Politique européenne
L’Union européenne entreprendra sous peu une transformation majeure. Je tiens à souligner une certitude que mon voyage d’hier à Kaliningrad n’a fait qu’accentuer : l’Allemagne est gagnante dans le processus historique qu’est le dépassement de la division de l’Europe. Pour cela, nous sommes reconnaissants, et nous devons l’être.
Pour la première fois depuis la formation des États nationaux, la situation en Europe centrale est pour l’Allemagne autre chose qu’une hypothèque. Dans une Europe qui se rapproche, une Europe aux frontières ouvertes, elle conduira à un contexte de sécurité complètement transformé. Cela aura pour conséquence que la situation sera, à toutes nos frontières, telle que nous la connaissons déjà sur notre frontière occidentale.
Cette Europe va se rapprocher. Certes, les nations vont demeurer, mais nombre des choses qui revêtent encore pour nous une signification particulière prendront une tout autre signification dans une Europe s’unifiant et s’intégrant. L’Europe sera ouverte. Comme cela nous a semblé aller de soi sur les frontières occidentales, la situation sera vécue sur le mode de la coopération, et non plus sur celui de la confrontation. C’est pourquoi je considère que le 1er mai sera une date historique.
Bien sûr, cela a mis du temps. Mais que ce soit bien clair : l’intégration européenne fut décidée en 1989, avec la chute du mur.
Nous ne pouvons réduire l’idée de l’unité européenne à un petit projet ouest-européen - je crois que nous avons toujours été du même avis sur cette question - si les autres États aspirent aussi à en faire partie, sur la base d’une volonté libre, cela va de soi. Et tous aspirent à en faire partie. C’est pourquoi nous ne pouvons tracer de nouvelles frontières, artificielles, sans faire un tort grave à l’Europe de l’intégration. Il ne nous est pas permis de le faire.
Le défi qui se pose à nous à présent est d’entreprendre les trois étapes suivantes : l’élargissement géographique de l’Union doit être accompli. Parallèlement, un approfondissement doit avoir lieu ; cela signifie que cette Union doit se faire transparente et capable d’agir et qu’elle doit être un acteur qui sait faire valoir ses intérêts sur le plan extérieur.
En outre, la question du financement de cette union élargie reste à être clarifiée.
Ici, moi aussi, je pourrais polémiquer, cher M. Altmaier, mais je m’en abstiendrai pour aujourd’hui. Pour être bien honnête, il vous aurait d’abord fallu trouver une réponse à la question de savoir pourquoi nous ne sommes pas parvenus, à Amsterdam, à une solution aux problèmes qui se posaient. Cette situation nous a menés à Nice et conséquemment, à la Convention. À l’époque, en tant que membre de l’Opposition, j’ai appuyé, pour une large part, la politique européenne du chancelier Kohl, y compris les conséquences qui en découlaient du point de vue du financement. Vous savez aussi bien que moi que, déjà à Amsterdam - en raison de l’unité allemande, d’une Europe de plus en plus complexe et des difficultés sur le plan intérieur - nous n’étions pas parvenus à solutionner les problèmes qui ont finalement débouché sur la Convention.
Il y avait, à l’époque, un autre gouvernement. Puisque les questions demeurent les mêmes, cela ne peut tenir à un quelconque changement au niveau des politiques, des comportements, etc. Je comprends que l’opposition doive mettre tout cela en avant étant donné, surtout, que nous disposons, ici, d’un très large consensus. Il vous faut cependant aussi voir que, déjà à Amsterdam - lorsque la responsabilité était encore tenue par d’autres et lorsque, apparemment, la confiance régnait toujours, le consensus n’était pas possible en raison des mêmes problèmes. Ce qui importait pour nous, c’était d’appuyer Nice, même si nous étions conscients des faiblesses car, autrement, il s’en serait suivi un blocage du processus d’élargissement. C’est pourquoi, déjà dans les conclusions de Nice, le chemin menant à Laeken et à la Convention fut ouvert, sous la présidence française.
Au sein de la Convention, un compromis a été atteint.
Cela est excellent, et nous vous en sommes reconnaissants. Je vous suis également reconnaissant de nous avoir encore appuyé et j’ai confiance que vous continuerez de le faire, car, au-delà de toute rhétorique confrontationnelle, nous partageons des vues essentielles. Avec la CSU, cela est plus difficile. Cependant, en définitive, lorsque les choses sont devenues sérieuses, elle aussi, a toujours été de la partie, ce dont je me félicite aussi.
