Une occupation et un conflit qui s’éternisent ont fait du territoire palestinien occupé une « économie dévastée par la guerre », hypothéquant gravement son développement, lit-on dans la nouvelle édition du Rapport sur l’assistance de la CNUCED au peuple palestinien. La CNUCED appelle à la mise en place d’un nouveau cadre d’action destiné à rapprocher secours et développement, et observe que la dépendance de longue date de l’économie palestinienne à l’égard de l’économie israélienne, nettement plus développée, et son intégration asymétrique dans celle-ci, ajoutent à la complexité de la tâche.

Le rapport évoque les conséquences désastreuses de l’occupation prolongée pour la croissance, l’emploi, le niveau de vie, le commerce et les finances, qui n’ont fait que s’aggraver au cours des trois dernières années. Le recul a été tel que le territoire palestinien se retrouve aujourd’hui dans une situation analogue à celle de ces nombreuses économies ruinées par un conflit civil ou une guerre. Le secteur des petites entreprises a été particulièrement touché tandis que l’agriculture et les services informels devenaient l’ultime recours d’une population ayant basculé dans la pauvreté.

Le rapport souligne le rôle de premier plan que joue le secteur privé en tant que principale source de nouveaux investissements, de nouveaux emplois et de nouveaux revenus. Malgré l’incertitude qui prévaut, l’Autorité palestinienne devra définir pour le commerce et l’emploi des politiques intégrées fondées sur une vision, un projet économique et de développement assorti d’objectifs quantifiables, réalistes, suivant un calendrier précis, secteur par secteur. La fixation de priorités sectorielles claires aidera l’Autorité palestinienne à créer des synergies susceptibles de rapprocher secours et développement.

Selon la CNUCED, l’État de Palestine évoqué dans la résolution 1397 (2002) du Conseil de sécurité de l’ONU devra faire en sorte de ne pas répéter, dans le cadre de ses politiques de secours et de développement, les erreurs commises ailleurs en tentant de liquider l’héritage économique d’une guerre. Les politiques devront reposer sur une perception claire des distorsions et déséquilibres structurels que les responsables politiques ont longtemps négligé de prendre en considération.

Les dommages causés par le conflit

D’après la CNUCED, le conflit a fortement entamé depuis 2000 les capacités de l’appareil de production, provoquant ainsi de profonds changements dans l’économie, marqués par une dépendance accrue à l’égard du secteur informel et des activités de subsistance. Les quelques données qui suivent permettent de constater l’évolution de la situation :

Au cours des trois dernières années, la croissance enregistrée sur les 15 années précédentes a été annulée, le PIB réel s’établissant aujourd’hui au-dessous de son niveau de 1986 ;

En 2002, le revenu national brut par habitant (qui tient compte du revenu provenant de l’étranger) est tombé à 46% de son niveau de 1999 ;

Près des deux tiers de la population de Cisjordanie et de la bande de Gaza (2 millions de personnes) vivent aujourd’hui au-dessous du seuil de pauvreté, évalué à 2 dollars par jour ;

Le chômage a atteint un niveau sans précédent, affichant, avec les chiffres correspondant à une bonne partie de l’année 2003, un taux de plus de 40% en moyenne annuelle ;

Selon les estimations, la contribution du secteur manufacturier à l’économie est passée de 16% en 1999 à 14% en 2002 et la part du secteur du bâtiment dans le PIB a diminué de moitié ;

La part de l’agriculture dans le PIB a progressé de 15% en 2002, ce secteur stratégique ayant absorbé la main-d’œuvre sans emploi et accru sa part sur les marchés intérieurs ;

Il ressort d’une étude réalisée pour la CNUCED par le Bureau central palestinien de statistique qu’entre 2001 et 2002 l’emploi dans les petites et moyennes entreprises du secteur manufacturier, du bâtiment, du tourisme et d’autres services a chuté dans des proportions comprises entre 14% et 27% ;

Les entreprises à forte intensité de capital du secteur des technologies de l’information et de l’industrie pharmaceutique ont mieux résisté à la crise ;

On a observé une forte contraction de la taille moyenne des entreprises palestiniennes, ce qui donne à penser que l’économie informelle a encore gagné en importance.

