Mesdames et Messieurs,

J’ai tenu cet après-midi une réunion avec Thierry BRETON, Dominique PERBEN, Nelly OLIN et François LOOS sur les conséquences de la hausse du prix du pétrole et la politique énergétique de la France. Face à la crise pétrolière je veux poser plusieurs exigences :

Une exigence de vérité, d’abord, car cette crise est appelée à durer. Tous les facteurs sont réunis pour que le pétrole reste cher dans les années et les décennies à venir :

 Premièrement, le pétrole est une ressource épuisable, qui va se faire de plus en plus rare ; les réserves connues aujourd’hui sont équivalentes aux besoins de consommation tel qu’estimés d’ici 2030. Mais la raréfaction progressive des ressources face à une demande croissante se fera sentir bien avant cette date ;

 Deuxièmement le nombre de consommateurs augmente en effet rapidement. La Chine et l’Inde, qui connaissent une croissance vigoureuse, viennent s’ajouter aux pays occidentaux pour "tirer" sur les réserves disponibles ;

 Troisième facteur, les tensions politiques au Moyen-Orient, qui concentrent les 2/3 des réserves connues de pétrole, risquent de perdurer.

La deuxième exigence, c’est celle de la transparence, car nous sommes face à des enjeux décisifs pour notre avenir et celui de nos enfants :

 enjeu décisif pour notre indépendance énergétique. Grâce aux politiques mises en œuvre sous l’impulsion du général de Gaulle et de ses successeurs, notre production nationale couvre aujourd’hui la moitié de nos besoins énergétiques (contre 20 % en 1973). Cet acquis doit être conforté, car c’est cette orientation qui seule nous permettra de protéger dans la durée le pouvoir d’achat des Français et la croissance.

 enjeu décisif aussi pour le développement durable et la lutte contre le réchauffement climatique, qui sont au coeur de la loi de programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique.

Sur ce sujet comme sur tous ceux qui concernent l’avenir du pays, mon Gouvernement est attaché à ce qu’un débat public informé et sérieux puisse se développer. Tout en redonnant des perspectives claires à notre programme nucléaire, avec la décision de construire un démonstrateur d’une nouvelle génération de réacteurs, le Gouvernement organisera à la rentrée un débat public sur les déchets.

C’est dans cet esprit, et dans la vie tracée par le Président de la République que je veux aujourd’hui vous dire quelle est notre stratégie et comment elle entend répondre aux défis d’un pétrole cher.

I - Notre stratégie s’articule autour de 3 axes

Premier axe : une politique de relance des investissements énergétiques.

 Relance des investissements dans le domaine pétrolier d’abord. Nos capacités de raffinage sont actuellement saturées et ne permettent pas de satisfaire convenablement la demande française. Il revient à Total et aux autres entreprises pétrolières, qui réalisent des profits importants, d’engager rapidement cet effort d’investissement dont notre pays a besoin. Cette entreprise doit contribuer de manière équitable à la préparation de l’avenir.

 Des investissements dans le nucléaire également. Nous avons aujourd’hui le parc de centrales nécessaire pour satisfaire notre consommation électrique à l’horizon 2020. Mais nous devons dès aujourd’hui préparer la nouvelle génération de centrales. C’est le sens de la décision prise de construire dès maintenant le réacteur nucléaire de nouvelle génération de Flamanville.

Deuxième axe de notre stratégie : une politique de développement des énergies renouvelables.

 Nous ne faisons par le choix du "tout nucléaire", mais au contraire celui d’un véritable bouquet énergétique comportant le développement des énergies renouvelables - l’hydroélectricité, l’éolien, les biocarburants, le solaire.

 Contrairement à une idée reçue, la France est déjà bien placée dans ce domaine. Nous sommes le premier producteur européen d’énergies renouvelables, grâce notamment à nos barrages hydrauliques et aux biocarburants. 14% de notre consommation d’électricité est assurée par ce type d’énergie. Nous avons une marge de progression importante, car ces nouvelles énergies deviennent des alternatives de plus en plus intéressantes à mesure que le prix du pétrole monte.

Les énergies renouvelables doivent permettre de satisfaire prés du quart de la consommation électrique à l’horizon 2010. Nous nous donnons les moyens de cette ambition :

* Nous dopons les incitations fiscales sur les biocarburants. Le Gouvernement a engagé les processus d’agrément supplémentaires, après appel d’offres à l’échelle européenne, pour atteindre les objectifs fixés dans la loi d’orientation : un taux d’incorporation dans les carburants de 2 % en 2005 et 5,75 % en 2010 est prévu ;

* Nous définissons par ailleurs des tarifs favorables de rachat de l’électricité produite par les énergies renouvelables. De nombreux projets d’investissements nouveaux sont d’ailleurs en chantier.

Le troisième axe, c’est la relance de la politique d’économies d’énergies .

L’Etat prendra toute sa part :

 par la fiscalité. Dans le cadre de la préparation du prochain budget, j’ai notamment demandé à Thierry Breton de renforcer les crédits d’impôt qui existent actuellement, en faveur des voitures propres et en faveur de l’acquisition de chauffages fonctionnant à partir d’énergie renouvelable (chauffe-eau solaire, pompe à chaleur), ou à partir de chaudières très économes ou de matériaux isolants ;

 par la relance des investissements publics en faveur des transport collectifs

 par la recherche sur les véhicules propres, qu’ils soient électriques ou à hydrogène, en s’appuyant notamment sur la dynamique des pôles de compétitivité et sur l’agence de l’innovation industrielle.

