Par ordonnance du 30 janvier 2004, la Cour internationale de Justice (CIJ) a décidé, par treize voix contre une, que certains éléments portés à son attention par des lettres du Gouvernement d’Israël en date du 31 décembre 2003 et du 15 janvier 2004 n’étaient "pas de nature à empêcher le juge Elaraby de siéger en la présente espèce".

 Dans la lettre mentionnée en dernier lieu, qui est confidentielle, Israël avait soutenu que le juge Elaraby, tant dans l’exercice de ses précédentes fonctions que dans un entretien qu’il avait accordé à un journal égyptien en août 2001, avait "activement manifesté son opposition à Israël, notamment sur des questions portant directement sur certains aspects du problème dont la Cour est à présent saisie".

 Dans son ordonnance, la Cour observe que le paragraphe 2 de l’article 17 du Statut exclut que les membres de la Cour puissent participer au règlement d’une affaire dans laquelle "ils sont antérieurement intervenus comme agents, conseils ou avocats de l’une des parties, membres d’un tribunal national ou international, d’une commission d’enquête, ou à tout autre titre".

 La Cour rappelle au demeurant que, dans l’affaire des Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, le Gouvernement sud-africain avait présenté des objections, en vertu du paragraphe 2 de l’article 17 du Statut, à la participation de trois membres de la Cour à la procédure. Ces objections se fondaient "sur des déclarations que ces membres avaient faites à l’époque où ils représentaient leur gouvernement devant des organes des Nations Unies s’occupant de problèmes relatifs au Sud-Ouest africain ou sur leur participation en la même qualité aux travaux de ces organes". A l’époque, la Cour était parvenue à la conclusion que de telles activités n’appelaient pas l’application du paragraphe 2 de l’article 17.

 Dans son ordonnance, la Cour dit qu’en l’espèce "les activités du juge Elaraby dont il est fait état dans la lettre du Gouvernement d’Israël en date du 15 janvier 2004 ont été accomplies en qualité de représentant de son pays, la plupart du temps de nombreuses années avant que la question des conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, aujourd’hui soumise à la Cour pour avis consultatif, ait surgi" ; que "cette question n’a été soulevée dans le cadre de la dixième session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale qu’après que le juge Elaraby avait cessé de participer à cette session en tant que représentant de l’Egypte" ; que "dans l’entretien accordé à un journal en août 2001, le juge Elaraby n’a exprimé aucune opinion sur la question posée dans la présente espèce" ; et que "dès lors l’intéressé ne saurait être regardé comme étant "antérieurement intervenu" dans l’affaire à quelque titre que ce soit".

 Le juge Buergenthal a joint à l’ordonnance de la Cour l’exposé de son opinion dissidente, dont un résumé est disponible ci-dessous.

Opinion dissidente du juge Buergenthal

 Dans l’opinion dissidente qu’il a jointe à l’ordonnance, le juge Buergenthal conclut que le juge Elaraby, dans l’entretien qu’il a accordé à un journal en 2001 deux mois avant son élection à la Cour, y exprimait des opinions ayant une incidence sur la crédibilité et la validité d’arguments qui pourraient être présentés par les parties intéressées à la présente espèce et sont susceptibles d’affecter l’issue de cette dernière. Le juge Buergenthal considère que l’expression de ces opinions par le juge Elaraby, alors qu’il ne parlait plus au nom de son gouvernement, donne une apparence de partialité incompatible avec une bonne administration de la justice, et qu’elles exigeraient que le juge Elaraby ne siège pas en l’espèce. Le juge Buergenthal fait toutefois observer qu’il ne nourrit pas le moindre doute quant à l’intégrité personnelle du juge Elaraby, pour lequel il éprouve la plus grande considération.