Le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, a transmis à l’Assemblée générale son premier rapport sur la « barrière » construite par Israël dans le territoire palestinien occupé. On se souvient en effet que les Etats-Unis avaient opposé leur veto à une résolution du Conseil de sécurité condamnant cette « barrière », mais qu’ils n’avaient pu faire échec à une résolution similaire adoptée le 21 octobre 2003 par l’Assemblée générale. Celle-ci intimait à Israël l’ordre de cesser la construction en cours et de démanteler les ensembles déjà construits, elle enjoignait les parties en conflit de mettre en oeuvre la « Feuille de route », et demandait au secrétaire général de présenter un rapport sous un mois.

L’ouvrage en construction est appelé « mur de séparation » par les Palestiniens et « clôture de sécurité » par les Israéliens. Au sens du pacte Briand-Kellog et au regard de l’article 2 de la Charte des Nations unies, le rapporteur spécial de la Commission des Droits de l’Homme, John Dugard, l’a qualifié de « mur de conquête » (Consuler le rapport sur notre site). Cependant, dans un souci diplomatique, le secrétaire général le désigne sous le terme neutre de « barrière ».

Le constat établi par le secrétaire général observe que la « barrière » est construite à proximité de la ligne de cessez-le-feu de 1949, dite « Ligne verte », mais qu’en plusieurs endroits elle s’en éloigne de plus de 7,5 kilomètres pour intégrer des colonies en encerclant des agglomérations palestiniennes. Si les travaux devaient être totalement exécutés selon le tracé projeté, la « barrière » s’écartera jusqu’à 22 kilomètres de la Ligne verte. En définitive, la « barrière » annexera une zone de 975 kilomètres carrés (soit 16,6 % de la Cisjordanie) où vivent légalement 237 000 Palestiniens et illégalement 320 000 colons. En outre la « barrière » isole des agglomérations palestiniennes où seront enclavés 160 000 autres Palestiniens.

Certaines de ces enclaves, dites « zones fermées », sont régies par des ordonnances des Forces de défense israéliennes. Si les Israéliens peuvent circuler et résider librement dans ces territoires palestiniens, les Palestiniens doivent disposer d’un nouveau permis de résident pour pouvoir s’y maintenir. À ce jour, la plupart des Palestiniens concernés ont obtenu de tels permis, mais uniquement pour des périodes limitées de un, trois ou six mois. Ces zones fermées ne sont ouvertes pour la circulation des palestiniens que trois fois quinze minutes par jour. Il n’est pas possible pour eux dans ces conditions de sortir de l’agglomération pour exploiter leurs terres. En vertu des ordonnances militaires ou par application de lois héritées de l’empire ottoman, leurs terres peuvent alors leur être confisquées parce que non cultivées. Ils se verront alors supprimer leurs permis de résidents et seront expulsés.

Selon l’ONU, le mur devrait réduire de 45 % la production agricole de Cisjordanie

En Cisjordanie, la « barrière » passe au milieu des terres les plus fertiles. Pour les besoins de la construction, elles ont été réquisitionnées, les cultures détruites et des dizaines de milliers d’arbres arrachés. En définitive, l’ouvrage devrait réduire de 45 % la production agricole de Cisjordanie et accroît d’ores et déjà l’insécurité alimentaire. 25 000 nouvelles personnes ont été prises en charge par le Programme alimentaire mondial pour les sauver de la famine (Voir à ce sujet le Rapport Ziegler sur le droit à l’alimentation dans les Territoires palestiniens occupés).

Au vu de ces éléments, le secrétaire général conclut son rapport en observant qu’Israël ne se conforme pas à la demande de l’Assemblée générale. Bien que la barrière ait été décrite comme une mesure temporaire, l’ampleur des travaux et la superficie des terres réquisitionnées comportent des conséquences pour l’avenir, poursuit-il. Elle rend « plus difficile la création d’un État palestinien indépendant, viable et continu, et accroît les souffrances du peuple palestinien ».

Répondant à ce rapport, le gouvernement Sharon a indiqué, qu’à son point de vue, le préjudice causé était proportionnel aux besoins d’Israël pour mettre fin aux attaques-suicide. Selon lui, la IVe Convention de Genève ne s’applique pas aux territoires palestiniens car ceux-ci n’ont jamais été reconnus comme souverains, la Ligne verte n’a jamais été confirmée par les résolutions de l’ONU, Quand aux Pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques, sociaux et culturels, ils ne s’appliquent qu’aux citoyens vis-à-vis de leur propre gouvernement en temps de paix. Le gouvernement Sharon affirme donc, contre l’avis de l’Assemblée générale et du secrétaire général, respecter le droit international.

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Les documents de référence sont disponibles sur notre site :
 Rapport du rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme, John Dugard, sur la situation des droits de l’homme dans les territoires occupés par Israël, 8 septembre 2003.
 Rapport du rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme, Jean Ziegler, sur le droit à l’alimentation dans les territoires occupés par Israël, 8 octobre 2003.
 Compte-rendu de la réunion du Conseil de sécurité relative au mur israélien, 14 octobre 2003.
 Projet de résolution relatif au mur israélien rejeté par le Conseil de sécurité, 14 octobre 2003.
 Résolution de l’Assemblée générale de l’ONU à propos du mur israélien, 21 octobre 2003.
 Rapport du secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, sur les mesures illégales prises par Israël à Jérusalem-Est occupée et dans le reste du territoire palestinien occupé, 24 novembre 2003.