Permettez-moi d’aborder à présent la question décisive : il nous faut pour l’Europe des 25 un processus décisionnel transparent et simple. Il est essentiel de comprendre que cela n’est pas une question de prestige. D’ailleurs, je n’ai jamais perçu le Bundestag comme un espace au sein duquel il importe avant tout de déterminer si la part de gâteau de l’Allemagne est équivalente à celle de la France, de la Grande-Bretagne et de l’Italie. Là n’est pas la question, du moins pas pour le gouvernement fédéral. J’irais même jusqu’à affirmer que, à maints égards, par-delà tous les groupes parlementaires du Bundestag, cela n’est pas notre problème. Le problème de Nice est que le système décisionnel qui y fut adopté est opaque et avant tout fondé sur le pouvoir de bloquer au profit des minorités. Voilà la question décisive. Ce que nous voulons, en revanche, ce sont des majorités constructives.
Cela, M. Altmaier, m’amène à une autre question importante. Vous nous demandez d’exiger que tous fassent des concessions. Il convient toutefois de se demander dans quel contexte. On peut difficilement dire qu’ici, tous doivent faire des concessions. Je crois que cela ne sera pas possible. Vous avez laissé entendre qu’on devrait instaurer le système de la double majorité. Cela est précisément la position du gouvernement fédéral et de la coalition. Il y a un large consensus sur cette question. Nous nous employons à y parvenir à l’intérieur de ce cadre. Je ne dois tout de même pas vous expliquer cela. Le Bundestag, de par ses commissions, est en contact étroit avec les partenaires. Vous connaissez les difficultés. Je ne souhaite pas les aborder dans le détail. Nul besoin d’exiger de nous que nous rencontrions les Britanniques, les Français, les Espagnols, les Polonais, les Slovènes, les Hongrois ou qui que ce soit d’autre- pour ne mentionner que ceux que nous avons rencontré au cours des derniers jours et semaines : ces rencontres vont de soi. Permettez-moi de souligner que la présidence irlandaise dispose de notre pleine confiance. Son engagement et la manière de procéder qu’elle a proposée méritent, me semble-t-il, tout notre soutien, et le reçoivent déjà.
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Ce n’est pas au niveau de la Convention que se situent les problèmes, mais bien au niveau de la mise en œuvre des résultats de la Convention. La balle est dans le camp des États nationaux, des gouvernements participant à la conférence intergouvernementale. Vous affirmez que la mise en œuvre doit se faire ce printemps, sans quoi il nous faudra une nouvelle Convention. Je ne vois pas en quoi cela nous avancerait. Au fond, cela ne ferait qu’ouvrir la porte à une régression majeure. Tous ceux qui sont plutôt opposés à l’idée d’un processus constitutionnel - ce n’est pas ma position ; je soutiens pleinement ce processus - tous ceux-là n’auraient qu’à vous prendre au mot. Ils n’auraient qu’à bloquer jusqu’à l’été, pour ensuite entreprendre une nouvelle Convention. Alors, toutes les options seraient à nouveau ouvertes. Puis en fin de compte, il ne resterait rien du tout. Cette mise en garde, je tiens à la formuler expressément. Pour tout dire, cela ne m’apparaît pas bien judicieux.
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Il me fait plaisir que la CDU soit parvenue à une appréciation considérablement plus réaliste de la question de la Turquie. On ne peut manifestement pas en dire autant de la CSU. Selon elle, nous devrions nous opposer à une adhésion de la Turquie. Elle en fait une question émotionnelle, alors qu’il s’agit d’une perspective à long terme qui demande un examen rationnel. Je peux vous assurer d’une chose : cela ne mènera à rien. ...
J’en viens à la conclusion.
Je me réjouis du soutien du Bundestag, qui continue d’être convaincu de la nécessité d’une Constitution. Le gouvernement fédéral ne faillira pas dans sa volonté de compromis et son engagement afin de contribuer à la réussite de la présidence de l’Irlande. Mon souhait est que nous parvenions à une entente au cours de la présidence irlandaise. Mais si cela n’est pas possible, alors la tâche incombera à la présidence néerlandaise, qui s’y prépare déjà. J’espère qu’une solution sera trouvée dès le printemps. Je crois que cela est possible. Ce que nous pourrons faire en ce sens, nous le ferons.
