Je suis heureux de prendre la parole devant cette importante assemblée. J’aimerais féliciter aujourd’hui le nouveau président de l’Assemblée générale et lui offrir mes meilleurs voeux.

Comme vous le savez tous, le Canada a toujours privilégié une approche multilatérale à l’égard des questions internationales, non pas pour des raisons d’idéologie, mais parce qu’il s’agit d’une méthode éprouvée pour rehausser la sécurité et pour résoudre les problèmes qui dépassent le cadre des États.

Notre époque nous offre d’immenses possibilités d’action. Nous pouvons améliorer la santé et prolonger l’espérance de vie, surtout dans les pays pauvres. Nous pouvons protéger la sécurité et rehausser les droits des citoyens. Nous pouvons aussi mettre l’accent sur l’éducation et aider les gens à réaliser leurs aspirations.

Notre époque nous place également devant des défis urgents. Protéger l’environnement. Enrayer des maladies comme le VIH-sida et la malaria. Prévenir les conflits et mettre fin à l’impunité pour les crimes contre l’humanité. Faire échec au terrorisme et au crime organisé. Contrôler les armes de destruction massive.

Chaque gouvernement a la responsabilité d’agir à l’intérieur de ses propres frontières. Cependant, à l’ère de la mondialisation, il n’est pas possible de régler de tels problèmes seul.

La coopération multilatérale est indispensable pour assurer le mieux-être et la protection efficace des citoyens.

Songez à la lutte contre le terrorisme. Aucun d’entre nous n’a jamais cru qu’il était possible de contrôler le terrorisme sans la coopération de tous, et encore moins d’y mettre fin. La tâche de tarir les sources de financement des terroristes requiert à la fois de la coordination et des régimes juridiques efficaces. Le partage des renseignements est indispensable pour prévenir les attentats.

L’ONU a joué un rôle extrêmement utile dans cette lutte. Depuis les événements tragiques du 11 septembre 2001, le Conseil de sécurité poursuit un vaste effort d’appui à la lutte contre le terrorisme international.

Songez aussi à la santé. L’éloignement de la source des nouveaux virus n’assure plus la protection voulue. Un tel virus pourrait toujours arriver à bord du prochain vol. La coopération multilatérale est essentielle à la gestion des menaces à la santé. Nous risquons la catastrophe si nous ne partageons pas tous les faits que nous possédons et si nous ne coordonnons pas nos efforts pour combattre les épidémies. Il faudra également agir de concert en faveur du développement dans les pays pauvres et pour assurer un accès raisonnable aux soins de santé.

Songez, en outre, au problème que continuent de poser les armes nucléaires, chimiques et biologiques. La prolifération de ces armes de destruction massive aux États et aux groupes terroristes représente un défi grandissant. Il faut mettre fin à cette prolifération au moyen de la coordination et de l’application stricte de contrôles d’exportation. Au moyen de vérifications rigoureuses et de l’exécution des traités multilatéraux. Et au moyen d’autres formes d’action collective prévues en droit international.

Nous reconnaissons tous que l’ONU nous a permis de relever avec succès de nombreux défis internationaux. Mais nous reconnaissons aussi que nous avons échoué dans certains autres cas. Nous avons tardé à adapter l’ONU à l’évolution des circonstances. L’heure est venue d’amorcer un renouvellement audacieux aux Nations Unies.

Ce matin, le Secrétaire général a énoncé des propositions qui sont opportunes, nécessaires et courageuses. Je le félicite pour son discours remarquable. Et je peux affirmer que le Canada souscrit pleinement aux objectifs qu’il propose.

L’ONU demeure l’instrument principal d’une action multilatérale efficace. J’engage les autres dirigeants à faire d’une réforme véritable de l’ONU une priorité.

Il ne faut pas douter du succès de nos efforts. Il suffit de penser à certaines des réalisations récentes de l’ONU, notamment le Sommet du millénaire de 2000 et la Conférence de 2002 sur le financement du développement à Monterrey. Nous avons établi un cadre commun aux fins de l’établissement des priorités en matière d’aide. Nous avons défini des objectifs et des principes fondamentaux. Nous avons précisé les responsabilités mutuelles des pays industrialisés et des pays en voie de développement. Cet esprit d’imputabilité et de responsabilité partagée est aussi au coeur du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique, le NEPAD, et du Plan d’action du G8 pour l’Afrique. Il nous a conduits à adopter de nouvelles politiques en matière d’accès aux marchés et de disponibilité des médicaments pour les pays les plus pauvres. À titre d’exemple, cette année, le Canada a supprimé la quasi-totalité des tarifs et des contingents sur les produits en provenance des pays les moins avancés.

En même temps, l’issue de la conférence de l’Organisation mondiale du commerce à Cancun est très préoccupante. Il faut réduire sensiblement les subventions à l’agriculture dans les pays industrialisés afin de donner la chance aux pays en développement, en Afrique surtout, de prospérer. Le monde industrialisé a l’obligation d’agir sans tarder.

Mesdames et Messieurs, il n’existe aucun domaine où il soit plus essentiel ni plus difficile de progresser que celui de la protection des innocents.

Le Canada, de concert avec d’autres, recommande de placer la protection des personnes au coeur du mandat de cette organisation.

Trop souvent, on laisse des conflits s’embraser tout en sachant quelles conséquences terribles en résulteront. Trop souvent, des civils innocents sont laissés à leur sort.

