Après plusieurs années de négociations, un Accord de libre commerce a été signé au sein de la Communauté des Nations Andines (CAN) qui regroupe la Bolivie, la Colombie, l’Equateur, le Pérou et le Venezuela et le Marché Commun du Sud (Mercosur) fondé par l’Argentine, l’Uruguay, le Paraguay et le Brésil en mars 1991. Cet accord, qui entrera en vigueur le 1 juillet 2004, représentera un véritable espace d’intégration Sud-Américain de 350 millions d’habitants offrant la possibilité à ses membres de consolider une position stratégique internationale et d’atteindre un meilleur niveau de développement.

Les points fondamentaux de l’accord concernent le commerce de biens et divers sujets liés aux normes techniques et sanitaires. Il n’aborde pas les aspects liés à la propriété intellectuelle, les investissements et achats publics. Dans les biens qui s’échangeront, sans tarifs douaniers, à partir de juillet, sont inclus les matières premières et d’autres produits issus de l’industrie mécanique et automobile qui bénéficieront d’une détaxe immédiate sur un très long terme. La baisse des tarifs douaniers pour les autres produits se fera sur des délais de 6, 8, 12 ou 15 ans, selon la sensibilité des secteurs.

Avec la mise en place de cet accord, le Venezuela estime doubler à court terme ses exportations avec le Mercosur, ce qui permettra de créer et générer des milliers d’emplois directs et de contribuer ainsi aux efforts du gouvernement national dans ses objectifs d’insertion sociale et d’élimination de la pauvreté.

Le président de l’Equateur, Lucio Gutiérrez, qui dirige actuellement le Conseil présidentiel andin, a invité les présidents des pays membres du Mercosur au Congré Andin qui se déroulera à Cuenca le 9 juillet prochain. La Communauté des Nations andines espère que l’occasion sera propice pour redonner une impulsion politique nécessaire et approfondir le processus d’intégration Sud-Américain.

Cette volonté de développer et de fortifier les relations diplomatiques et économiques des pays d’Amériques Latines est nécessaire pour consolider leur position et leur rôle au niveau international.

Le 28 mai 2004 aura lieu à Guadalajara, au Mexique, le IIIème Congrès entre les chefs d’Etats et de Gouvernement d’Amérique Latine, des Caraïbes et de l’Union européenne. En 1999, lors de la première édition qui s’était déroulée à Río de Janeiro au Brésil, l’objectif était de « renforcer les relations politiques, économiques et culturelles entre les deux régions et développer une collaboration stratégique ». Depuis, L’Union européenne continue de renforcer ce lien et de participer au développement de cette région. En 2002, elle a devancé les Etats-Unis jusqu’alors principal source des investissements étrangers vers l’Amérique latine, avec un montant avoisinant les 216 milliards d’euros.

A Guadalajara, le texte d’un Accord de libre commerce entre L’Union européenne et le Mercosur sera présenté et probablement accepté. En effet, l’une des exigences de l’Europe pour accepter cet accord était le développement d’une meilleure intégration régionale sud-américaine ; l’accord conclut entre la Communauté des Nations Andines et le Mercosur répond à cette attente.

L’approche européenne est nettement différente de celle des Etats-Unis qui s’obstinent à vouloir signer des accords bilatéraux et a poursuivre leur politique du « diviser pour régner ». Pour exemple, les Etats-Unis ont annoncé qu’ils étaient près à négocier avec la Communauté des nations andines ; mais d’abord avec la Colombie et le Pérou et ensuite avec l’Equateur et la Bolivie, laissant de côté le Venezuela. De ce fait, il ne faut pas être surpris du nouvel échec des négociations sur l’Accord de libre commerce des Amériques (ALCA) en novembre 2003, à Miami. Ce projet, lancé en 1990 par George Bush père, sous le nom d’Initiative pour les Amériques devait éliminer les tarifs douaniers de « l’Alaska à la Terre de Feu ». Ce projet s’est étendu au champ des investissements, des achats gouvernementaux, de la propriété intellectuelle, des droits du travail, etc., jusqu’à se convertir en « projet d’annexion continentale » selon les mots du sociologue Argentin Atilio Borón.

L’Union européenne a tiré les leçons de cette politique nord-américaine et fait exactement l’inverse. Ainsi, elle commence par négocier différents types d’accords avec des blocs d’intégrations sud-américains, comme le Mercosur, première force économique d’Amérique latine et ainsi anticipe l’Accord général euro-latinoaméricains prévu pour 2010. Ces initiatives mettent l’accent sur « l’association avec les réseaux de la société civile, l’intégration des groupes marginalisés, la prévention des catastrophes naturelles et la gestion des énergies alimentaires » tandis que les priorités établies par les Etats-Unis sont la « libération des marchés, la lutte contre la drogue, le contrôle des frontières, la démocratie et les droits de l’homme ».

Bien que les mots divergent, l’intention reste plus ou moins la même et les stratégies européennes et nord-américaines se complètent dans leur objectif d’intégrer l’Amérique latine au monde occidental et d’approfondir la libéralisation commerciale. Un article du commissaire aux relations extérieures de la Commission européenne, Christopher Patten, semble appuyer cette hypothèse. Il plaide en faveur de la cohésion sociale pour combattre les inégalités, thème principal du Congrès de Guadalajara. Cependant, il explique que ce n’est pas « uniquement pour des considérations humaines » mais pour « les effets sur l’économie » car « réduire la population pauvre de moitié signifie doubler la taille du marché ». Simple logique mathématique.

Mais, indépendamment des bonnes ou mauvaises intentions de ses « associés », l’Amérique latine doit profiter de cette intérêt qui se réveille pour fortifier ses processus d’intégration régionale, diversifier ses relations extérieures et poursuivre prudemment son insertion internationale sous des paramètres favorables à son développement.