Mesdames,
Messieurs,

C’est pour moi un grand honneur d’intervenir devant vous dans ce bâtiment historique, qui est le symbole des traditions démocratiques du Chili. J’apprécie hautement la possibilité de visiter pour la première fois votre excellent pays, voir de mes propres yeux "la longue pétale des vagues, du vin et de la neige", comma a appelé le Chili son grand poète Pablo Neruda.

Malgré les grandes distances, beaucoup de choses rapprochent nos pays depuis les temps lointains, où les marins russes ont commencé à visiter le Chili et y trouver l’accueil le plus chaleureux. Les sympathies réciproques de nos peuples se sont manifestées dans les moments dramatiques de l’histoire, se multipliaient grâce aux liens culturels et humains.

Le point tournant dans le développement des relations russo-chiliennes est venu, quand nos pays ont, presqu’en même temps, emprunté la voie des profondes transformations démocratiques. Notre pays suit avec un intérêt invariable l’expérience des réformes politiques et socio-économiques au Chili. Nous sommes compagnons d’idée sur beaucoup de problème clé de la vie internationale moderne.

Hier et aujourd’hui, au cours des entretiens avec le Président du Chili Monsieur Lagos et le Ministre des affaires étrangères Madame Alvear, nous avons discuté en détail tout l’ensemble des problèmes du développement ultérieur de nos relations, tracé les voies de leur intensification dans les domaines politique, des échanges commerciaux, technologique, culturel et autres. Les résultats de ces entretiens confirment le mûrissement actuel des conditions favorables pour y obtenir de sérieux avancements qualitatifs.

Je crois que l’on peut tirer la même conclusion en parlant du développement des relations russo-latinoaméricaines en général. Il s’agit de les élever au niveau, qui correspondrait pleinement aux réalités du XXIe siècle. C’est dans cet état d’esprit que je commence ma visite de plusieurs pays de la région, dont la première étape est celle du Chili. C’est pourquoi, naturellement, je voudrais vous faire part de certaines considérations de principe, concernant notre vision de l’avenir de nos relations, la place de la Russie et de l’Amérique Latine dans le monde moderne.

Avant tout, je veux souligner que nous ne dialoguons pas du tout actuellement avec nos partenaires latino-américains à partir d’une "page blanche". Les relations entre la Russie et le Chili, la Russie et les pays de l’Amérique Latine ont des racines profondes. Malgré tous les aléas de l’histoire, nos peuples n’ont jamais cessé de sentir les sympathies et l’intérêt réciproques. Il suffit de dire que la culture latino-américaine s’est aussi organiquement imbibé de Tolstoï, Dostoievski et Tchaïkovski que la culture russe - de Néruda, Amado et Siqueiros. Une grande expérience est accumulée dans le domaine des relations interétatiques.

En ces quinze dernières années, nos pays ont vécu une profonde transformation. La fin de "la guerre froide" a débridé les états de la région latino-américaine, qui a cessé d’être l’arène de l’opposition idéologique et de la rivalité des "hyperpuissances". Devant nos pays, s’est ouverte la possibilité d’édifier des rapports nouveaux, qui répondent naturellement aux intérêts nationaux de la Russie et des pays de l’Amérique Latine.

Cependant, je pêcherais contre la vérité, si je disais que nous avons pleinement utilisé cette chance historique. En ces quinze dernières années, beaucoup a été fait, mais, certes, pas tout, loin de là, surtout dans le domaine économique. On pourrait en partie l’expliquer par des raisons de caractère objectif. Ce sont les difficultés des premières années des réformes de marché en Russie et les crises financières aiguës qui ont ébranlé nos pays à la fin des années 90.

Pourquoi donc, croyons-nous actuellement que le temps est venu d’ouvrir une nouvelle page dans les rapports russo-latinoaméricains ?

Avant tout, puisque la Russie elle-même a changé. Aujourd’hui, c’est un tout autre pays, sur le plan tant économique que politique. Voilà déjà plusieurs années de suite que la Russie vit une croissance économique stable. Le produit intérieur brut a augmenté de 20%. Le solde du bilan de commerce extérieur est positif, ceci dit, non seulement grâce aux exportations du pétrole et du gaz. Par exemple, la Russie, pour la première fois depuis les 50 dernières années, est devenue exportatrice de blé. Pour ses réserves métalliques et de devises, elle est entrée au nombre des 15 pays leaders du monde. Et tout cela - dans les conditions de très gros remboursements de la dette extérieure, dont le volume a été réduit de 130 jusqu’à 40 % du PIB après la crise financière de 1998. Et même cette dette, nous pourrions la rembourser avant terme.