L’an prochain sera le dixième anniversaire du génocide au Rwanda. En toute conscience, nous devons nous demander si nous sommes davantage prêts maintenant qu’alors à réagir à un nouveau Rwanda. Je crains que la réponse ne soit malheureusement négative.

C’est en pensant à nos échecs collectifs en Bosnie et au Rwanda que le Canada a parrainé la création de la Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des États. La Commission a accompli un travail admirable. Dans son rapport, elle soutient que la souveraineté confère des devoirs aussi bien que des droits.

Le devoir le plus fondamental d’un État consiste à protéger ses citoyens. Lorsqu’un gouvernement omet de le faire, par impuissance ou par manque de volonté, la responsabilité de les protéger devient provisoirement une responsabilité collective de la communauté internationale.

Certains redoutent cette idée sous prétexte qu’une intervention pourrait être déclenchée pour des motifs insignifiants ou n’ayant rien à voir avec la protection de personnes. D’autres, ayant eux-mêmes vécu une expérience tragique, craignent que la participation extérieure ne soit insuffisante. Il nous faut réconcilier ces deux points de vue.

Nous sommes convaincus, à l’instar de la Commission, que devant des pertes de vie sur une grande échelle ou un nettoyage ethnique, la communauté internationale a la responsabilité morale de protéger les plus vulnérables. L’objectif primordial doit être de prévenir la souffrance humaine et d’y mettre fin.

Aucune entité n’est mieux placée que le Conseil de sécurité de l’ONU pour autoriser un engagement politique ou une action militaire dans le but de protéger des innocents. Mais les États membres du Conseil ont parfois laissé tomber les innocents. Les échecs passés doivent nous inciter à mieux nous préparer en vue de futures crises. Nous pouvons réussir la réforme du fonctionnement de l’ONU. Nous pouvons en améliorer l’efficacité, en accroître l’utilité et inspirer ses participants.

Avant de terminer, j’aimerais dire quelques mots sur certains des défis auxquels nous sommes tous confrontés sur le plan de la paix et de la sécurité.

En Afghanistan, nous avons accompli un travail considérable, mais il est loin d’être terminé. Pour sa part, le Canada participe à la guerre contre le terrorisme depuis le début. Notre pays est celui qui apporte la contribution militaire la plus importante à la Force internationale d’assistance à la sécurité.

Nous avons promis de consacrer 250 millions de dollars canadiens à l’aide humanitaire et à la reconstruction. Nous restons déterminés à aider le peuple afghan à bâtir une société démocratique et pluraliste.

En Iraq, nous nous sommes joints à l’effort international visant à aider le peuple iraqien. Nous avons décidé d’y affecter 300 millions de dollars canadiens - soit la plus importante contribution que nous ayons jamais destinée à un seul pays. Nous sommes encouragés de voir les membres du Conseil de sécurité explorer les moyens d’élargir le rôle de l’ONU dans la reconstruction et dans le rétablissement de la souveraineté des Iraqiens.

La situation au Moyen-Orient est un sujet de préoccupation pour nous comme pour la communauté internationale tout entière. Les deux parties déplorent les pertes de vies innocentes. Les familles israéliennes et les familles palestiniennes ont peur pour leurs enfants et pour leur avenir. Le terrorisme et la violence, quelle qu’en soit la forme ou quelle que soit la cause, ne font qu’engendrer la violence et coûter la vie à d’autres innocents.

Pour la communauté internationale, comme pour les Israéliens et les Palestiniens, le désespoir n’est pas une option. Notre objectif doit demeurer une solution politique reposant sur l’existence de deux États viables, Israël et la Palestine, à l’intérieur de frontières sûres et reconnues. Nous devons soutenir les efforts palestiniens pour se doter d’un gouvernement moderne, transparent et responsable.

Nous devons également appuyer ceux qui cherchent à promouvoir le dialogue entre Israéliens et Palestiniens dans la recherche de solutions pratiques aux principaux enjeux. Nous avons la responsabilité d’aider ceux qui préparent la paix qui viendra un jour.

Quand le moment sera venu, la communauté internationale devra être en mesure d’assurer une présence internationale robuste qui garantira la sécurité d’Israël et d’un État palestinien. Et nous devons nous y préparer dès maintenant. Nous devrions aussi tirer des leçons de la façon dont la communauté internationale a agi pour faire cesser la violence ailleurs, comme par exemple à Chypre et au Kosovo.

En dépit des tensions régionales, de la guerre contre la terreur et des efforts de reconstruction dans les régions dévastées par de récents conflits, nous devons continuer d’aider les Africains à atteindre leurs objectifs en matière de commerce et d’investissement, de démocratie, de développement humain et de saine gouvernance.

Bref :

La coopération multilatérale demeure indispensable. L’ONU reste au coeur du système multilatéral. De nouveaux défis appellent de nouvelles structures. Et une occasion historique de les mettre en place s’offre à nous.

Il faut la saisir et concrétiser l’idéal qui a présidé à la création de l’Organisation des Nations Unies. L’idéal selon lequel les nations peuvent s’unir pour sauver les peuples du fléau de la guerre.

Puissent les générations à venir dire de nous que nous n’avons pas manqué à ces idéaux. Que nous avons réalisé le potentiel de l’institution admirable qu’est l’Organisation des Nations Unies. Que nous l’avons soutenue, renouvelée et revitalisée pour mieux servir l’humanité.

Merci beaucoup.

Source : services du Premier ministre du Canada