La dépendance imposée

 L’effondrement de l’économie palestinienne constaté depuis 2000 illustre le fort degré de dépendance économique à l’égard d’Israël engendré par des dizaines d’années d’occupation. Ainsi, l’an dernier, la part des importations en provenance d’Israël dans la consommation privée palestinienne était de 55% et le déficit commercial avec Israël représentait 71% du déficit commercial palestinien total. En termes de PIB, cela signifie que 45% de la valeur de chaque dollar produit en Cisjordanie et dans la bande de Gaza aboutissent dans l’économie israélienne par le biais des importations. En 2002, plus des deux tiers des emprunts extérieurs palestiniens (essentiellement des fonds de soutien de donateurs) ont apparemment servi à financer un commerce bilatéral de marchandises déséquilibré avec Israël.

S’agissant des perspectives de développement de l’économie palestinienne, cette fuite excessive de ressources économiques vers Israël a des implications qui sont loin d’être négligeables, indique la CNUCED. Elle signifie que les fonds fournis par les donateurs n’ont pas nécessairement l’effet multiplicateur escompté sur le revenu dans le territoire palestinien. C’est au contraire dans l’économie israélienne que cet effet se ferait surtout sentir. Parallèlement, la part des échanges palestiniens dans le commerce extérieur israélien total ne cesse de se réduire. Ainsi, en 2002, les échanges de biens et de services palestiniens avec Israël ont représenté moins de 2% de la valeur totale du commerce extérieur israélien, contre plus de 5% 10 ans auparavant.

La phase de redressement économique et de reconstruction qui s’annonce ne peut avoir pour simple objectif le retour à la situation antérieure à l’année 2000, souligne la CNUCED. Les efforts de développement devront être qualitativement différents de ceux qui ont suivi les précédents chocs et bouleversements, ce qui signifie qu’il faudra revoir les impératifs de l’intégration économique israélo-palestinienne.

Il est tout aussi important d’évaluer soigneusement l’enchaînement et la rapidité des différentes étapes de la réforme du commerce dans le cadre d’une stratégie globale tendant à créer des synergies entre opérations de secours et efforts de développement à long terme et à accorder la priorité au secteur des entreprises. La CNUCED engage les donateurs à accroître leur soutien à celui-ci et à soutenir en particulier les petites et moyennes entreprises. Elle insiste sur la nécessité de définir une politique industrielle permettant d’orienter la reconstruction et le développement de ce secteur sinistré et de compléter cette politique par des programmes appropriés de formation de la main-d’œuvre, d’incitations à l’investissement et de développement d’infrastructures institutionnelles s’adressant spécifiquement aux secteurs capables de jouer le rôle de « moteur de l’économie » ainsi qu’aux secteurs stratégiquement importants, tels que l’agriculture.

L’assistance de la CNUCED au peuple palestinien

Afin d’aider l’Autorité palestinienne à réorienter sa politique économique et commerciale, la CNUCED fournit dans des délais très brefs aux décideurs palestiniens des services consultatifs destinés à les éclairer sur les incidences des différentes politiques commerciales possibles compte tenu des conditions économiques actuelles. Elle a apporté son concours à la mise en place du groupe de travail national sur le développement économique créé par le Conseil des ministres de l’Autorité palestinienne, et se prépare à exécuter, en étroite collaboration avec le Bureau international du Travail (BIT), un nouveau projet d’assistance technique dont l’objet est d’aider l’Autorité palestinienne à mettre au point des techniques d’analyse quantitative. Ces nouveaux moyens seront utilisés pour définir des politiques intégrées en matière de commerce, d’emploi et d’activité macroéconomique.

Malgré une année marquée par les turbulences, la CNUCED et ses partenaires de l’Autorité palestinienne ont obtenu des résultats concrets dans le cadre du projet SYDONIA, relatif à l’Administration des douanes, et du projet SYGADE, qui porte sur la gestion de la dette. En 2004, un prototype SYDONIA sera installé au siège de l’Administration des douanes, à Ramallah, et dans deux bureaux de douane pilotes de l’Autorité palestinienne. Le système SYGADE est désormais pleinement opérationnel. Un projet de loi sur la dette publique est en cours d’élaboration et une étude détaillée sur les stratégies et les politiques en matière de dette, destinée à guider l’action de l’Autorité palestinienne, a été entreprise. Par ailleurs, les partenaires de la CNUCED dans le secteur privé, à savoir la Palestinian Banking Corporation et le Centre du commerce palestinien (Paltrade), assument la responsabilité de l’exécution de ses projets portant sur le soutien au développement des petites et moyennes entreprises (Empretec) et le pôle commercial Palestine Ramallah.

Source : CNUCED