« Mission accomplie » titre le quotidien « El Universal » accompagnée de la photographie d’une longue file d’attente. La guerre des mots et des images bat son plein depuis vendredi, jour de lancement du processus de vérification des signatures nécessaires, un tiers de l’électorat, pour la convocation d’un référendum présidentiel, « révocatoire » pour les médias aux mains de l’opposition au gouvernement Chávez.

Jusqu’à dimanche soir, ces organes d’informations ou de désinformation, accusé par la population d’avoir participé médiatiquement au coup d’Etat du 11 avril 2002, n’ont pas cessé de diffuser des images incitant les personnes à aller ratifier les 524000 signatures douteuses, appuyé par les multiples interventions de l’opposition fustigeant les déclarations officielles dénonçant les fraudes comme la découverte de plusieurs centaines de cartes d’identités falsifiés. Pour exemple, sur le canal privé Venevision, une longue séquence montre les personnes à mobilité réduite et celles très âgées arrivant avec grande difficulté au « centre de réparation » applaudit par leurs metteurs en scène. Suit l’intervention d’un membre d’Action Démocratique (AD), parti d’opposition, accusant les différents corps de sécurité de « semer » de fausses cartes d’identités afin d’empêcher que « la volonté du peuple vénézuélien se réalise ».

Pour César Pérez Vivas, de Copeí, autre parti formant la coalition d’opposition : « le gouvernement est désespéré et c’est pourquoi il fait ce qu’il fait ».

Pourtant, l’annonce de la présence de ces cartes falsifiées ne vient pas du gouvernement mais de Francisco Carrasquero, président du Conseil National Electoral (CNE), organisme indépendant composé de membres officiels et de l’opposition, chargé du fonctionnement légal du processus de « réparation ». Les observateurs internationaux, principalement le centre Carter et l’OEA (Organisations des Etats d’Amériques) reconnaissent également l’existence des cartes falsifiés et de différents « incidents », comme l’arrivée dans certains centres de personnes « administrativement décédés » venus pour ratifier leur signatures. Selon Jimmy Carter, ancien président des Etats-Unis et président du centre Carter et César Gaviria, secrétaire général de l’OEA : « le président Chávez a montrer sa volonté de respecter et d’accepter le résultat et espère que l’opposition fera de même ». Le président a insisté sur le fait de respecter la constitution, adoptée démocratiquement en 1999, et se dit préoccupé car « pour l’instant, l’opposition n’a pas encore dit si elle acceptera les résultats ».

Le porte-parole de la « coordennatrice démocratique », Alberto Quiroz Corradi, ancien directeur d’entreprises pétrolières nord-américaines, a déclaré qu’il serait disposé à reconnaître les résultats du processus de « réparation » tant qu’ils seront « favorables pour nous ». De plus, il a donné un ultimatum au CNE pour qu’il informe des résultats définitifs dans trois jours, dans le cas contraire la « coordennatrice démocratique » le fera. Peut-être faudrait-t-il demander aux observateurs internationaux, à l’ex-président Carter et au secrétaire général de l’OEA ce qu’ils pensent de cette déclaration, étant donné que le mot d’ordre du CNE est d’empêcher toute annonce médiatique avant la proclamation des résultats officiels prévu pour vendredi ?

Fait étrange et préoccupant, cette campagne médiatique intensive de l’opposition s’est plus ou moins terminée en même temps que fermaient les derniers centres de « réparations ». Sur les canaux privés les films hollywoodiens occupaient les écrans tandis que la récente chaîne publique Vive diffusait l’appel de 120 salariés de Coca-cola affirmant avoir subi des menaces de licenciements de la part des dirigeants de l’entreprise pour ne pas vouloir signer la demande de référendum.

La place Altamira où se retrouvent les partisans de l’opposition est restée très calme. A l’inverse dans les quartiers populaires, des milliers de personnes se sont rassemblés pour affirmer leur soutien au président. Pour le parlementaire Juan Barreto, candidat à la mairie de Caracas ce silence médiatique rappelle le 13 et 14 avril 2002 quand le peuple est descendu dans la rue pour dénoncer le coup d’Etat et remettre Chávez au pouvoir. Mais aujourd’hui la situation est différente, et les partisans « anti-Chávez » le savent. Le référendum est un formidable outil de démocratie mais également une réelle arme politique dans les conflits de pouvoir. Sa tenue probable pour le 8 août prochain est l’ultime chance pour la coordination d’opposition d’accéder au pouvoir pacifiquement à la condition de remporter ce référendum, chose compromise étant donné la popularité grandissante de Chávez. Mais Pour l’heure, l’objectif des « anti-Chávez » est l’annonce rapide des résultats et pour ce faire l’accentuation de la pression sur le CNE. Le silence dominical ne fut donc qu’une accalmie avant la tempête du lendemain et la reprise des attaques médiatiques.

Paralysée pendant près de 15 heures a cause de problèmes informatiques, le CNE est devenue la cible principal de l’opposition, accusant l’organisme autonome de vouloir retarder l’annonce des chiffres et ainsi provoquer une montée de violence. Ainsi, toutes les chaînes et périodiques en faveur de l’opposition ont repris la déclaration du député Alejandro Armas (d’opposition) disant que le CNE « avait sur ses épaules la responsabilité d’une sortie pacifique ». La fin de son allocution se transforma en accusation : « qu’ils (CNE) ne se mettent pas dans la tête d’empêcher la volonté populaire et qu’ils ne salissent pas l’effort national. Tout le monde connaît les chiffres et nous avons déjà le total des actes (de signatures) ; le gouvernement, la communauté international, les partis politiques les ont, et nous sommes au-dessus des chiffres nécessaires, il appartient au CNE d’additionner et de soustraire ». A la fin de son intervention, Armas a annoncé une manifestation pour vendredi prochain afin d’attendre « dans la rue, l’annonce du CNE de convoquer un référendum révocatoire présidentiel pour le 8 août ». Le CNE a pourtant annoncé que tous les actes de signatures n’étaient pas encore arrivés et qu’il fallait attendre ceux des régions les plus éloignées.

Pour pimenter les interventions d’autres membres de l’opposition dénonçant le retard « volontaire » du CNE en plagiant les paroles du député Armas, les chaînes de télévisions privées diffuse des montages, façon vidéo-clip, où se succèdent rapidement les témoignages de personnes ayant signé la demande de référendum, celles victimes de « disfonctionnement » dans certains centres de « réparations », etc. L’un des canaux principaux, Rctv, a été jusqu’à reproduire un article de TalCual, journal d’opposition, le faisant défilé sur l’écran accompagné de la voix de la présentatrice qui affirme que la fabrication de cartes d’identités falsifiés avait été mis en place par le gouvernement « anti-démocratique » afin d’empêcher la mis en place du référendum demandé « massivement » par le peuple.

Les directeurs de Venevision, Rctv et Globovision, trois acteurs principaux du coup d’Etat médiatique du 11 avril 2002, se sont réunis avec Jimmy carter et César Gaviria pour qu’ils demandent au CNE d’informer rapidement des résultats. Hypocrisie provocante ou comble de la démagogie, suite à cette réunion les chaînes de télévision par la voix de Guillermo Zuloaga, directeur de Globovision ont rappelé la suggestion de Carter souhaitant que « les médias soient objectifs et donnent un égal traitement au gouvernement et à l’opposition ».