Le secrétaire d’État Colin L. Powell a pris prétexte de la nouvelle année pour présenter aux États-Unis son programme de politique étrangère dans le New York Times. Après le satisfecit d’usage pour l’année passé, il égrène les actions qu’il compte mener en 2004. Cette tribune a été adaptée à divers publics et reproduite une fois modifiée dans de grands quotidiens internationaux. Cependant ce plaidoyer doit être lu en regard du livre à paraître sur le même sujet de David Frum et Richard Perle dans lequel les deux néo-conservateurs éreintent le secrétaire d’État qu’ils accusent de collusion personnelle avec l’Arabie saoudite et de pacifisme angélique. La « ligne Powell » consiste avant tout à étendre les zones de libre-échange (notamment au Moyen-Orient) et à éviter tout affrontement militaire direct avec qui que ce soit (notamment l’Iran et la Corée du Nord). Elle implique donc une certaine dose de multilatéralisme que les néo-conservateurs assimilent à de la faiblesse. En publiant une version de sa tribune dans Le Figaro, le secrétaire d’État espère prévenir l’effet désastreux du livre de Frum et Perle qui désigne explicitement la France comme un « adversaire » (lire notre article).

L’éditorialiste Joel Mowbray publie une attaque en règle du général Anthony Zinni dans la National Review. Zinni, dit « le parrain », ancien commandant en chef du Central Command, a en effet mis en cause l’influence démesurée des néo-conservateurs sur le tandem Bush-Cheney. En conséquence de quoi, il se voit aujourd’hui accusé d’antisémitisme au motif que la presque totalité des néo-conservateurs est juive. Cet article, qui fait grand bruit dans le landernau militaire, illustre le degré d’intolérance à Washington où toute critique de la politique actuelle est taxée au choix d’antisémitisme ou de conspirationnisme. Plus profondément, ce qui est en question ici, c’est la responsabilité des néo-conservateurs dans le déclenchement de l’inutile guerre contre l’Irak et leur volonté d’étendre les hostilités en Iran et en Syrie. Il importe de remarquer que le point de vue du général Zinni est publiquement partagé par une cohorte de gradés prestigieux comme les généraux Merrill A. McPeak, John J. Sheehan ou Norman Schwartzkopf.

L’accord négocié en secret par Jack Straw et Colin Powell avec Mouamar El-Khadafi aux termes duquel la Libye est réintégrée dans le concert des nations est un sujet d’irritation de plus pour les faucons de Washington [1]. Il aura donc suffi que Tripoli indemnise les familles de victimes de l’attentat de Lockerbie et s’engage à détruire les armes de destruction massive qu’il ne possède pas pour que Khadafi passe du statut de terroriste à celui de partenaire. peut-être aussi qu’il achète des chasseurs Typhoon à British Aerospace. C’est trop facile dénonce Mohammed Buisier de l’American-Libyan Freedom Alliance dans le Washington Post. Peu importe, commente Arnaud de Borchgrave, dans le Washington Times, cela prouve que les exemples de l’Afghanistan et de l’Irak permettent de faire pression sur d’autres États terroristes.

Zan Anjaparidze et Peter Rutland analysent dans l’International Herald Tribune la « révolution des roses » en Géorgie. Ils y voient une intervention états-unienne et s’en félicitent. Mais ils mettent en garde contre la stratégie de Donald Rumsfeld, qui souhaite en profiter pour éliminer toute présence russe en Géorgie, dans la mesure où la proximité avec la Tchétchénie se révélerait explosive.

Ayad Allawi, membre du Conseil de gouvernement irakien, plaide dans le Washington Post pour que le procès de Saddam Hussein soit l’occasion de réviser la politique de déba’asification de L. Paul Bremer. Le licenciement de tous les fonctionnaires ba’asistes par le légat états-unien a touché indistinctement les suppôts de Saddam Hussein et ceux qui avaient adhéré au Ba’as pour trouver un emploi. Il faut établir cette distinction pour pouvoir reconstituer une administration et gouverner le pays.

Enfin, l’ancien inspecteur de l’ONU, Scott Ritter, revient dans The Independent sur la « farce » des prétendues armes de destruction massive irakiennes. Il déplore que cette manipulation rende impossible aujourd’hui une réflexion sereine sur le désarmement. Aussi regrette-t-il que l’on place sur le même plan des accords de circonstance, comme ceux passés avec l’Iran et la Libye, avec des programmes de fond, comme ceux qui ont permis de désarmer l’Afrique du Sud et d’anciennes républiques de l’URSS.

[1Sur la question du renoncement par la Libye aux armes de destruction massive, on consultera :
 Note de la Maison-Blanche (19 décembre 2003)
 Déclaration d’Igor S. Ivanov (20 décembre 2003)
 Déclaration de Dominique de Villepin (20 décembre 2003)
 Déclaration d’Abdoulahed Belkeziz (23 décembre 2003)
 Déclaration de Tony Blair (23 décembre 2003)
 Communiqué du Conseil de sécurité (23 décembre 2003)