Proche-Orient
Il faut saluer que les différents groupes parlementaires se soient accordés ici sur une motion commune et que la position de base de cette Chambre s’inscrive totalement dans la politique étrangère allemande qui a été suivie jusqu’à présent : nos liens privilégiés avec Israël, qui est notre partenaire et ami, se fondent sur la responsabilité historique et morale de notre pays pour les crimes de l’Holocauste.
Il en résulte une relation particulière, liée au fait que le droit à l’existence d’Israël - c’est-à-dire également le droit de ses citoyens à vivre sans crainte du terrorisme et de la violence - revêt à nos yeux une importance capitale. Il s’agit pour nous d’un droit inviolable et non négociable avec qui que ce soit. Ces principes sont d’application depuis Konrad Adenauer, indépendamment de la composition du gouvernement fédéral, et font partie des fondements de cette Chambre. Il est important de le signaler à nouveau dans un tel débat.
Mon expérience m’a montré que nos partenaires et amis arabes apprécient de savoir à quoi s’en tenir. Faire naître un doute à ce sujet n’apporterait rien. J’ai constaté qu’il règne un climat de confiance bien plus profond, précisément avec la partie arabe, une fois ces questions fondamentales clarifiées.
La situation actuelle se caractérise par le fait que le processus de paix piétine et que les attentats terroristes meurtriers contre les hommes, les femmes et les enfants se poursuivent en Israël. Du côté palestinien également, des innocents - des enfants, des civils - trouvent la mort. La souffrance reste donc bien présente des deux côtés.
Les solutions aussi sont évidentes. Je pense qu’il faut souligner ici, une fois encore, ce que le président Bush a exposé dans son discours du 4 juin dernier, à savoir que la solution découlera de la coexistence pacifique, côte à côte, de deux États démocratiques, Israël et la Palestine.
Venons-en à l’importance de l’initiative de Genève. Tout d’abord, permettez-moi de remarquer que tous les éléments ont été x fois passés au crible. Tous les détails relatifs à la question de l’eau, à la sécurité et à la délimitation territoriale jusque dans les moindres recoins, entre autres, ont été négociés non dix fois, non cent fois, mais probablement des milliers de fois - il suffit de regarder dans les archives des deux parties. On dispose même d’éléments de solution pour les questions les plus complexes, telles que le statut de Jérusalem et le droit au retour des réfugiés. Le véritable problème ne se pose donc pas par ignorance du statut définitif. Il s’agit plutôt d’une question de volonté politique et, au-delà, de la capacité à faire adopter les propositions et obtenir une majorité.
L’immense écho qu’a rencontré sur le plan international, mais aussi en Israël et du côté palestinien, la proposition d’un règlement prévoyant deux États, énoncée par des particuliers et non par des membres du gouvernement - comme on l’a fait remarquer -, a mis en évidence le fait qu’il existe un vide au niveau de la perspective de paix. L’initiative de Genève mérite d’être encouragée, précisément en vertu du fait qu’un compromis historique entre ces deux peuples dans ce conflit long et tragique est devenu envisageable parce qu’il existe désormais des éléments de solution.
Les difficultés résident cependant sur la voie menant à cette solution. À notre avis, il est ici indispensable de s’en tenir à la Feuille de route.
Au vu des difficultés, qui sont actuellement énormes, j’aimerais rappeler l’expérience suivante. À la suite de l’échec de l’accord de Camp David, où les États-Unis, sous la direction du président Clinton, étaient alors les seuls négociateurs, l’ancien sénateur américain Mitchell a fait une nouvelle tentative et soumis ce que l’on nomme les propositions Mitchell. Que reste-t-il aujourd’hui de ces propositions ? Pour la première fois dans l’histoire du conflit du Proche-Orient, les principaux acteurs internationaux ont adopté une position commune. Cela peut sembler insignifiant de prime abord, mais cette unité de la communauté internationale est selon moi d’une importance cruciale. Les États-Unis, l’Europe, la Russie et les Nations Unies, représentées par le Secrétaire général, ont tenté de faire évoluer la situation dans la même direction.
