Depuis 1998, les États-Unis d’Amérique ont renoué avec leurs ambitions impériales et relancé leurs dépenses militaires. Cette évolution alarmante est passée hors de contrôle depuis les attentats de septembre 2001. Désormais, rien n’est trop cher lorsqu’il s’agit de défendre le pays face à la « menace terroriste ». L’administration se lance dans des programmes pharaoniques à l’utilité douteuse et aux coûts imprévisibles.

Le budget prévisionnel du seul département de la Défense était de 265 milliards de dollars pour 1998, il est monté à 343 milliards pour 2002 et atteint 420 milliards pour l’année fiscale 2005.

Dans la folie générale, le Pentagone a perdu tout sens des proportions au regard des coûts financiers et de l’intérêt militaire qu’ils représentent.
On se souvient que le bombardier furtif (B-2 Spirit), qui devait coûter 280 millions de dollars, a atteint un coût unitaire démentiel d’environ 5 milliards (si l’on inclut les frais de recherche-développement) et n’a pu être fabriqué qu’en une dizaine d’exemplaires. Il devait transporter des munitions high-tech, dont le coût a lui-même explosé. De sorte qu’en pratique, il ne transporte plus que des bombes moins sophistiquées lesquelles pouvaient être larguées par des aéronefs déjà existants et autrement plus économiques.
 Le projet V-22 Osprey de Bell-Boeing : un aéronef qui décolle comme un hélicoptère et vole comme un avion, transportant 24 hommes ou 9 tonnes de matériel pour 105 millions de dollars l’unité.
 Le Joint Strike Fighter (JSF-F/35) : un chasseur-bombardier, qui devait être produit en grande série pour faire baisser les coûts, et être adopté à la fois par les trois armes et par des alliés (Royaume-Uni, Pays-Bas, Danemark, Norvège). De dépassement en dépassement, son coût prévisionnel est désormais de 81 millions de dollars l’unité. À ce prix, plus personne n’en veut. Les alliés cherchent à se retirer du programme. La production en série sera d’autant plus limitée et le coût unitaire d’autant plus élevé.
 Le F-22 Raptor : un avion de chasse supersonique pour 258 millions de dollars l’unité.

La mobilisation de la Garde nationale (en principe affectée à la seule défense du territoire) pour les opérations en Irak a provoqué 23 milliards de frais de personnels imprévus.

Les soldats impliqués sur des champs de bataille extérieurs ont droit à des pensions d’anciens combattants et divers avantages sociaux à vie. Pour la seule période 2004-2008, on prévoit une augmentation du budget des anciens combattants de 2,4 milliards dollars.

Cependant, ces chiffres astronomiques ne sont que provisoires. L’administration Bush ne respecte pas ses propres prévisions. Elle dépense en moyenne 15% de plus qu’elle ne le prévoyait pour ses dépenses militaires. En définitive, le budget réel de 2005 ne devrait donc pas être de 420 milliards de dollars, mais de 483.

Ces chiffres sont encore incomplets. Par un tour de passe-passe bureaucratique, le budget de la bombe atomique n’est pas comptabilisé dans celui du département de la Défense, mais du département de l’Énergie. Il faut ajouter 19 milliards de dollars annuels supplémentaires. Et ceux-ci pourraient croître si Donald Rumsfeld lançait son programme de mini-bombes.

Par ailleurs, dans le contexte de la militarisation du régime, le budget du Pentagone ne représente que les deux tiers des dépenses militaires. De nombreux autres ministères sont ponctionnés pour participer à la « guerre globale contre le terrorisme ».
 Le retournement des chefs de guerre afghans et la trahison des généraux de Saddam Hussein ont été payés par le département d’État. Dans le budget 2002, les actions de corruption ont représenté 17 milliards de dollars.
 Les dépenses de personnel sont minorées d’un tiers : en 2002, les anciens combattants ont été rémunérés par le département des Vétérans pour 50 milliards de dollars.
 Les différentes agences militaires absorbées par le nouveau département de Sécurité de la patrie ont dépensé 17 milliards de dollars en 2002.
 Diverses autres agences et départements ministériels abritent des lignes militaires pour environ 8 milliards de dollars (estimation 2002).

Enfin, les États-Unis vivant au-dessus de leurs moyens, les budgets étant en dépassement reconductible, le gouvernement fédéral doit payer des intérêts de sa dette militaire : 138 milliards de dollars en 2002. Les dépenses militaires effectives, en 2005, devraient dépasser les 757 milliards de dollars. Pour atteindre cet objectif, l’administration Bush coupe systématiquement toutes les autres dépenses compressibles. Plus personne ne semble être en mesure d’arrêter un phénomène qui, pourtant, ne saurait continuer longtemps. Le Pentagone est au bord de la faillite.