Certes, dans l’économie et, particulièrement, dans la sphère sociale, restent pas mal de problèmes non résolus. Mais en général, l’amélioration du climat économique est tout à fait évidente. Cela permet non seulement de se donner des tâches aussi ambitieuses comme doubler le PIB dans les dix ans à venir, mais d’accélérer le processus de l’intégration de la Russie à l’économie mondiale, aboutir activement à une large coopération avec les partenaires étrangers. Il suffit de dire que le business russe effectue maintenant toujours plus activement des investissements à l’étranger et s’installe sur de nouveaux marchés, y compris en Amérique Latine.

Les résultats des élections du 7 décembre à la Chambre basse du parlement russe - la Douma d’Etat - ont montré que la politique intérieure et étrangère du Président V.V.Poutine jouit de la confiance et du soutien de la société russe. Cela crée une base plus solide pour que notre pays puisse continuer de mener une politique étrangère stable et prévisible, développer la coopération avec nos partenaires étrangers, y compris en Amérique Latine, visant la perspective à long terme.

En parlant des rapports avec les pays de l’Amérique Latine, nos tenons, naturellement, compte des changements importants qui se passent sur votre continent. Aujourd’hui, l’Amérique Latine est la région, dont le PIB total fait 2 trillions de dollars, et le volume du commerce extérieur - plus de 700 milliards de dollars. Nous saluons vos succès du développement économique et le fait que le Chili, tout comme plusieurs autres pays de la région, monte actuellement aux premières lignes dans le domaine des hautes technologies. La Russie et les états latino-américains sont objectivement rapprochés par l’aspiration commune à attacher une grande importance sociale à l’économie de marché, développer les liens d’intégration avec ses voisins.

Nous sommes profondément séduits par la responsabilité et le cap constructif des pays latino-américains dans l’arène internationale, leur traditionnelle aspiration au droit international et aux méthodes collectives de règlement des problèmes internationaux. La Russie apprécie hautement l’apport des pays latino-américains à la création des zones libres d’armes nucléaires. La récente Conférence de l’Organisation pour l’interdiction des armes nucléaires en Amérique Latine et aux Caraïbes (OPANAL) à La Havane a constitué un pas de plus sur la voie du renforcement du statut non nucléaire du continent.

Ces dernières années, entre nos pays se développe un dialogue actif au plus haut niveau, sont établis des liens interparlementaires étroits, d’autres contacts politiques. Cela est d’une importance de principe, car à l’étape actuelle du développement des relations internationales, il est déjà insuffisant de ne faire que constater les coïncidences des approches aux problèmes internationaux. Dans les conditions de la mondialisation, les états ne peuvent plus complètement mettre en pratique leurs intérêts nationaux que compte tenu des vastes intérêts de toute la communauté internationale. Cela concerne, avant tout, l’opposition conjointe aux nouveaux menaces et défis comme le terrorisme international, le trafic de drogue, le crime organisé, la prolifération d’armes d’extermination massive, qui ont acquis un caractère global et touchent la sécurité de tous les états et de chaque personne concrète dans toutes les régions de notre planète.

Nous croyons que l’on ne peut s’opposer efficacement à ces défis que par voie de l’union des efforts de tous les états sur la base du droit international et en maintenant le rôle coordonnateur central de l’ONU. Et là, j’en suis persuadé, existe un large champ pour la coopération de la Russie et des pays latino-américains.

Je dirai franchement : nous sommes sérieusement préoccupés par la tendance actuelle dans le développement des affaires mondiales. Et l’on commence à avoir la sensation que le monde sombre toujours plus profondément dans l’anarchie et dans la situation incontrôlable, devenant, d’une part, toujours plus uni et interdépendant, et de l’autre - toujours moins stable et sûr. Le témoignage le plus flagrant en est le nombre inouï des crises régionales non réglées, dont chacune menace à sa manière la stabilité globale. Un autre symptôme alarmant - l’augmentation sans précédent, depuis le temps de "la guerre froide", du rôle de la force militaire dans les relations internationales, ce qui pousse objectivement les états sur la voie de la course aux armements, y compris l’acquisition d’armes d’extermination massive.

