« L’héritage de la chute du faucon noir »
The Legacy of Black Hawk Down
New York Times (États-Unis)
[AUTEUR] Kenneth L. Cain, qui a été un responsable de la défense des Droits de l’homme à l’ONU en Somalie, au Rwanda, à Haïti et au Libéria dans les années 90, est coauteur d’un livre à paraître sur les missions de maintien de la paix.
[RESUME] J’étais à Mogadishio en Somalie, le 3 octobre 1993, travaillant dans la division judiciaire de l’ONU quand un hélicoptère Black Hawk a été abattu par les milices du général Aidid. Six jours avant cela, j’avais échappé à des tirs de ces milices, alors que je discutais avec des juges somaliens afin de reconstituer le système judiciaire. Ce n’est que le 4 octobre que j’avais appris par CNN ce qui s’était passé.
À l’époque j’étais jeune et plein d’espoir de voir les États-Unis poussés par l’administration Clinton participer aux missions de maintien de la paix de l’ONU. Malheureusement, les militaires états-uniens ne faisaient pas confiance à l’ONU et la confusion a régné dans différentes instances après la mort des soldats. Les militaires états-uniens ont ainsi décidé de renoncer à attaquer les milices d’Aidid, malgré les demandes contraires des Somaliens avec lesquels je travaillais.
Cela a eu un impact puisque l’une des premières exactions des milices Hutus au Rwanda a été de tuer et de mutiler dix soldats belges de l’ONU d’une manière rappelant les morts de Somalie. Cela a eu pour conséquence le retrait de l’ONU et l’inaction des États-Unis. Une année plus tard, en 1995, 7 000 personnes ont été tuées à Srebrenica, en Bosnie.
Le nouvel activisme sur la scène internationale des États-Unis n’est guidé que par la guerre au terrorisme. Dans des endroits comme le Libéria où peu de troupes américaines suffiraient à sauver des milliers de vies, les États-Unis hésitent à intervenir, hantés par les 18 morts du 3 octobre.
« Gâcher la paix que nous avons faites »
Squandering the peace we made
The Independant (Royaume-Uni)
[AUTEUR] Mikhail Gorbatchev est l’ancien dirigeant de l’URSS, initiateur de la perestroïka et Prix Nobel de la paix en 1990. Cette tribune est adaptée d’un discours prononcé à la conférence de l’International Community Partnership à Appleton dans le Wisconsin.
[RESUME] En mettant fin à la Guerre froide, nous avions la possibilité de mettre fin à la logique de conflit et de développer la confiance et la coopération, mais aujourd’hui ces idées ont besoin d’être reconstruites. L’usage de la force, les tentatives de domination et la résolution des problèmes par des moyens militaires ne sont pas les bonnes réponses pour le XXIème siècle. Au lieu d’éviter les conflits, nous avons vu l’utilisation de forces préventivement.
Les membres du Conseil de sécurité doivent aider à reconstruire l’Irak bien que les États-Unis aient mené la guerre sans mandat de l’ONU. Ce sont les Irakiens qui souffrent aujourd’hui des divisions de la communauté internationale. La guerre en Irak a été fondée sur la supposition que ce pays possédait des armes de destruction massive, pourtant on sait que c’est aux États-Unis que se trouvent la plupart des armes nucléaires et chimiques. Nous ne faisons malheureusement pas assez pour les détruire.
« Les États-Unis ont un intérêt dans le succès de l’Europe »
The U.S. has a stake in Europe’s success
International Herald Tribune (États-Unis)
[AUTEURS] Philip H. Gordon est chercheur à la Brookings Institution à Washington. Il est ancien directeur des affaires européennes du National Security Council et consultant à la Rand Corporation. James B. Steinberg est vice-président et directeur des études de politiques internationales à la Brookings Institution.
[RESUME] Samedi, les quinze membres de l’Union européenne et les dix nouveaux arrivants se rencontreront pour discuter ensemble de l’avenir de l’Union. Si tout se déroule bien, les pays membres adopteront une constitution, créeront le nouveau poste de président et de ministre des Affaires étrangères de l’Europe et étendront les pouvoirs de l’Union aux lois pénales et à l’immigration.
