le 11 septembre 2001. Quant aux causes du terrorisme, il s’agit là d’un autre sujet qui pourrait d’ailleurs faire l’objet d’une autre étude de la Sous-Commission et qui concerne davantage les sociologues que les juristes, a estimé Mme Koufa. La Rapporteuse spéciale a par ailleurs souligné le principe selon lequel la fin ne justifie pas les moyens. S’agissant des combattants de la liberté, la réponse à cette problématique se trouve peut-être dans la Déclaration universelle des droits de l’homme dont le préambule, dans son paragraphe 3 (« il est essentiel que les droits de l’homme soient protégés par un régime de droit pour que l’homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression »), laisse une place à la rébellion contre la tyrannie, a fait observer Mme Koufa. La Commission des droits de l’homme serait l’organe le plus compétent pour surveiller les mesures antiterroristes, a par ailleurs estimé la Rapporteuse spéciale.
Interventions d’organisations non gouvernementales dans le cadre du débat sur les femmes et les droits de l’homme, l’esclavage et les nouvelles priorités, en particulier le terrorisme
M. A.S. NARANG (Indian Council of Education) a rappelé que les événements du 11 septembre 2001 ont prouvé qu’aucune puissance n’est à l’abri et ont accéléré la lutte contre le terrorisme, qui figurait déjà au rang des priorités internationales. Le représentant s’est indigné de certains procédés employés par les États qui se disaient champions des droits de l’homme et a dénoncé le fichage systématique en cours aux États-Unis. Il a jugé essentiel que tous les États s’emploient à respecter les droits de l’homme dans leur lutte contre le terrorisme, car il importe de maintenir l’équilibre entre les préoccupations sécuritaires et le respect des droits et des libertés fondamentales. Ainsi, il a recommandé que les analystes du terrorisme s’emploient à comprendre les motivations du terrorisme, qui est au fond une guerre psychologique. En effet, le terrorisme est conçu pour avoir des conséquences psychologiques profondes et peut menacer les sociétés démocratiques. Toutefois, il faut veiller à ce que la lutte contre le terrorisme ne produise pas de conséquences plus néfastes encore sur les droits de l’homme, a-t-il martelé.
MME TATIANA SHAUMIAN (International Institute for Non-Aligned Studies) a souligné que les mesures visant à lutter contre le terrorisme ne doivent en aucun cas déroger aux normes fondamentales des droits de l’homme acceptées par toutes les nations civilisées. Il incombe donc à l’ensemble de la communauté des droits de l’homme et à des organes tels que la Sous-Commission en particulier de contribuer au maintien du fragile équilibre entre, d’une part, les besoins de sécurité aux niveaux national et international et, de l’autre, la jouissance des libertés civiles, sans lesquelles la vie ne vaut pas d’être vécue. L’une des questions fondamentales qui préoccupent tous ceux qui sont impliqués dans l’étude du terrorisme consiste à savoir si ce phénomène à des causes profondes et s’il disparaîtrait si l’on parvenait à remédier aux dites causes. L’expérience dans de nombreuses régions du monde a montré qu’il existe un certain nombre de facteurs constituant de puissants vecteurs de terrorisme. Parmi eux, il convient de citer la crise d’identité nationale (qui amène certains États à ne percevoir leur propre existence que par rapport à l’existence de menaces extérieures) ; l’autoritarisme et le manque de démocratie (les dictatures étant plus enclines à recourir à la violence, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de leurs frontières) ; l’érosion des valeurs de tolérance, de pluralisme et de diversité - tant il est vrai que la violence s’épanouit dans une atmosphère d’intolérance ; ainsi que le partage inéquitable des bénéfices du développement - le terrorisme étant l’arme du faible qui cherche à obtenir un avantage contre un ennemi plus fort.
MME HÉLÈNE DUSSOLLIET-GOND (Fédération syndicale mondiale) a dénoncé l’accès inégal des femmes aux équipements culturels élémentaires tels que l’éducation secondaire, qui est la véritable cause de leur retard à égaler les hommes dans leurs carrières. Ainsi, selon les estimations du rapport sur le développement humain du Programme des Nations Unies pour le développement, 76 % des femmes des États-Unis vont à l’école secondaire, un chiffre qui passe à 59 % en Pologne et à 3 % en Guinée-Bissau, alors qu’elles sont 79 % à Cuba. Elle s’est ensuite inquiétée de la situation des femmes dans les conflits armés où le viol et l’esclavage sexuel sont devenus des armes systématiques. Elle a mis en lumière les souffrances particulières des femmes qui voient mourir leurs enfants du VIH/sida, qui portent souvent la culpabilité d’avoir transmis le virus à leurs nourrissons et sur qui pèsent plus lourdement la charge de la survie des familles.
