Question : Quelles questions figuraient aujourd’hui à l’ordre du jour de vos négociations avec J.Chirac, et, selon vous, y a-t-il eu des changements du point de vue du Président de la France sur le problème irakien ?

Vladimir V. Poutine : Aucun secret. Je parlerai avec assez de détails. J’ai informé le Président de la France des résultats de mes négociations à Rome avec l’Union Européenne.

La France soutient la Russie sur plusieurs pistes de notre coopération. Et il m’importait encore une fois de m’assurer que la position des autorités françaises sur ces problèmes n’ait pas changé.

Puis, nous avons parlé des relations bilatérales dans le domaine de l’économie et de la politique, ainsi que, certes, des problèmes internationaux.

L’un d’eux est l’Irak et la situation au Proche-Orient en général. Nous sommes préoccupés par la situation qui se forme autour de la Syrie. Le Président de la France a son avis là-dessus. Nous avons assez profondément discuté ce problème.

Concernant l’Irak, la position de la France sur problème n’a pas changé. Les avis de la Russie et de la France sur ce problème coïncident.

Question : Selon vous, après vos négociations à Rome, avez-vous su ici à Paris faire avancer la discussion des problèmes économiques, qui apparaîtraient à la lumière du futur élargissement de l’Union Européenne ?

Vladimir V. Poutine : C’était un des sujets principaux au cours des pourparlers à Rome, puisque, selon nous, les limitations qui sont en vigueur dans l’Union Européenne - limitations tarifaires, quotas et ainsi de suite - ne fonctionnent pas aujourd’hui dans dix pays qui se joignent à l’Union Européenne, mais seront automatiquement étendues sur eux.

Nous croyons que cela provoquera la réduction de nos exportations vers ces pays et, partant, nuira aux liaisons économiques avec les PECO. Nous l’avons montré, chiffres en main. Je dois dire que les experts de l’UE ne sont pas tombés d’accord avec nous, mais ont compris notre préoccupation. Nous nous sommes entendus de tenir sous peu au niveau des experts des rencontres nécessaires et de calculer, comme on dit, crayon en main, les pertes éventuelles.

Si cela est confirmé, si notre avis est correct, nos collègues européens sont tombés d’accord qu’il faudrait réfléchir ensemble à ce sujet, chercher une issue de cette situation.

Question : Hier, Monsieur R.Prodi a dit que le but commun était l’adhésion de la Russie à l’O.M.C. l’an prochain. Est-ce que cela signifie vraiment du progrès dans les négociations sur les problèmes clé, par exemple, le dialogue énergétique, ou était-ce une simple déclaration ?

Vladimir V. Poutine : Ce n’était pas une simple déclaration. Nous croyons que nos collègues européens veulent vraiment obtenir ce résultat. Cependant, nous n’accepterons les conditions que l’on nous propose qu’au cas où elles correspondraient à nos intérêts. Au jour d’aujourd’hui, nous n’avons pas su nous entendre définitivement au cours du processus des négociations avec l’Union Européenne sur les paramètres de l’adhésion de la Russie à l’O.M.C. Mais la discussion à ce propos a été très ciblée et, je dirais même, assez dure des deux parts.

Je pense qu’elle a été très positive. Nous ne nous sommes pas entendus définitivement sur le règlement du problème, mais nous avons senti que nous avions été entendus, que nos préoccupations étaient comprises. Qui plus est, la réaction a été assez positive.

Nous nous sommes entendus avec monsieur R.Prodi qu’il viendrait bientôt à Moscou, et que nous poursuivrions ces discussions.

Question : La Commission Européenne a aujourd’hui exprimé son désaccord des réflexions d’hier de Monsieur S.Berlusconi sur l’existence des doutes à propos de la Tchétchénie et de l’affaire YOUKOS. Que direz-vous à ceux qui exprime encore leur préoccupation de ces deux problèmes ?

Vladimir V. Poutine : J’ai déjà tout dit hier à la conférence de presse. Je crois que cela n’a pas de sens de répéter dix fois la même chose. Ce serait une perte de temps. Concernant l’affaire YOUKOS, j’en ai parlé hier avec assez de détails.

A propos de la Tchétchénie, je peux vous dire qu’il me semble que les préoccupations énoncées actuellement le sont par inertie et absolument sans fondement. Si, dans d’autres régions du monde, on progressait de la même manière qu’en Tchétchénie, nous pourrions vivre avec bien plus de tranquillité que ce n’est le cas aujourd’hui. Nous menons un processus de négociations avec toutes les forces politiques en Tchétchénie. Je veux souligner : avec toutes, sauf les terroristes.