Les États-Unis portent peu d’attention à cette question, mais ils le devraient et autrement qu’avec l’hostilité affichée par l’administration Bush. En effet, les États-Unis portent un regard sceptique sur la construction européenne et préfèrent donc s’adresser aux différents pays membres dans le cadre de relations bilatérales et continuer à ignorer l’union. Il faut pourtant que Washington comprenne que cette constitution européenne ne va pas créer les États-Unis d’Europe. Elle va simplement rendre l’Union européenne plus cohérente, ce qui est dans l’intérêt des États-Unis. En effet, il faut que l’Europe devienne un meilleur partenaire qui pourra aider les États-Unis à régler les problèmes globaux par l’augmentation des dépenses militaires européennes et des décisions de politiques étrangères plus rapides.
Il n’y a pas de raisons que cette union soit dominé par l’axe franco-allemand alors que dix nouveaux États atlantistes vont en devenir membres. George W. Bush doit cesser de se concentrer sur les intérêts à court terme et revenir à la politique états-unienne traditionnelle de soutien à l’intégration européenne pour stabiliser la région.
« Ce que je n’ai pas trouvé en Afrique »
What I Didn’t Find in Africa
New York Times (États-Unis)
[AUTEUR] Joseph C. Wilson a été chef de mission adjoint à l’ambassade états-unienne à Bagdad (1988-1991). Il a été ambassadeur au Gabon (1992-1995) puis ambassadeur en titre pendant l’opération Desert Shield avant de devenir directeur aux affaires africaines du National Security Council (1997-1998). Il est membre du Middle East Institute à Washington.
[CONTEXTE] Joseph C. Wilson a eu pour mission de vérifier la véracité des exportations d’uranium du Niger vers l’Irak et avait conclu qu’aucun élément ne prouvait les affirmations de l’administration Bush. Cette tribune, originellement publiée le 6 juillet 2003 par le New York Times a suscité la révélation par l’éditorialiste du Chicago-Sun et de CNN, Robert Novak de l’appartenance à la CIA de Valerie Plame, épouse de l’ambassadeur Wilson. Cet « outing » est aujourd’hui au centre d’un imbroglio politco-judiciare mettant en cause Karl Rove, secrétaire général de la Maison-Blanche.
[RESUME] Mon expérience avec l’administration Bush lors des derniers mois me laisse penser qu’il y a eu des exagérations dans le dossier concernant la menace irakienne afin de justifier l’invasion du pays.
En raison de mes états de service en Afrique, il m’a été demandé d’effectuer une vérification des informations sur les liens éventuels de l’Afrique dans les programmes d’armements non-conventionnels irakiens. À la demande de la CIA, je me suis donc rendu au Niger, en février 2002, afin d’enquêter sur une possible exportation d’uranium vers l’Irak à la fin des années 90. À Niamey, l’ambassadrice des États-Unis m’a expliqué qu’elle surveillait les exportations d’uranium, mais qu’elle n’avait rien remarqué. Toutefois, comme les transactions étaient censées avoir eu lieu avant sa prise de fonction, je passais les huit jours suivants à rencontrer des douzaines de dirigeants anciens et actuels du Niger. Je n’ai pas tardé à douter de l’existence de ces transactions. Un tel transfert aurait dû en effet se faire avec l’accord des Français, des Espagnols, des Japonais et des Allemands en lien avec les Nigériens dans le consortium et aurait dû échapper à la vigilance de l’International Atomic Energy Agency.
En septembre 2002, un rapport britannique affirma que Saddam Hussein était une menace et tentait d’importer de l’uranium d’Afrique. Ce rapport fut repris par le président Bush en janvier et je décidais donc de rappeler mes conclusions sur le Niger. Il me fut répondu que le président faisait sans doute allusion à un autre pays exportateur d’uranium comme le Gabon, la Namibie ou l’Afrique du Sud. Je me contentais de l’explication, ignorant qu’un rapport du département d’État de décembre présentait le Niger comme l’exportateur d’uranium.
Avant la guerre, j’étais convaincu que la menace d’armes de destruction massive dans les mains de Saddam Hussein nécessitait une réponse vigoureuse de la communauté internationale. Toutefois, la guerre ne doit être que le dernier recours pour une démocratie, en cas de grave menace. Nous devons donc savoir si les 200 soldats états-uniens morts en Irak ont été sacrifiés sans raisons.