Dans ces conditions, nous croyons qu’il est déjà impossible de garantir de manière fiable la sécurité internationale, en ne faisant que réagir aux menaces et défis surgissants. Le temps est venu des actions coordonnées réfléchies de la communauté internationale pour former un ordre international plus sûr, juste et démocratique.

On pourrait représenter l’architecture du futur modèle de l’ordre mondial sous forme d’une pyramide, dont le sommet est l’Organisation des Nations Unies, et la base - un réseau dense d’organisations régionales et de structures d’intégration, ainsi que de relations bilatérales entre les états. Et c’est le droit international qui devra servir de fondations et d’une sorte de matériau qui cimente toute cette structure.

Voilà qui est significatif : quelque élément de cette structure que l’on prenne, dans chacun des domaines cités, les relations internationales de la Russie et des pays de l’Amérique Latine sont des compagnons d’idées et partenaires naturels.

Les diplomaties russe et latino-américaine coopèrent activement dans le cadre de l’ONU et à d’autres forums globaux. En particulier, Moscou a hautement apprécié le soutien, par les pays de l’Amérique Latine et des Caraïbes, de l’initiative russe de création, sous l’égide de l’ONU, du système global de l’opposition aux nouveaux menaces et défis. Un autre exemple positif - la coopération de la Russie et du Chili dans le cadre du Conseil de Sécurité de l’ONU.

Notre coopération au niveau des structures régionales se développe activement. Comme on sait, depuis 1992, notre pays est observateur auprès de l’Organisation des états américains. Sont bien établis les contacts avec le Comité interaméricain contre le terrorisme et la Commission interaméricaine de lutte contre l’abus des drogues. Notre coopération avec le Groupe de Rio, MERCOSUR, la Communauté des Nations des Andes et les autres unions d’intégration se développe.

Immédiatement après le Chili, j’entends visiter Montevideo pour y rencontrer les participants du sommet MERCOSUR. Nous espérons aussi tenir, l’an prochain, des rencontres Russie - "trio" du Groupe de Rio au haut niveau.

Enfin, ces dernières années, nous avons réussi, par les efforts conjoints, à consolider le tissu des relations bilatérales de la Russie avec la majorité écrasante des états de la région. La piste importantissime de ces relations est, sûrement, économique. La mondialisation efface les distances et les frontières traditionnelles entre les régions. Un exemple éclatant en est l’établissement des relations économiques de la Russie avec le Chili et les autres états de la côte Pacifique de l’Amérique Latine dans le cadre de la coopération économique Asie-Pacifique (CEAP). Je veux souligner que nous nourrissons de grands espoirs quant à cette piste prometteuse de nos relations.

A présent, le volume total du commerce entre la Russie et les pays latino-américains fait environ 6 milliards de dollars. Est-ce peu ou beaucoup ? Peut-être est-ce plus bas que les possibilités qui possèdent nos pays. Dans tous les cas, en ce qui concerne les relations commerciales russo-chiliennes, nous constatons avec justesse qu’elles sont actuellement loin du niveau du potentiel économique réel de nos pays. Mais cette constatation n’est pas une raison pour les reproches réciproques, mais un signe de ce que nous avons besoin de chercher en commun les voies pour la croissance de la coopération. En particulier, il s’agit des domaines comme la mise en valeur et l’exploitation des gisements des ressources naturelles, la métallurgie non ferreuse, le secteur de l’énergie, le transport écologique, le secteur de l’énergie atomique, la pêche.

Nous voyons comme tâches actuelles l’aide à la coopération d’investissements et interbanques, ainsi qu’aux liens dans le domaine des hautes technologies. Comme on sait, dans plusieurs universités chiliennes travaillent sous contrat des experts russes. Je voudrais que la coopération scientifique et interscolaire se hisse au niveau qualitatif plus élevé des recherches et élaborations conjointes.

Enfin, il faut poursuivre de renforcer les fondations de la coopération culturelle, humanitaire russo-latinoaméricaine, qui est notre patrimoine commun inestimable. Que ces fondations soient aussi solides que la pierre, dont sont faits les monuments à Gabrielle Mistral à Moscou et au grand poète russe Alexandre Pouchkine à Santiago.

Mesdames,
Messieurs,

A l’époque de la mondialisation, la Russie et le Chili, la Russie et l’Amérique Latine font face au défi commun. Nous devons entériner la valeur de la personne humaine, défendre ses droits sociaux, maintenir l’originalité de nos peuples. Unir les efforts pour régler ces problèmes - voilà un digne but pour la coopération de nos pays au XXIe siècle.

Merci pour votre attention.