Le ministre de la Défense israélien, Shaul Mofaz, a tenu des propos particulièrement menaçants à l’encontre de la Syrie et du Liban. En effet, selon le communiqué publié vendredi 14 novembre 2003 par l’armée israélienne, « la population du Liban pourrait devenir la première victime de la catastrophe que nous promet Nasrallah. » C’est en raison de la proximité des gouvernements syriens et libanais que pourrait donc être frappées les populations libanaises, puisque « le gouvernement syrien portera l’entière responsabilité d’une escalade sur la frontière nord » d’Israël.
Ces menaces sont prises au sérieux par les autorités libanaises puisque, le même jour, l’armée israélienne a rendu publiques les importantes manœuvres auxquelles elle s’est livrée durant toute la semaine près de sa frontière avec le Liban et la ligne de cessez-le-feu avec la Syrie. Des centaines de fantassins, des chars, des hélicoptères et des avions de combat y ont participé.
D’après L’Orient Le Jour, « cet exercice d’habitude routinier ne peut - et ne doit -, cette fois, être compris que comme un avertissement à la Syrie, au Liban et, surtout, au Hezbollah, avec lequel Israël vit depuis quelques semaines un je-t’aime-moi-non-plus dangereux, meurtrier ; avec lequel Israël joue un sacré coup de poker dont l’enjeu est la réussite du processus de l’échange de prisonniers. Aux conditions drastiques - la libération de Samir Kantar - qu’impose depuis quelques jours le parti intégriste, conscient du crédit énorme que ce succès éventuel pourrait apporter à un homme, Hassan Nasrallah ».
La libération de Samir Kantar, véritable héros au Liban pour une opération menée à Nahariya en 1979, qui avait causé la mort d’au moins de deux hauts responsables militaires israéliens et de deux civils, est devenue depuis quelques jours le principal point d’achoppement des négociations entre Israël et le Hezbollah. L’organisation armée, dirigée par le cheikh Hassan Nasrallah, exige en effet depuis de longs mois sa libération, qui vient d’être refusée, le 9 novembre 2003, par le gouvernement d’Ariel Sharon. En conséquence, le cheikh Nasrallah a suspendu tout échange de prisonniers, en attendant qu’Israël cède sur ce point jusqu’ici acquis.
Les interprétations divergent néanmoins sur ce point. D’après le cheikh Nasrallah, le projet d’accord, élaboré il y a plusieurs mois, prévoit, sans les nommer, la libération de tous les prisonniers libanais. Mais une résolution votée en Conseil des ministres à l’initiative de Benyamin Netanyahu, dimanche 9 novembre, aurait eu pour conséquence d’empêcher la libération de tout détenu ayant « du sang sur les mains ». L’Orient Le Jour n’exclut pas pour autant que le Hezbollah ait eu « l’intention, téléguidé par Damas et par Téhéran, et avec le suivisme désormais légendaire de Beyrouth, d’allumer le feu et de faire mal de l’autre côté de la ligne bleue. ». Une hypothèse envisageable, d’autant que le Hezbollah a multiplié les heurts avec Israël le long de la frontière libanaise, ces dernières semaines.
Les menaces de Shaul Mofaz se sont elles multipliées, avec l’évocation, dimanche 9 novembre, de sa proposition d’enlèvement d’Hassan Nasrallah, lorsqu’il était chef d’état-major, afin d’obtenir du leader du Hezbollah des informations sur le pilote israélien Ron Arad. Mofaz avait également évoqué les « méthodes plus originales » qui seraient désormais utilisées pour obtenir des informations sur le pilote israélien, capturé en 1986 au Liban-Sud et dont l’État hébreu n’a plus aucune nouvelle.
D’après des « sources diplomatiques bien informées », citées par L’Orient Le Jour, « le sérieux de la menace israélienne a été confirmé par des informations recueillies auprès d’instances internationales (dont l’Onu), qui assurent que les États-Unis "ne condamneront pas Israël en cas d’attaque contre le Liban et la Syrie" ».
Le coordinateur général pour l’opération de paix au Proche-Orient, Terjé Rœd-Larsen, doit présenter, mardi 18 novembre 2003, à l’ONU, son rapport mensuel sur les derniers développements régionaux, notamment au Liban, dans lequel il devrait présenter de sérieuses informations sur la situation à la frontière avec Israël.
Dimanche 16 novembre, seize chasseurs-bombardiers israéliens ont provoqué des doubles bangs supersoniques en survolant le Liban, ce qui constitue une violation de l’espace aérien libanais. Les batteries antiaériennes du Hezbollah ne sont pas entrées en action.
Le même jour, le chef d’état-major israélien, Moshe Ya’alon a menacé la Syrie de nouvelles attaques israéliennes, pour son soutien aux organisations terroristes palestiniennes et au Hezbollah. Se référant au précédent bombardement survenu en octobre 2003, Moshe Ya’alon a déclaré que « si la Syrie continue d’ignorer le message qu’Israël lui a envoyé, il sera peut-être nécessaire de lui envoyer des messages supplémentaires », au cours d’une conférence au Centre Dayan de l’Université de Tel Aviv.

Source
Ha&8217;aretz (Israel)
Quotidien de référence de la gauche intellectuelle israélienne. Propriété de la famille Schocken. Diffusé à 75 000 exemplaires.
L&8217;Orient Le Jour (Liban)

« Éclairage - Le gouvernement israélien a accepté l’échange de prisonniers en excluant la libération de Samir Kantar », L’Orient Le Jour, 10 novembre 2003. « Analyse - L’état-major israélien met en garde Beyrouth et Damas », par Ziyad Makhoul, L’Orient Le Jour, 15 novembre 2003. « Ya’alon : We might attack Syria again », par Amos Harel, Ha’aretz, 17 novembre 2003.