Permettez-moi de dire juste un mot à propos du référendum. C’est un thème que je prends très au sérieux. Je ne veux donc pas me contenter de dire que le FDP y attache plus d’importance aujourd’hui que pendant les 29 années qu’il a passées au gouvernement.

Nous nous trouvons face au problème majeur suivant : s’il s’agit de procéder sérieusement à un vote sur l’Europe, il faut alors que l’alternative soit centrée sur l’Europe. En d’autres termes, tant que l’alternative ne sera pas "oui au progrès européen ou sortie de l’Union, et donc un non de principe au projet européen", vous n’échapperez que très difficilement au piège populiste et, par conséquent, à la mise en cause du projet européen.

Avec l’alternative "oui à la constitution ou sortie de l’Union", nous mènerions une tout autre campagne dans un tel référendum et obtiendrions des majorités bien différentes. Je serais tout à fait pour. Mais nous devrions prendre au sérieux l’expérience qu’ont faite les Irlandais avec deux référendums - votre camarade du parti libéral et président du parlement européen Monsieur Cox, que nous apprécions tous beaucoup, nous en a fait part.

Si l’on veut un débat sérieux à propos de l’Europe, il faut focaliser celui-ci sur l’Europe. C’est ainsi que vous parviendrez à réellement mobiliser la population et à obtenir une décision représentative des citoyens et citoyennes sur l’avenir de l’Europe. Tant que cela ne sera pas le cas, vous obtiendrez des majorités aléatoires, avec tous les risques que cela comporte.

Je ne sais pas si c’est ce que l’on souhaite. Je ne veux pas anticiper le débat. Mais nous devrions réfléchir à la question. Nous ne devons pas oublier que l’actuelle conférence intergouvernementale sur la constitution européenne repose sur deux motifs essentiels. Le premier est historique et tient à l’année 1989, la chute du mur, la disparition des fils barbelés, le déclin du Pacte de Varsovie et la dissolution de l’Union soviétique. Il s’agit tout simplement du fait que l’Europe redevient l’Europe dans son intégralité.

Le premier mai prochain sera une date historique. En effet, l’Union européenne accueillera alors dix nouveaux États membres. La plupart d’entre eux se trouvaient autrefois derrière le rideau de fer, derrière le mur et les barbelés. Je considère cet événement comme fondamental. Cette date mérite réellement d’être qualifiée d’"historique".

L’Union de 25 États membres sera plus complexe et demandera de gros efforts quant à la réforme des institutions et des procédures. Nous tentons de faire en sorte que cette Union de 25 États membres ne devienne pas une Union à capacité d’actionrestreinte, mais plutôt un acteur européen fort. À cette fin, nous devons faire preuve de la sensibilité requise, mais également mener à bien une réforme des institutions et des procédures.

Le deuxième motif de la présente conférence intergouvernementale est précisément que Nice n’a rien pu faire dans ce sens.

J’en viens à votre remarque, Monsieur Hintze, à propos du problème du dernier soir. Ce n’était pas le point crucial à Nice. On aurait pu aussi en discuter longtemps auparavant. Le grand problème était qu’avec l’opposition d’un État membre important de l’Union européenne, la double majorité était impossible à obtenir.

Je souscris à ce que vous avez dit sur l’importance de la double majorité. J’en appelle encore une fois à vous tous pour que vous compreniez que l’Union, avec son double caractère d’Union des États et des citoyens, se reflète dans le principe de la double majorité. On peut débattre du fait qu’une majorité de 50 % des États plus un est ou non suffisante. C’est pour moi une juste limite ; ce n’est pas non plus ce qui est soumis à la critique. On peut également discuter pour savoir si une majorité de 60 % de la population suffit ou non. À mon avis, ce sont des débats qui peuvent être menés de façon très pragmatique.

Je le souligne encore une fois : s’en tenir au principe de Nice signifie tout d’abord maintenir un manque de transparence. Un doctorat en droit international public et trois spécialisations en droit européen ne suffiraient même pas pour expliquer la règle majoritaire de Nice de façon à ce que tous la comprennent. Or, les règles majoritaires doivent être comprises. C’est un élément fondamental dans une démocratie, une condition essentielle pour qu’il y ait transparence.

Ensuite, la décision de Nice s’avère très complexe concernant la majorité de la population.

Face à cela, il existe un projet de la convention que je considère juste et équilibré sous tous les aspects. Je ne dis pas cela en qualité de ministre allemand des Affaires étrangères, mais en tant qu’Européen convaincu : le principe de la double majorité n’avantage pas les grands États, au contraire. Le fait que chaque État dispose d’une voix a pour conséquence que dans une Union formée de 19 petits et de six grands États membres, les petits pays ont la majorité. Si l’ont tient compte également du nombre d’habitants pour la double majorité, cela renforcera les États fortement peuplés. On reconnaît là aussi le facteur d’intégration de la double majorité.

C’est très important pour moi, également au niveau de la cohérence. Ce ne sont pas principalement les anciens et les nouveaux États membres qui s’affrontent dans la convention, mais bien les grands et les petits États, dont les intérêts sont différents. Notre Union n’est pas la seule à en faire l’expérience, mais ce fut également le cas il y a 200 ans lors de l’élaboration de la constitution des États-Unis.