Question : Est-ce que l’Europe comprend mieux ce que fait la Russie en Tchétchénie et dans l’affaire YOUKOS ?

Vladimir V. Poutine : Je pense qui oui. Nous en avons parlé assez en détail, expliqué tout ce qui se passe. Ceux qui voulaient entendre et comprendre, ont entendu et compris.

Et ceux qui ne le veulent pas - il est inutile de leur parler. Mais en Europe, nous n’avons toujours pas vu ceux qui ne voulaient pas comprendre. Nous croyons que le dialogue avance dans une clé assez positive et compréhensible pour les deux parties.

Qui plus est, nous nous devons d’expliquer à nos collègues les réalités des événements qui se passent.

Question : Vladimir Vladimirovitch, il semble que cette fois, la pression à propos du Protocole de Kyoto n’ait pas été trop forte.

Vladimir V. Poutine : Non, ce n’est pas tout à fait vrai. C’est que - je ne vais rien y cacher - nos experts craignent que la ratification du Protocole de Kyoto puisse provoquer des problèmes connus, limitant économiquement la croissance de la Russie.

Si, parallèlement, nous sommes sous pression excessive aux pourparlers sur l’adhésion de la Russie à l’O.M.C., en particulier dans le domaine du dialogue énergétique, si les avantages naturels de la Russie du fait de la présence chez elle des sources de l’énergie sont limités, alors, bien sûr, nous sommes comme qui dirait pressés des deux parts.

De cette politique, de cette approche des intérêts de la Russie, certes, nous ne pouvons pas convenir. Voilà ce qui a été dit directement, et j’ai eu l’impression que nos collègues européens le comprenaient. Ils ont compris nos préoccupations.

Question : Concernant la facilitation des formalités de visas, on a signé trois accords bilatéraux : avec l’Allemagne, l’Italie et aujourd’hui, avec la France. Pourquoi la Commission Européenne agit tant bien que mal dans ce problème ? Cela veut-il dire que nous allons maintenant nous entendre avec tout le monde dans l’ordre bilatéral, ou, tout de même, aura-t-on avec l’Union Européenne un dialogue concernant les visas ?

Vladimir V. Poutine : Vous savez, les fonctionnaires agissent partout tant bien que mal. Les fonctionnaires sont les fonctionnaires. Il n’y a rien d’étonnant à cela. Les fonctionnaires ne sont ni meilleurs ni pires, tant internationaux que nationaux. Ils travaillent pour leur salaire, pas pour l’intérêt sur le bénéfice qui n’existe pas. Donc, il n’y a rien d’étonnant à cela.

Mais il n’y a rien d’autre non plus. C’est ce dont je suis absolument persuadé. Cela, en ce qui concerne la Commission Européenne et certains pays de l’Union Européenne. Ils ne désirent pas faire passer Russie au-delà des cadres de l’Europe. Nous devons rester sur le sol de la vie réelle. Les réalités sont les réalités.

Nous comprenons les processus qui se passent en Europe. Nous soutenons, à propos, les processus d’intégration en Europe et voulons que l’Europe devienne un centre autonome fort dans le monde.

Naturellement, nous ne sommes pas sans nous inquiéter de ce qu’au cours de cette union, on puisse nuire aux relations de la Russie avec les pays européens. Nous cherchons les possibilités les plus diverses pour résoudre ces problèmes. Le problème de visas est un de ces problèmes aigus qui concernent des millions de gens.

Il faut faire des pas suivis logiquement. Il faut comprendre, où nous allons, avoir des projets appropriés et aujourd’hui, faire tout ce qu’on doit faire aujourd’hui. Aujourd’hui, sur la base bilatérale, on peut résoudre, sans faire traîner, les problèmes pour les jeunes, pour le business, pour la politique, pour les autres catégories des citoyens.

Si l’on peut le faire aujourd’hui sur la base bilatérale, il faudra le faire aujourd’hui. Et nous sommes très reconnaissants à nos collègues de l’Allemagne, de la France, de l’Italie. Il existe des initiatives venant des autres pays, qui sont prêts à faire ces pas positifs. Nous suivrons aujourd’hui cette voie. Et, parallèlement, nous allons parlementer avec l’Union Européenne sur l’adhésion à part entière de la Russie dans la zone sans visas.