Le transfert de pouvoir aux autorités irakiennes le 30 juin 2004 est interprété comme le début du retrait états-unien du pays alors qu’en réalité l’engagement des États-Unis va prendre une autre forme et se baser sur une nouvelle stratégie. Il est important que le pouvoir irakien dispose d’une légitimité et il faut donc que le nouveau gouvernement soit représentatif, reconnu et compatible avec un monde en paix.
Paradoxalement, cette nouvelle stratégie peut ressouder la communauté internationale en dépit des divergences d’avant-guerre car toutes les grandes puissances ont intérêt à ce que la reconstruction de l’Irak réussisse. En effet, un échec dans ce pays exporterait l’islamisme radical en dehors des frontières. Si l’Irak souverain devient fondamentaliste, tous les pays concernés par le terrorisme seront en grand danger. Cet objectif commun, fondé sur la peur, peut construire le principe d’une nouvelle analyse de l’ordre international.
L’Irak n’a pas l’expérience de la démocratie et les Irakiens vont plutôt chercher refuge dans leur communauté que d’espérer la sécurité d’un gouvernement central. Aussi, si on veut des institutions démocratiques en Irak, il faut commencer par fragmenter le pays plutôt que de l’unifier. En effet, les chiites, les kurdes et les sunnites essayent d’obtenir le maximum de richesses et de pouvoirs et cela est un facteur d’instabilité. Les voisins de l’Irak ont des objectifs différents pour ce pays et il est difficile de savoir ce qu’espère l’Union européenne, mais la reconstruction de l’Irak offre une occasion de renouer le dialogue transatlantique si les Européens acceptent le fait que, comme la Yougoslavie, l’Irak ne peut pas avoir d’institutions démocratiques sans démembrement partiel.
« Irak : màs socios en la mesa », par Henry Kissinger, Clarìn, 19 février 2004.
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