La Turquie occupe une position unique dans la communauté européenne des nations. Mon pays est en effet le seul membre de l’OTAN qui soit candidat à l’adhésion à l’UE tout en étant membre de l’Organisation de la conférence islamique. Notre modèle démocratique séculaire est un défi à ce que l’on nomme le choc des civilisations.

La majorité écrasante de la population turque est de confession musulmane. Mais nous sommes étroitement imbriqués dans le tissu politique, économique et culturel de l’Europe occidentale. Mon pays a toujours fait partie de l’Europe sur les plans historique, géographique, politique et économique, et il continuera de le faire. C’est en tant que membre de l’Union européenne que la Turquie envisage son avenir. Nous partageons avec l’Union son système de valeurs. La société turque fait déjà partie intégrante du monde moderne et contribue à ses valeurs et à son fonctionnement.

Nous tenons à prouver et à confirmer qu’une société musulmane peut être démocratique, ouverte, transparente, pluraliste et contemporaine - en un mot européenne - tout en préservant son identité.

L’adhésion de la Turquie à l’UE empêchera l’apparition de nouvelles lignes de démarcation en Europe. Elle ancrera profondément la démocratie turque dans les normes européennes.

Cette adhésion procurera à l’UE des gains stratégiques indispensables pour son architecture de sécurité et son influence économique. Elle sera mieux à même de garantir la paix, la sécurité et la stabilité dans les zones toujours fragiles des Balkans et de la Méditerranée orientale, au Moyen-Orient, dans le Caucase et l’Asie centrale. Par sa politique étrangère et de sécurité multirégionale et multidimensionnelle, la Turquie contribuera à renforcer le rôle de l’UE sur la scène internationale, ce qui permettra l’exercice des relations transatlantiques.

Les élections de novembre dernier ont vu la victoire écrasante de mon parti. La politique du Parti Justice et Développement concernant l’intégration de la Turquie dans l’UE a été des plus limpides. Nous nous sommes engagés sans partage vis-à-vis de notre peuple et de l’opinion publique européenne à accélérer les réformes et leur mise en œuvre, ce que nous faisons donc avec détermination, constance et vigueur.

L’UE a tenu son sommet à Copenhague en décembre 2002, peu après l’accession au pouvoir de mon parti. Le Conseil européen de Copenhague a pris la décision suivante : " Si, en décembre 2004, le Conseil européen décide, sur la base d’un rapport et d’une recommandation de la Commission, que la Turquie satisfait aux critères politiques de Copenhague, l’Union européenne ouvrira sans délai des négociations d’adhésion avec ce pays. "

Mon gouvernement est pleinement conscient de ses responsabilités et obligations, des défis qu’elles représentent et des chances qui s’offrent à lui. Nous acceptons bien volontiers d’assumer cette tâche.

Les réformes politiques continuent d’occuper une place de choix dans notre ordre du jour. La priorité de notre gouvernement est de développer et d’approfondir la démocratie en Turquie. Nous nous sommes fixé deux objectifs majeurs à cet égard : premièrement, appliquer pleinement et de façon appropriée les dispositions juridiques existantes ; deuxièmement, prendre des mesures supplémentaires pour garantir un alignement total sur les critères politiques de Copenhague. J’espère que le sérieux de nos démarches engendrera des réactions positives de la part de l’Union et que les négociations d’adhésion s’ouvriront début 2005.

La paix et la stabilité apportées par les relations transatlantiques à l’Europe pendant la Guerre froide sont devenues encore plus importantes dans l’environnement sécuritaire incertain et instable de l’après-Guerre froide. C’est pourquoi nous pensons que la sécurité de l’Europe est indivisible et que les liens transatlantiques demeurent son pilier essentiel. Lorsque nous nous efforçons de contrecarrer ces risques et menaces qui pèsent sur notre sécurité et nos valeurs communes, nous devons éviter les doubles emplois. La Turquie soutient depuis le début les initiatives destinées à développer la sécurité et la défense européennes. L’offre significative que nous avons faite en novembre 2000, pendant la conférence d’engagement de capacités, de fournir des forces pour l’objectif global vaut toujours. De même, nous suivons de près les travaux menés au sein de l’UE sur l’amélioration des capacités européennes et étudions les possibilités de combler au mieux les déficits capacitaires existants.

Je pense à cet égard, compte tenu notamment de la nouvelle phase d’élargissement, qu’il vaudrait sans doute mieux que toutes les offres de contributions soient examinées dans le cadre du même groupe de forces et selon les mêmes critères.

