Barbara Amiel n’hésite pas à affirmer dans le Daily Telegraph que, qui que soient les terroristes responsables, il s’agit d’un groupe « satanique » (sic !) dont la logique est encore plus étrangère au mode de pensée occidental et « maléfique » que ne l’étaient le nazisme et le communisme. Les groupes terroristes (appellation dans laquelle l’épouse de Lord Conrad Black regroupe Al Qaïda, l’ETA, le Hezbollah et le groupe AZF) sont une incarnation du Mal contre laquelle il faut prier et tirer. L’essayiste Pascal Bruckner n’est pas très loin de cette analyse dans l’interview qu’il accorde au Figaro bien qu’il prenne soin quant à lui d’éviter les métaphores bibliques. Il n’exclut pas que les attentats de Madrid aient pu être l’œuvre d’une alliance entre ETA et Al Qaïda et affirme que sous la pression des « progressistes » et des « tiers-mondistes », « l’Occident » a mis trop longtemps à affronter ce problème. Comparant le terrorisme à un totalitarisme, il prétend que l’héritage des mouvements anti-impérialistes et anti-coloniaux en Europe a empêché cette dernière de comprendre que le terrorisme visait à la destruction de tous les « infidèles » et qu’il faut s’engager dans une guerre à mort contre lui. De son côté, The Independent reproduit les extraits d’un discours de Tony Blair à la convention du New Labour à Manchester. Le Premier ministre britannique y affirme que la lutte contre le terrorisme est l’équivalent de ce qu’a été la guerre contre le nazisme pour la génération de son père et la lutte contre le communisme pour sa génération. Reprenant à son compte la rhétorique post-11 septembre, il conclut que l’objectif visé par les attentats de Madrid est de détruire le mode de vie européen et la démocratie.
Ces trois points de vue ne forment en fait qu’un seul argumentaire adapté aux différents publics visés. Il substitue une vision religieuse, quasi-apocalyptique, à toute réflexion politique. Il réduit le terrorisme aux actions conduites contre des cibles atlantistes et amalgame tous ceux qui le pratiquent en une seule entité diabolique.
Ce discours inquiète la baronne Helena Kennedy, ancienne conseillère de la reine Elizabeth II d’Angleterre. Dans le Guardian, elle affirme que cette argumentation vise à faire accepter aux populations l’instauration d’un nouveau régime légal qui réduit les libertés des citoyens et qui est en train de contaminer tous les secteurs du droit. Au nom de la sécurité, l’Europe adopte des concepts légaux imaginés par les think tanks états-uniens les plus réactionnaires.
Le terrorisme n’est pas instrumentalisé que pour limiter les droits des populations et on se souvient de la façon dont les supposés liens entre l’Irak et Al Qaïda avaient été mis en scène pour justifier du déclenchement de la guerre. Le journaliste états-unien Matt Bivens, dans le Moscow Times, revient sur cet épisode et rappelle que le groupe d’Abu Musab al-Zarqawi, aujourd’hui accusé d’avoir tué plus de 700 personnes en Irak, avait été cité dans le rapport de Colin Powell au Conseil de sécurité de l’ONU. Or, ce rapport était accompagné de nombreuses photographies satellitaires de ses camps d’entraînement. Ils se trouvaient, non pas dans le territoire irakien contrôlé par Saddam Hussein, mais dans le Kurdistan autonome sous contrôle aérien des États-Unis. Dès lors, comment expliquer, si ce groupe est si dangereux, que les États-Unis n’aient pas bombardé des infrastructures qu’ils avaient localisées ?

Ami Ayalon, ancien directeur du Shin Bet et partisan de la solution des deux États affirme dans le Jerusalem Post que la solution aux attentats en Israël ne peut être qu’un accord de paix. Il fustige par ailleurs l’orgueil nationaliste qui refuse un retrait des territoires parce que ce serait une humiliation pour Israël et que cela pourrait être perçus comme une victoire du Hamas. Pour lui, cela ne sera considéré ainsi que si aucun effort n’est fait pour trouver un accord avec les Palestiniens.

L’écrivain mexicain Carlos Fuentes dénonce dans le Los Angeles Times le nouvel article du théoricien du « choc des civilisations », Samuel Huntington. En effet, après avoir annoncé l’affrontement entre « l’Occident » et l’islam, Huntington s’attaque maintenant aux immigrés mexicains qu’il accuse d’invasion et de séparatisme. Pour Fuentes au contraire, loin d’être une invasion, cette immigration est un facteur de richesse, mais surtout un apport culturel qui ne peut qu’enrichir une société états-unienne tentée par le repli sur soi-même.

Le champion d’échec d’origine azéri Gary Kasparov dénonce la dérive dictatoriale de la Fédération de Russie dans le Wall Street Journal. En partant du présupposé que le pays était une vraie démocratie du temps où elle était dominée par les oligarques, il demande que le président Poutine soit sanctionné pour s’en être pris à Mikhail Khodorkovsky. Son texte, paru le jour de l’élection présidentielle russe, appuie la demande des sénateurs états-uniens John McCain et Joseph Lieberman d’exclure la Russie du G8.

Enfin, exemples à l’appui, Aziz Mekouar, ambassadeur du Maroc aux États-Unis, affirme aux lecteurs du Washington Times que son pays est sur la voie de la démocratie. Toutefois, on se demandera naïvement ce que signifie la « démocratisation » d’un pays, quant elle se mesure par un accord de libre-échange avec les États-Unis et des privatisations d’entreprise.