Monsieur le Président,
Messieurs les ministres,
Messieurs les représentants des cultes,
Messieurs les ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi de vous souhaiter à toutes et à tous la bienvenue et de vous dire ma joie d’accueillir au Palais de l’Elysée les personnalités participant à ce premier colloque organisé par l’Institut Européen en Sciences des Religions, dont la création répond à la nécessité de mieux analyser et saisir l’évolution du fait religieux et ses rapports avec nos sociétés.

Organiser une manifestation sur un thème aussi important que " l’histoire et l’actualité des rapports entre la religion et la politique en Asie " requiert une préparation considérable. L’engagement personnel de Monsieur Régis DEBRAY, sa réflexion sur les sujets traités, ont permis de parvenir à une rencontre de qualité. Je souhaite, en votre nom à tous, le féliciter et le remercier chaleureusement, ainsi que toutes celles et tous ceux qui ont travaillé avec lui.

Prendre la mesure d’une réalité aussi complexe et sensible suppose d’entendre les meilleurs experts, venus de différents continents et de différentes sensibilités. Parmi tant de hautes personnalités qui nous font l’honneur de leur présence, je suis particulièrement heureux de saluer M. Abdurrahman WAHID, ancien président de la République d’Indonésie, Mgr JIN Luxian, évêque de Shanghai et M. J.M. LYNGDOH, président de la Commission électorale de l’Inde, qui ont accepté d’apporter leur éminent concours. Qu’ils en soient chaleureusement remerciés.

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Par la recherche d’absolu qu’elle véhicule, la spiritualité est à l’origine de certaines des plus belles réalisations humaines. Sur tous les continents, dans toutes les civilisations, c’est à cette quête que l’on doit beaucoup des créations artistiques, architecturales ou littéraires parmi les plus fortes et les plus marquantes.

Par sa réflexion sur l’humanité et la nature, par la désignation du lien entre l’homme et les autres espèces vivantes, par le sens de la solidarité de la famille humaine à travers l’espace et le temps qu’elle nous a donnés, la religion a joué le rôle de pédagogue de la morale. Dans l’histoire judéo-chrétienne, qui est celle de l’occident, elle a progressivement imposé les commandements fondamentaux qui forment l’armature de nos lois, tels que la prohibition du meurtre et du vol ou le respect du caractère sacré de la personne humaine. Elle a diffusé dans les sociétés européennes les idéaux d’amour, d’altruisme et de charité.

Aujourd’hui, l’avenir de l’humanité dépend en grande partie de l’usage qu’elle fera des progrès des biotechnologies et de son aptitude à maîtriser les dommages infligés à l’environnement. Le questionnement éthique, qui constitue l’un des piliers de toute religion, s’impose avec une force renouvelée.

Voilà pourquoi, la France, comme toutes les nations européennes, est fière de ses racines religieuses, de même qu’elle est consciente des apports du fait religieux dans nos sociétés. Pays où coexistent désormais plusieurs religions, la France assume sereinement cette diversité grâce au principe républicain de laïcité. Elle y est profondément attachée, parce qu’elle y voit une condition de la liberté, de l’égalité et de la fraternité.

La laïcité, la séparation de l’Église et de l’Etat, c’est en effet aussi le respect des croyances de chacun. C’est l’affirmation d’un monde où chacun est libre de vivre sa foi dans le secret de son cœur ou bien de ne pas croire. Instruite par les tragédies qui ont marqué son histoire, c’est grâce à l’affirmation du principe de laïcité que la France a établi une paix des esprits et une véritable concorde.

A l’heure de la mondialisation, qui est le temps du brassage des populations, des cultures et des identités, la société française est, comme celle des grands pays industrialisés, confrontée à de nouveaux défis. Le pacte républicain, les principes qui le sous-tendent, sont parfois contestés, au nom de certaines conceptions de la religion ou du communautarisme.

Mais la laïcité, c’est d’abord le respect des croyances de chacun dans l’espace public neutre. C’est l’affirmation d’un monde où chacun est libre de croire et de vivre sa foi comme il l’entend, ou bien de ne pas croire. Instruite par les tragédies qui ont marqué son histoire, la France sait qu’elle doit à ce principe une paix des esprits et une véritable concorde. Elle est convaincue que c’est un choix particulièrement adapté à notre temps.

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Car notre monde est confronté à la violence qui s’exerce parfois au nom de la religion. Ces dérives du fait religieux que sont l’obscurantisme, le fanatisme ou leur déviance violente, le terrorisme, nous les connaissons bien, parce qu’elles sont aussi anciennes que notre histoire. Nous en mesurons les dangers. Nous en découvrons peu à peu la face contemporaine. Elles nous révèlent les maux dont souffrent nos sociétés et trahissent le message des religions qui les a vu naître. Elles appellent une réponse politique où le respect du principe religieux va de pair avec le rejet énergique de toute compromission.

Terre de spiritualité et de coexistence traditionnelle entre les grands courants religieux, les civilisations et les peuples, l’Asie a élaboré ses propres réponses. Mais elle est aussi exposée aux risques du terrorisme, de l’extrémisme et du fanatisme. L’attitude que ce continent adoptera face à cette menace déterminera en grande partie le visage du monde de demain.

Vous le savez, je connais et j’aime l’Asie dont j’admire les civilisations et les cultures. Au fil des ans, j’ai tissé avec ce continent, ses dirigeants et ceux qui représentent ses différentes cultures, des liens personnels auxquels je suis très attaché. J’observe avec intérêt ses progrès politiques, économiques et sociaux, comme sa place croissante dans les échanges mondiaux. Je m’efforce de promouvoir un véritable dialogue entre l’Asie et l’Europe.

Car, je récuse la fatalité d’un choc des civilisations. Au contraire, j’ai fait de la promotion de la tolérance, de la compréhension mutuelle, du respect de l’autre et de la lutte contre le racisme et la xénophobie des priorités de l’action internationale de la France. Ils sont le meilleur antidote à l’affrontement.

Dans un monde plus que jamais à la recherche d’un dialogue entre les civilisations et les cultures, vos travaux sur le rôle des religions sont importants pour l’Asie, comme pour l’Europe. Votre démarche, nous la souhaitons sans tabou ni exclusive. Car la franchise va de pair avec le respect. Vous abordez les questions les plus sensibles, les plus difficiles, les plus intimes, les plus délicates. Vous touchez aux fondements mêmes de l’organisation des sociétés et à la perception des identités.

Nous devons engager et poursuivre ces échanges car nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres. Plus encore, il nous faut établir ensemble les règles de notre vie commune, les règles d’un monde rassemblé autour de valeurs universelles, mais les règles d’un monde respectueux de sa diversité.

Permettez-moi d’émettre aujourd’hui le vœu que vos débats contribuent à approfondir notre réflexion commune.

Mesdames, Messieurs, je vous remercie.

Source : présidence de la République française