MME BRIGITTE BAMBERG (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples - MRAP) a déclaré qu’aujourd’hui, la situation économique et les transformations du monde qu’elle entraîne favorisent le phénomène de l’esclavage en tant qu’asservissement effectif d’une personne par une autre. Lorsque l’on parle de formes contemporaines d’esclavage, on ne peut s’en tenir seulement à la survivance de pratiques anciennes. Même s’il est essentiel de démasquer ces situations qui dérivent de structurations sociales qu’il faut bien qualifier d’arriérées (castes, sociétés lignagères), il faut aussi prendre en compte l’asservissement dans lequel peuvent tomber des personnes ou des familles à la suite des difficultés qu’elles rencontrent à assurer les conditions de leur existence. Il convient à cet égard de tenir le plus grand compte du développement du trafic d’êtres humains, auquel on pourrait ajouter le trafic d’organes humains. Aujourd’hui, le commerce d’êtres humains se banalise, a insisté la représentante du MRAP. Si l’on peut comprendre pourquoi des parents peuvent se résigner à vendre leurs enfants, on ne voit guère comment expliquer qu’il y ait des individus prêts à les acheter, sinon par le fait que nous vivons dans un monde dominé par la logique de la marchandise. Une caractéristique notable de ces trafics est leur internationalisation et la question du trafic d’êtres humains tend à se confondre avec celle des migrations clandestines, a souligné la représentante du MRAP.
MME MARINA SIKOZA (Parti radical transnational) a dénoncé les mutilations génitales féminines qui ne sont pas seulement des pratiques traditionnelles mais une attaque contre la dignité humaine. Elle a souligné que, sans action politique, il sera impossible de mettre fin à ces pratiques sur le terrain. Il apparaît en effet que ces pratiques restent en vigueur dans de nombreux pays d’Afrique et dans certaines minorités en Malaisie et en Indonésie. Elle a appelé l’attention sur les conséquences particulièrement néfastes sur la santé des femmes qui périssent parfois à la suite de l’intervention. Elle s’est ensuite inquiétée du fait que ces pratiques se répandent clandestinement en Europe et aux États-Unis sans qu’il soit possible d’en mesurer véritablement l’étendue. La représentante a ensuite appelé l’attention sur la conférence régionale organisée au Caire le 23 juin dernier, qui a permis l’adoption d’une déclaration signée par 23 pays africains et arabes. La représentante du Parti radical transnational a demandé à la Sous-Commission d’examiner attentivement la question des mutilations génitales féminines et de condamner vigoureusement la violence qu’elles infligent aux femmes. Elle a invité la Sous-Commission à encourager les gouvernements à adopter des plans nationaux d’action en vue d’éliminer la violence contre les femmes. Enfin, elle a demandé à la Sous-Commission de créer un « observatoire de l’infibulation » qui pourra surveiller cette pratique et collecter des données sur ce phénomène.
M. RAVINDER KAUL (Fondation de recherches et d’études culturelles himalayennes) a rappelé que la résolution 1996/20 de la Sous-Commission visait les actes, méthodes et pratiques terroristes, « quelles que soient les motivations auxquelles ils obéissent et la forme qu’ils prennent, dans toutes leurs manifestations, où qu’ils se produisent et quels qu’en soient les auteurs ». Cette résolution incluait dans les activités terroristes les actes visant à déstabiliser des gouvernements légitimement constitués, a-t-il ajouté. Relevant qu’il n’existe toutefois toujours pas de consensus autour de la définition du terrorisme, il a souhaité qu’en l’absence d’une définition globale, la communauté internationale puisse tout au moins dégager un consensus sur la mise sur pied de mécanismes destinés à contrôler et à supprimer le terrorisme international. Il convient de souligner que les efforts déployés au niveau international pour éliminer le terrorisme ne pourront porter pleinement leurs fruits si se poursuit le phénomène de parrainage du terrorisme par certains États.
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