Cette position a été reprise dans le Quatuor, au sein duquel l’Europe est représentée par Javier Solana. Dans ce contexte, je conseille vivement à tous de ne remettre en aucun cas cet élément en question et de ne pas y renoncer. Il est d’une importance primordiale. Si ce Quatuor venait à se diviser, les deux parties essaieraient à nouveau de faire prendre aux différents partenaires des positions diverses, comme nous l’avons souvent vu au cours des décennies précédentes, selon la formule : si cela ne fonctionne pas de ce côté-ci de l’Atlantique, essayons de l’autre côté et inversement. Tels sont pour moi les éléments déterminants qui jouent en faveur de la Feuille de route, en tant qu’accord supporté par la communauté internationale.
Permettez-moi d’ajouter ceci à l’adresse du FDP. Tout d’abord, je pense que le ton joue un grand rôle. Si votre motion avait été adoptée par le Bundestag, nous aurions dû fournir nombre d’explications en Israël - je peux vous le garantir - et nous aurions obtenu l’opposé de ce que souhaite cette Chambre et de ce que je défends.
Dans un conflit aussi sensible, ce n’est pas uniquement notre vision des choses qui importe, mais la façon dont nous sommes perçus. Notre histoire est souvent un fardeau, mais dans le conflit du Proche-Orient, nous avons acquis un capital de confiance des deux côtés, et ce, déjà bien avant le présent gouvernement. J’ai fait remarquer auparavant qu’il s’agissait d’une longue tradition. Nous devrions y prendre garde. Cela signifie qu’en raison de la situation de menace vitale et des angoisses engendrées par cette menace, nous devons agir avec beaucoup de tact à l’égard de tous ceux avec qui nous discutons. C’est la raison pour laquelle je suis heureux qu’ici, dans l’ensemble, le ton soit différent - comme je l’ai dit, le ton adopté est souvent très important dans le conflit du Proche-Orient. Je n’ai pas le temps de m’attarder davantage sur ce sujet.
Un deuxième élément essentiel dont il est question actuellement - cette discussion vient d’être abordée en Israël et est menée depuis quelque temps déjà du côté palestinien - est la démographie. Si l’on souhaite conserver la structure démographique - ce que nous soutenons en reconnaissant le droit à l’existence d’Israël, d’un État juif d’Israël -, le règlement prévoyant deux États est incontournable. En effet, toute autre solution mènerait à ce que la structure démographique, dans un avenir pas trop éloigné, aille à l’encontre du caractère juif de l’État d’Israël.
Le troisième élément est que le terrorisme et la violence doivent prendre fin. Le quatrième : les Palestiniens doivent avoir une perspective. Ils n’accepteront pas de perdre d’autres territoires. Ce sont les éléments dont il est réellement question lorsqu’on parle de construction et de démantèlement des colonies.
Je peux vous assurer que le gouvernement fédéral va continuer de soutenir le laborieux processus de rapprochement, de l’accompagner, de développer des idées, parce que ce conflit se déroule dans une région extrêmement dangereuse. Autant je suis en faveur d’une initiative pour le Proche-Orient telle qu’elle aété conçue par les États-Unis après les événements du 11 septembre 2001, autant je ne crois pas qu’une telle initiative puisse être couronnée de succès si l’on pense pouvoir la mettre en œuvre en contournant le conflit du Proche-Orient. Nous ne devons pas nous rendre otages de ce conflit, mais nous ne pourrons pas non plus le mettre de côté.
Il est nécessaire, à l’avenir, d’en discuter avec nos partenaires américains.
Résoudre le conflit du Proche-Orient n’est certainement pas tout. Ce conflit n’est pas non plus la cause de tous les développements négatifs au Proche-Orient. Il faut combattre de telles affirmations. Depuis la création de l’État d’Israël en 1948, le conflit a toujours été utilisé pour détourner l’attention de l’échec des élites nationales, des situations intolérables, du manque de perspectives de développement et autres. Cependant, si le conflit du Proche-Orient n’est pas résolu par un compromis historique, il n’y aura pas de paix durable dans la région. C’est aussi un point essentiel que nous devons prendre en considération.
Sur cette base, nous allons tenter de faire avancer le processus. L’initiative de Genève a été un pas essentiel dans cette direction et mérite, en tant que tel, tout notre soutien. Mais que les choses soient claires : la voie qui mène à la paix passe par la Feuille de route, par l’unité de la communauté internationale et surtout par la cessation du terrorisme et de la violence.
Je vous remercie.
Traduction officielle du ministère fédéral allemand des Affaires étrangères
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