Les contacts étroits entre C. Powell, Secrétaire d’Etat des USA, et moi sont devenues une bonne tradition. Rarement une semaine ou deux passent sans que nous discutions au téléphone tel ou tel problème des relations bilatérales, les problèmes internationaux. Ces contacts non seulement reflètent les bons rapports personnels qui se font formés entre nous au cours des années de travail conjoint, mais témoignent de façon parlante de l’échelle et du nouveau caractère des relations qui existent entre la Russie et les USA.

La dernière visite de Colin Powell à Moscou les 26-27 janvier dernier en est devenu un témoignage de plus.

La particularité de ce voyage consistait en ce qu’il se passait sur le fond des campagnes électorales à la présidence en Russie et aux USA. C’est pourquoi il est naturel que dans nos pays, dès qu’il s’agit des relations russo-américaines, on pose la question : qu’y a-t-on su réellement obtenir en ces quatre ans.

L’écart des opinions là-dessus est assez large. Il y a beaucoup de ceux que croient que les relations entre nos pays ont vraiment abouti à un niveau plus élevé, qui se caractérise par une plus grande confiance réciproque, le pragmatisme et la prévisibilité. Il existe un autre point de vue qui, il faut le dire, a assez largement cours à Moscou et à Washington. Son sens est que les rapports russo-américains modernes s’appuient de fait sur les sympathies personnelles entre les présidents V.V.Poutine et George Bush. Mais le remplissage d’un contenu réel du partenariat des deux pays et le renforcement de ses bases n’a pas lieu. D’où la conclusion sur la fragilité de ses relations.

J’espère que les résultats de la visite de Colin Powell ont aidé ces sceptiques à dissiper ne serait-ce qu’une partie de leurs doutes.

Certes, il est impossible de nier le rôle spécial des Présidents de la Russie et des USA dans le développement des relations bilatérales. Il en a été aussi par le passé. Aujourd’hui, à force de plusieurs facteurs, l’importance de ce rôle augmente de plusieurs fois. C’est au cours de la première rencontre de V.V.Poutine et de George Bush à Ljubljana qu’à été donné le nouveau "là" et l’impulsion nécessaire à l’avancement du développement de la coopération entre nos deux pays. En fait, c’est depuis ce moment qu’a commencé un travail minutieux d’alignement des relations de type nouveau, libres des stéréotypes de "la guerre froide" et visant le XXIe siècle. Le travail que l’on a mené toutes ces années et qui sera poursuivi dans l’avenir.

Au cours des rencontres au sommet à Camp David en septembre 2003, V.V.Poutine et George Bush ont analysé dans le détail l’état des relations bilatérales et sont tombés d’accord qu’elles ont atteint le sommet de leur maturité. Les Présidents ont donné des missions concrètes d’augmenter la coopération sur une vaste gamme.

Ce sont les problèmes de la stabilité stratégique, qui comprennent la lutte contre le terrorisme, l’arrêt des transports des AEM, la coopération dans le cadre militaire, y compris dans le domaine du NMD, etc.

Ce sont les échanges commerciaux, y compris les nouveaux projets d’investissement, la coopération dans le domaine de la science et de la technique, des hautes technologies, de l’agriculture.

C’est, enfin, l’augmentation de la coopération dans l’arène internationale.

Comme l’ont montré les pourparlers avec Colin Powell, ces missions des présidents sont accomplies ou se trouvent au stade d’accomplissement. Aucune des pistes de la coopération n’a connu de recul.

La maturité et la solidité des relations sont d’habitude mises à l’épreuve à l’heure des difficultés. Nous avons été en difficulté, quand les USA se sont retirés unilatéralement du Traité AMD. Nous avons été en difficulté, quand, en éludant le CS de l’ONU, ils ont déclenché la guerre en Irak.

Et néanmoins, nos pays ont su, par voie de dialogue, éviter le retour à la confrontation et à la course aux armements, comme cela a été plusieurs fois le cas par le passé. Le bon sens et la compréhension de ce que les intérêts stratégiques communs de la lutte contre les menaces et défis globaux pèsent plus lourd que tout différend tactique, ont pris le dessus. Est-ce que cela signifie que nous n’aurons pas de différends dans l’avenir ? Bien sûr que non. Nos pays sont des puissances mondiales avec leur histoire et leurs propres intérêts géopolitiques et économiques, qui ne peuvent coïncider toujours et partout. L’essentiel est, cependant, d’avoir aussi des mécanismes de règlement des différends qui permettent de ne pas mettre en question les rapports russo-américains en général.

Au cours des pourparlers à Moscou, Colin Powell, dans la manière polie qui fait son propre, a énoncé la préoccupation de ce qu’à l’horizon des relations russo-américaines sont apparus des nuages qui, si l’on n’y remédie pas à temps, peuvent ternir leur développement, ce que l’administration américaine voudrait éviter. Il a qualifié de ces "nuages" certains problèmes de la politique intérieure et étrangère de la Russie : l’affaire Youkos, les dernières élections parlementaires du point de vue de l’observation des normes démocratiques, la politique de Moscou en Tchétchénie, ainsi que par rapport à ses voisins qui faisaient auparavant partie de l’URSS (lis - Géorgie).

Nous avons été reconnaissants à Colin Powell pour cette ouverture, puisque les amis ne mijotent pas de mauvais coups. Je crois que toutes les questions posées par le Secrétaire d’Etat à Moscou ont eu des réponses aussi franches et exhaustives. La Russie n’abandonnera en aucun cas la voie de l’économie de marché et des réformes démocratiques - tel est le principal signal, envoyé à Washington.

Nous espérons que ces explications, et, surtout, les affaires concrètes, aideront à dissiper les nuages que les USA avaient remarqués, afin que le ciel au-dessus des relations russo-américaines reste toujours pur.