La représentante démocrate de Californie, Jane Harman, exprime son scepticisme face aux cinq commissions d’enquête sur les erreurs de renseignement en Irak. Cette abondance ne laisse rien présager de bon et repousse toute action à un horizon lointain. Pourtant, note-t-elle dans le Washington Post, les États-Unis pour assurer leur sécurité ne peuvent pas rester dans la situation actuelle. Il faut d’urgence restructurer la communauté du renseignement et rappeler des règles de base, comme rapporter ses doutes plutôt que de supputer sur ce que l’on ignore.
L’amiral Stansfield Turner, qui tenta en vain de réformer la CIA sous la présidence Carter, va plus loin encore. Il remet en cause l’architecture de la communauté du renseignement, telle qu’elle existe depuis 1947. Constatant dans le New York Times que ses observations ont été reprises par un ancien conseiller national de sécurité républicain, Brent Scowcroft, il espère qu’elles ne seront pas interprétées de manière partisane. Il faut en fait mettre fin au système hérité de la Guerre froide et adopter la même organisation que les grandes démocraties : centraliser la direction des services, tout en maintenant une distinction entre renseignement intérieur et extérieur.
Le commentateur militaire du Los Angeles Times, William M. Arkin, dénonce l’organisation de la communauté états-unienne du renseignement qui prétend tout enregistrer, tout compiler, tout analyser et ne peut à l’évidence pas le faire. Cette méthode quantitative ne permet pas d’anticiper quoi que ce soit, et donne a posteriori une vision fausse des évènements parce qu’elle ne permet pas de relativiser les éléments qu’elle prend en compte. Pire, pendant que les services classiques se noient dans les données qu’ils amassent sans les traiter, le Bureau des plans spéciaux du Pentagone fabrique de l’information. Il l’impose à tous et fait perdre toute crédibilité internationale au renseignement états-unien.
De son côté, Ted Gup, écrivain nationaliste qui rendit hommage aux agents de la CIA tombés en mission, s’interroge dans le Washington Post sur l’attitude répétitive du directeur de la CIA, George Tenet. Ce n’est en effet pas la première fois que la CIA, sous son autorité, accrédite des informations erronées qui conduisent à une action militaire, provoquant la mort d’innocents et le discrédit international des États-Unis. Cela a été le cas pour la guerre d’Irak, en 2003, mais aussi pour le bombardement de l’usine pharmaceutique d’Al-Shifa, en 1998. À l’époque l’Agence avait certifié qu’Oussama Ben Laden y fabriquait des armes de destruction massive. Une enquête internationale a montré qu’il n’en était rien.
L’ancien directeur de la CIA, James Woolsey se livre, quant à lui, à de difficiles contorsions dans le Wall Street Journal : reconnaître les mensonges sur les armes de destruction massive, nier ses responsabilités personnelles et se défausser sur son successeur, et justifier quand même l’attaque de l’Irak. Une nouvelle fois, il se sort brillamment de cette situation en arguant du fait que la France et la Russie ont cru, elles aussi, aux armes de destruction massive irakiennes. Ce n’est évidemment pas vrai, mais les diplomates français et russes firent mine d’y croire au Conseil de sécurité pour ne pas heurter frontalement Washington. En effet, on trouvera sans difficulté des déclarations officielles contradictoires sur ce sujet et l’on se souviendra de l’humiliation faite par Vladimir Poutine à Tony Blair lors d’une conférence de presse commune. Surtout, la seule position affirmée de la communauté fut de soutenir les rapports d’Hans Blix, lesquels démentaient formellement l’existence d’une menace irakienne.

De l’autre côté de l’Atlantique, Charles Kennedy explique, dans The Independant, pourquoi le Parti libéral britannique qu’il préside ne participera pas à la Commission Butler. Il considère en effet que toute nouvelle investigation sur les erreurs des services de renseignement et sur leur nécessaire réforme ne font que reculer la question politique de savoir pourquoi le gouvernement Blair a entraîné le Royaume-Uni dans la guerre contre l’Irak.

Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a prononcé un discours à Harvard qui est partiellement reproduit par The Independent. Il y souligne l’aspiration à la démocratie des populations du Proche-Orient, mais c’est pour mieux rappeler que choisir la démocratie ne veut pas dire choisir les États-Unis. De ce point de vue, il refuse d’avoir à choisir entre Washington et Bruxelles.

Enfin, le secrétaire d’État adjoint Richard L. Armitage s’efforce de rassurer les lecteurs de l’Asahi Shimbun sur les intentions des États-Unis face à la Corée du Nord. Washington ne souhaiterait pas de changement de régime, juste son désarmement. Et il ferait passer cet objectif après celui auquel tiennent tant ses lecteurs : la libération des Japonais enlevés par Pyongyang. Cet assaut de courtoisie plaira sans aucun doute dans l’archipel, mais les Japonais n’en seront pas dupes pour autant.