Quelques mots à propos des autres points. En ce qui concerne le conseil législatif, je vous transmets simplement le message que l’Allemagne, soutenue quelque peu par le Portugal, était le seul pays à se prononcer en faveur de cette idée. Des représentants du parlement européen étaient dans la salle et ne donnaient pas l’impression que leur mot d’ordre était : le conseil législatif sinon rien - pour caricaturer un peu les choses. Telle est la situation. Au cours des prochains jours ou des prochaines semaines, la présidence fera une autre proposition en fonction des progrès du débat. Nous verrons ce qui va se passer. Rien n’est décidé tant que tout n’est pas décidé. C’est un bon principe pour des négociations européennes.

En ce qui concerne l’évocation de l’héritage du religieux, je ne comprends pas du tout les controverses. Tant le chancelier fédéral que moi-même avons tout essayé, après avoir discuté avec ceux qui pensaient devoir s’engager en faveur d’une formulation allant plus loin. Nous avons toujours dit que la formulation de notre constitution nous convenait parfaitement ; elle répond à la pratique constitutionnelle et englobe les orientations les plus diverses chez nous. Nous devons cependant accepter qu’il existe des États, même ceux possédant une forte tradition chrétienne, dont la constitution prévoit une séparation de l’État et de la religion qui n’est pas pareille à la nôtre. De telles différences font partie intégrante de la réalité européenne. Je n’y vois cependant pas de divergence d’opinion sur le fond. Nous allons tout tenter afin de parvenir à un accord. Dans le concept original se reflétaient la tradition gréco-romaine d’une part, et l’humanisme et la philosophie des Lumières d’autre part. Entre les deux, il y avait un fossé énorme qui est aujourd’hui comblé. Ce fut une tâche laborieuse. Et il existe encore des oppositions contre la formulation choisie. Je veux seulement faire comprendre au parlement et à la population face à quels problèmes nous nous trouvons. En fin de compte, nous devons obtenir un consensus. Le chancelier fédéral le rappelle toujours, à juste titre - ce n’est pas une menace, mais cela montre ce qu’il en est. À la fin, tous doivent se mettre d’accord et le traité doit être ratifié. Ces deux obstacles doivent être surmontés. C’est la condition à remplir pour que la constitution voie le jour.

Par ailleurs, le gouvernement fédéral n’est pas le seul à faire pression dans ce sens. Nous coopérons très étroitement et remarquablement bien avec les représentants des Länder - vous le savez, votre collègue Monsieur Teufel était présent. Les positions des Länder gouvernés par votre parti sont ainsi prises en compte. En ce qui concerne les services d’intérêt général également, nous nous efforçons de clarifier les choses en conséquence, afin d’éliminer les préoccupations existantes, surtout celles des Länder.

Nous devons cependant prendre acte que l’un de nos partenaires très importants voit les choses différemment - non pas en ce qui concerne le fond. Il s’inquiète du fait que si tout n’est pas défini avec précision, quelque chose pourrait se produire que nous ne souhaitons pas non plus. Tel est le problème. Mais votre présidente de parti vous a déjà fait part de ses propres expériences dans ce domaine. Je présume que lors d’une consultation outre-Rhin, vous avez pu, ainsi que d’autres membres du comité, vous faire une opinion de la situation.

Les points cruciaux sont le renforcement du parlement européen, la création de la fonction de ministre européen des Affaires étrangères, la redéfinition de la majorité qualifiée - un élément central pour nous - et un meilleur contrôle de la subsidiarité. Bien sûr, il faudra encore apporter quelques adaptations et finitions. Cependant, il ne me semble pas opportun de détricoter le projet maintenant. Les points essentiels à vos yeux ont été abordés. Je pense que tout négocier de nouveau serait peine perdue. Je ne crois pas non plus que nous puissions obtenir une meilleure constitution lors de la conférence intergouvernementale.

Sur les thèmes de l’immigration et de l’asile, le gouvernement fédéral a, à mon avis, obtenu bien plus que ce que nous pensions, surtout en ce qui concerne le marché de l’emploi. À ce niveau également, nous avons instauré la flexibilité nécessaire.

Dans l’ensemble, je trouve qu’un énorme pas en avant a été accompli. La convention est digne d’éloges. Elle est parvenue à obtenir, non un consensus minimal comme à Nice, mais un résultat à 28, et je pense personnellement qu’au cours des vingt prochaines années, nous n’en obtiendrons pas de meilleur.

C’est la raison pour laquelle je pense - et c’est aussi l’opinion du gouvernement fédéral - que la défense du projet de constitution est dans l’intérêt européen. Comme nous l’avons dit à tous ceux qui ont un autre avis, Monsieur Hintze, inclure une grande partie des résultats de Nice dans le projet de constitution n’apporterait absolument rien. Mieux vaudrait alors s’en tenir aux résultats de Nice, avec pour conséquence que nous aurions de graves problèmes. Je ne vois pas l’intérêt de vouloir faire pire que mieux. À mon avis, nous devons améliorer le projet de constitution lorsque nous obtenons de nouveaux consensus, et y apporter les finitions et les corrections de détails nécessaires. Mais inclure dans le projet actuel les résultats de Nice, notamment les règles de vote définies alors, signifierait l’abandon de ce projet.

Je ne crois pas que nous obtiendrons un meilleur projet. La convention a accompli une prestation historique. Je suis en faveur de l’amélioration de ce texte. Le défendre va dans notre intérêt, c’est notre mission. Telle est la ligne suivie par le gouvernement fédéral à la conférence intergouvernementale. Je suis optimiste quant au fait que nous pourrons trouver, à la fin, un consensus très raisonnable.

Merci