« Allié états-unien et homme d’État européen »

Les efforts de Tony Blair pour former un triumvirat en Europe avec la France et l’Allemagne n’ont pas suscité de réactions officielles de Washington, mais cela ne veut pas dire qu’on ne s’y intéresse pas aux États-Unis. À Washington, certains regardent avec anxiété son initiative et certains la voient même comme une trahison.
Ils craignent de voir le Royaume-Uni s’éloigner des États-Unis alors même que Washington considère que ce pays est la clé pour maintenir son influence en Europe. Or ce rapprochement intervient justement au moment où l’Union européenne lutte pour développer son influence dans le monde grâce à son poids économique, où elle tente d’unifier sa politique étrangère et de défense et où elle s’étend aux pays d’Europe de l’Est. La future direction que prendra l’Union européenne est un élément vital pour Washington alors que l’actuelle administration est bien plus hostile que ses prédécesseurs à une Europe politiquement intégrée, une vision partagée par la France et l’Allemagne, pas par le Royaume-Uni.
Il ne faut pas croire cependant que Blair épouse le principe du triumvirat uniquement pour promouvoir une Europe décentralisée, libérale et atlantiste. Il veut également se donner une stature européenne avant les élections et il peut apporter à l’Europe le poids militaire britannique. Le Royaume-Uni ne parviendra pas à s’intégrer totalement dans le couple franco-allemand, mais il peut travailler avec lui dans les domaines de la sécurité et de la politique étrangère. Le Royaume-Uni va s’efforcer de se positionner entre les États-Unis et l’Europe sans choisir réellement un camp.