Le 20 janvier prochain, le président George W. Bush prononcera son discours sur l’état de l’union, une occasion qu’il a déjà utilisée pour faire des déclarations importantes. Cette année, on peut s’attendre à ce qu’il se distingue subtilement de ses futurs adversaires démocrates et qu’il fasse valoir sa volonté préemptive et indépendante d’agir contre les ennemis de l’Amérique. Il parlera encore du Bien et du Mal et sommera à nouveau les pays et les institutions internationales de choisir leur camp. Il fera des allusions à sa volonté de démocratiser le Moyen-Orient et se félicitera de la perspective d’élections libres en Afghanistan et en Irak.
Toutefois, comme pour toute prestation de la sorte, le succès du discours dépendra de sa capacité à mettre en avant certains éléments et à en cacher d’autres. Contrairement à l’année passée, il ne consacrera sans doute pas onze paragraphes entiers aux armes de destruction massive irakiennes et il n’évoquera pas non plus le nombre de morts de la Coalition depuis la fin déclarée des opérations majeures en Irak. Il ne parlera pas de l’élévation du niveau d’alerte sécuritaire, ni du fait que le succès de sa politique en Irak dépend du bon vouloir des ayatollahs chiites. Il ne parlera pas du processus de paix israélo-palestinien, des prisonniers de Guantanamo ou des sondages montrant que l’adhésion à la politique américaine n’a jamais été aussi faible dans le monde depuis le Vietnam.
Le président parviendra-t-il à sauver la face tout en reconnaissant que l’Irak n’était pas une menace, ou bien continuera-t-il à affirmer que l’analyse de ses opposants était erronée ? Va-t-il remercier la France et l’Allemagne de réfléchir à l’annulation de la dette irakienne ou bien va-t-il continuer à affirmer qu’il s’agit de la victoire des États-Unis seuls et continuera-t-il à refuser le partage des contrats de reconstruction ? L’invasion de l’Irak sera-t-elle présentée comme une exception ou un précédent ? Annoncera-t-il qu’on peut négocier avec l’Iran comme on l’a fait avec la Libye ?
En fonction du ton du discours, c’est tout le positionnement actuel de la Maison Blanche sur les questions de sécurité nationale qui sera défini.

Source
Le Figaro (France)
Diffusion 350 000 exemplaires. Propriété de la Socpresse (anciennement créée par Robert Hersant, aujourd’hui détenue par l’avionneur Serge Dassault). Le quotidien de référence de la droite française.

« Un nouveau George W. Bush ? », par Madeleine Albright, Le Figaro, 16 janvier 2004.