Au-delà des actions que l’Etat va engager, il revient aussi à chaque Français de faire preuve d’esprit de responsabilité et d’adapter ses comportements à la nouvelle donne pétrolière. A titre d’exemple, abaisser de 10 km/h sa vitesse moyenne sur route représente :

* pour la collectivité une économie de 1,5 million de tonnes de pétrole (sur une consommation annuelle de 100 millions de tonnes) ;

* pour un conducteur qui effectue 10 000 kms par an une économie annuelle de 140€.

II - Au-delà de cette stratégie, je veux répondre aux deux questions qui se posent aujourd’hui de manière urgente :

 l’affectation des éventuels surplus de recettes pétrolières ;

 et la réponse à apporter aux catégories professionnelles les plus directement exposées au renchérissement du pétrole.

1 - S’agissant des recettes pétrolières, je veux être clair .

 Les carburants supportent deux types de taxes : la taxe intérieure sur les produits pétroliers et la TVA

* La TIPP est perçue sur les volumes de carburants et non sur le prix de vente du produit. Lorsque le prix du pétrole augmente, les recettes de TIPP perçues par l’Etat tendent à diminuer, dans la mesure où les Français réduisent leur consommation ou se tournent vers des véhicules roulant au diesel, qui est moins taxé ;

* La TVA, pour sa part, est perçue sur le prix de vente du produit. Les recettes de la TVA tendent donc bien à augmenter avec le prix du pétrole.

Au total, l’expérience prouve que l’effet net de ces deux mouvements est difficile à prévoir et, en toute hypothèse, moins favorable au budget de l’Etat qu’on ne pourrait le croire.

 J’entends cependant que ces recettes pétrolières ne soient l’objet d’aucune polémique.

* C’est pourquoi je m’engage à ce que l’Etat ne bénéficie pas de « recettes d’opportunité ».

* C’est pourquoi j’agirai dans la transparence. Je demande au Ministre des Finances de réunir à l’automne une commission indépendante d’évaluation. Celle-ci associera les assemblées parlementaires. Cette commission évaluera le montant des éventuelles recettes supplémentaires de TVA et de TIPP induites par la hausse du prix du pétrole. Le montant des recettes pétrolières sera clairement identifié dans la situation budgétaire qui est publiée chaque mois

S’il s’avère que ces recettes sont supérieures à celles inscrites dans le budget, elles seront rétrocédées aux Français les plus directement exposés :

* d’une part, le carburant représente une composante majeure des coûts de production d’une part ;

* d’autre part, ceux qui travaillent et qui touchent des revenus proches du SMIC et qui pourront alors bénéficier d’une augmentation de la prime pour l’emploi.

Une telle redistribution, ciblée sur ceux qui travaillent et qui sont les plus durement touchées par le renchérissement du baril, est plus juste qu’une réactivation de la TIPP flottante. Cette dernière option ne procurerait au surplus qu’un avantage imperceptible à chaque automobiliste. A supposer que l’Etat mobilise 400M€, chaque consommateur français ne bénéficierait que d’une baisse d’1centime d’euro par litre. De plus, il vaut mieux encourager le travail que la consommation de produits polluants, alors même que nous faisons de la lutte contre le réchauffement climatique une priorité.

2 - la deuxième réponse à apporter concerne les professionnels les plus directement exposés : les transporteurs routiers, les agriculteurs, les pêcheurs, les chauffeurs de taxis .

 Nous avons d’ores et déjà pris, à destination de chacune de ces professions, des mesures importantes de réduction de la fiscalité et des charges. Les agriculteurs et les chauffeurs de taxi bénéficient d’une fiscalité des carburants plus favorable, les pêcheurs en sont exonérés. Les transporteurs routiers, pour leur part, bénéficient d’une fiscalité allégée au titre de la TIPP et de la taxe professionnelle.

 Ces mesures d’urgence, même si nous les dopons dans la mesure où les règles d’harmonisation européenne nous le permettent, ne sauraient suffire. Nous devons définir un véritable plan d’adaptation de chacun des secteurs à la nouvelle donne pétrolière. C’est dans cet esprit que je demande aux ministres concernés de rencontrer les différentes professions dès les semaines qui viennent. Je réunirai en septembre tous les ministres en charge de ces dossiers pour faire le point des actions à engager.

Mesdames et Messieurs, vous le voyez, le Gouvernement est mobilisé pour renforcer notre indépendance énergétique :

 je réunirai à échéances régulières un groupe d’experts sur l’énergie, pour apprécier l’évolution des marchés et la situation des entreprises qui opèrent sur ces marchés. Une première réunion se tiendra dès le 26 août prochain.

 Sur la base notamment de ces expertises, je ferai régulièrement le point avec mes ministres des actions à mettre en œuvre et j’en rendrai compte aux Français lors de mes points de presse mensuels.

Mon Gouvernement est tout autant mobilisé sur la croissance :
 Grâce à sa stratégie d’indépendance énergétique, notre pays est moins exposé que d’autres au renchérissement du baril : notre inflation reste ainsi inférieure à 2% malgré un prix du pétrole historiquement très élevé.
 Après les chiffres provisoires de croissance du second trimestre, les dernières informations conjoncturelles indiquent que notre économie se replace sur une trajectoire plus favorable.

Des mesures très importantes de soutien conjoncturel ont déjà été engagées :

Ainsi
 la baisse des taux d’intérêt ;
 le plan d’urgence pour l’emploi ;
 le dégrèvement de taxe professionnelle pour les investissements nouveaux ;
 la mobilisation de nouvelles sources de financement pour les PME avec la création d’OSEO et du nouveau marché ALTERNEXT ;
 la lutte contre la dérive des prix dans la grande distribution avec la réforme de la loi Galland.

Le Gouvernement prépare pour la rentrée, les conditions d’une relance de la croissance, par sa politique économique, par la dynamisation des négociations salariales de branche, par la relance de la participation, par la mobilisation des recettes de privatisation.