Bien que d’importants progrès aient été faits grâce au document relatif à la mise en œuvre des décisions de Nice, qui définit le cadre qui nous permettra d’apporter des contributions significatives à la PESD, nous estimons qu’il y a toujours des lacunes dans trois domaines.
 Premièrement, les arrangements en vue de la représentation permanente de nos officiers dans les structures militaires de l’UE n’ont pas encore été mis au point de façon satisfaisante.
 Deuxièmement, c’est à titre d’observateurs que nous sommes invités aux réunions de planification internes de l’UE dans le cadre du premier exercice OTAN-UE, alors que d’autres alliés européens non-membres de l’UE - la Pologne, la Hongrie et la République tchèque - ont droit à la parole lors de ces réunions.
 Enfin, nous attendons la mise en place des arrangements qui nous permettront de contribuer aux démarches de l’UE dans le domaine de l’amélioration des capacités et de participer aux travaux des groupes de projet institués à cette fin.

Nous suivons de près les répercussions de l’initiative prise par quatre pays de l’UE afin de renforcer et d’intensifier la coopération entre les membres de l’Union européenne sur la sécurité et la défense européennes, ainsi que les travaux en cours à la Convention sur l’avenir de l’Europe et les résultats du Conseil informel Affaires générales et relations extérieures tenu à Rhodes et Castellorizo. Nous pensons à cet égard que les implications de ces différentes démarches pour les relations transatlantiques et la sécurité européenne élargie doivent être examinées de près, et que les engagements et obligations dont nous nous sommes acquittés jusqu’ici doivent être compatibles entre eux.

La Turquie attache une grande importance à la préservation des arrangements conclus par l’UE sur la participation des alliés européens non-membres de l’UE à la PESD. Nous pensons qu’ils doivent être maintenus et respectés par la Convention. Nous nous réjouirions d’avoir un échange de vues régulier sur l’avenir de la PESD, conformément au caractère ouvert de cette politique telle qu’elle est définie dans les conclusions de la présidence du Conseil européen de Nice. Nous devrions aussi pouvoir faire entrer les nouveaux domaines d’intérêt commun tels que la planification civile d’urgence, la lutte contre le terrorisme et les projets concrets de collaboration sur les capacités militaires dans le cadre de la coopération stratégique entre l’OTAN et l’UE sur la sécurité européenne. La coopération fructueuse qui existe déjà entre l’OTAN et l’UE dans les Balkans constitue un terrain d’entente amplement suffisant pour une approche concertée dans la région. Les Balkans continueront à cet égard de servir de ballon d’essai.

Il faudra aussi une concertation entre nos partenaires européens, ainsi qu’entre l’OTAN et l’UE, pour reconstruire l’Irak. Nous saluons à ce propos l’adoption par le Conseil de sécurité de la Résolution 1483 sur l’Irak, que nous considérons comme un élément déterminant pour combler le fossé apparu dans les relations transatlantiques.

La mise en place au sein de l’UE d’une agence de développement et d’acquisition de capacités militaires, c’est-à-dire de l’Agence européenne de l’armement, ne peut que favoriser la coopération, et notamment la gestion de programmes en collaboration. La Turquie, qui participe déjà activement à la coopération européenne en matière d’armements et fait partie du Groupe Armement de l’Europe occidentale (GAEO) et de l’Organisation de l’armement de l’Europe occidentale (OAEO), est prête et disposée à s’impliquer également dans les activités de la nouvelle agence.

Nous pensons que toute coopération européenne en matière d’armements doit suivre la composition du GAEO, qui constitue le meilleur cadre puisqu’il regroupe tous les membres de l’UE et les alliés européens de l’OTAN non-membres de l’UE qui contribuent à l’objectif global dans le cadre de la PESD et au processus de développement des capacités de l’OTAN et de l’UE.

Nous saluons la conclusion fructueuse de la première phase du Plan d’action européen sur les capacités (ECAP), qui va maintenant aborder une deuxième phase plus dynamique, mettant l’accent sur la mise en œuvre de projets concrets confiés à des groupes de projet. Nous souhaitons vivement participer à ces travaux par le biais d’accords restant à élaborer, qui nous permettraient de mieux évaluer cette démarche et d’y apporter la contribution idoine.

Ce texte est adapté d’une intervention prononcée devant l’Assemblée parlementaire de l’UEO, le 1er décembre 2003.