« Choisir un modèle pour l’Irak »
Choosing a template for Iraq
International Herald Tribune (États-Unis)
[AUTEUR] Stanley A. Weiss est fondateur et président de Business Executives for National Security Il est également membre du Rand’s Center for Middle East Public Policy et du Council on Foreign Relations. Il est ancien président d’American Premier, une entreprise minière et chimique américaine.
[RESUME] Débarrassé du joug de Saddam Hussein, les Irakiens doivent désormais apprendre à vivre ensemble en dépit du caractère multiethnique de leur pays. C’est ce à quoi s’emploie le comité constitutionnel. Il n’y a pas de recette miracle. De leur choix dépendra leur succès en tant que démocratie pluraliste (comme en Suisse) ou un bain de sang (comme en Bosnie).
Aujourd’hui, c’est le partage du pouvoir entre communautés qui est pressenti en Irak, mais un tel système n’a pas empêché la scission de Chypre. Échouer à assurer les droits politiques, économiques et culturels des minorités est le plus sûr moyen pour un gouvernement d’attiser les tentations sécessionnistes, comme ce fut le cas en Yougoslavie, en Éthiopie ou au Timor Oriental. Si de son côté, la Russie a conservé la Tchétchénie, c’est uniquement en la détruisant. A l’opposé, au Québec, au pays de Galles, en Écosse et au Pays basque espagnol, les mouvements séparatistes ont été affaiblis par l’octroi d’une large autonomie.
Lors de notre rencontre, le porte-parole d’Amhed Chalabi m’a affirmé que, pour lui, la seule solution était une imitation du modèle allemand des länders avec un contrôle des ressources pétrolières par un pouvoir central chargé de la redistribution équitable entre les collectivités.
L’absence d’acte de répression des chiites après l’assassinat de l’ayatollah Bakar al-Hakim par, sans doute, des baasistes sunnites laisse espérer que c’est le compromis qui prévaudra.
« Le fils est puni par la loi de son père »
The Laws of the Father Are Visited Upon the Son
Los Angeles Times (États-Unis)
[AUTEUR] Philip Agee est ancien agent de la CIA (1957-1969). En 1975, il publia Inside the Company : CIA Diary dans lequel il décrivait l’action de la CIA en Amérique latine et révélait l’identité de très nombreux officiers de l’agence. Il continue de publier des études sur les activités des services secrets états-uniens en Amérique Latine. Le Réseau Voltaire a diffusé le mois dernier son étude sur les activités des États-Unis à Cuba : « Les États-Unis en guerre de basse intensité contre Cuba ».
[RESUME] Le brouhaha actuel sur la révélation de l’identité d’un agent de la CIA me paraît extrêmement comique. En effet, la loi qui condamne une telle révélation a été voulue par George Herbert Walker Bush pour me faire taire et menace aujourd’hui Rove, ou la personne qui a révélé l’identité de l’officier.
Après avoir passé onze ans comme agent de la CIA en Amérique latine, j’ai démissionné en 1969 et j’ai commencé, avec d’autres, à expliquer quel avait été mon travail et les actions de la CIA. Mes révélations avaient pour but de dénoncer le soutien de l’agence aux dictatures du Vietnam, de Grèce, du Chili, d’Argentine, d’Uruguay ou du Brésil. Pour nous faire taire, Bush père a tout imaginé. Il a fait adopter l’Intelligence Identities Protection Act quand il était directeur de la CIA, puis vice-président. Pour justifier cette restriction au premier amendement, son entourage a affirmé que c’était mes révélations qui avaient entraîné l’assassinat de Richard Welsh, le responsable de l’agence à Athènes, alors même que je ne le connaissais pas et que je n’avais rien révélé sur lui. La campagne de Bush fonctionna si bien que je fus expulsé de cinq pays de l’OTAN en étant présenté comme un traître.
Aujourd’hui le fils de Bush mène une politique néo-impérialiste pour contrôler le pétrole du Moyen-Orient et a suscité des révélations sur la femme de Joseph C. Wilson afin de le discréditer. Je me demande ce que son père en pense.
Nous avions raison de révéler les actions de la CIA dans les années 70 et aujourd’hui encore, ses activités devraient être plus exposées, comme son action au Venezuela contre Hugo Chavez notamment. L’administration Bush pour sa part utilise ces informations pour conserver le soutien de l’opinion à une guerre indéfendable.
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