Monsieur le Président de l’Etat d’Israël,

Madame,

C’est un moment particulier, où se mêlent l’émotion, l’amitié et le cœur, et qui nous rassemble ce soir.

Emotion de cette visite en France du président de l’État d’Israël, un pays dont l’âme et l’histoire sont profondément imprégnées de courage, d’épreuves et d’espérance. Un pays dont la souffrance et la douleur n’ont d’égales que sa légitime aspiration à la paix et son inlassable combat pour sa reconnaissance et la dignité de son peuple.

Amitié de cette rencontre à Paris avec le plus haut représentant d’une nation que des liens si étroits et si anciens unissent au peuple de France. Une nation à laquelle nous relient depuis si longtemps les fils de la culture, de l’esprit et du cœur.

Aussi, permettez-moi de vous souhaiter la plus chaleureuse des bienvenues et de former avec vous les vœux les plus sincères pour que votre séjour marque une étape nouvelle dans la longue et riche histoire d’Israël et de la France.

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Dans le cœur des Français, Israël éveille une double résonance : celle de la tragédie et celle du génie créateur.

La tragédie, aucun Français ne peut échapper à sa douloureuse mais indispensable mémoire. J’ai tenu, peu après ma prise de fonctions, à ce que la France assume tout son passé, y compris celui des heures sombres où, reniant son génie et ses idéaux, elle permit que l’irréparable fût commis à l’égard de celles et de ceux qu’elle avait le devoir de protéger.

A travers leurs noms, ceux des martyrs assassinés par la barbarie nazie, se lisent aussi l’espérance et la vie qui renaît et dont Israël est le témoignage si fort. Tous ces noms, toutes ces âmes, dont Yad Vashem fait vivre le souvenir, portent le rêve d’une communauté éloignée des fanatismes, ouverte et généreuse, mais aussi forte de son identité, fière de son histoire, de sa culture, de sa spiritualité.

Telle est ma vision d’Israël : cet optimisme magnifique, cette ténacité créatrice, ce désir de transmettre les belles valeurs dont le peuple juif est porteur depuis toujours. Le visage aussi d’une démocratie exigeante et vigoureuse.

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Forte de la deuxième communauté juive du monde, présente sur son sol depuis près de 2000 ans, la France, plus que tout autre pays, sait tout ce qu’elle doit au génie du peuple juif, tout ce qu’elle a reçu de la culture et de la tradition juives. Faut-il rappeler ces innombrables figures, tous ces Français illustres qui ont façonné, dans les arts, les sciences, l’industrie, la politique, l’identité de notre pays ? La République n’oublie rien de ce que les Juifs de France ont apporté depuis si longtemps à sa grandeur.

A tous, je veux redire ici mes sentiments d’affection et mon engagement personnel, ma vigilance sans faille et celle du gouvernement contre toute forme d’antisémitisme. Dans notre pays, terre des Lumières, terre de tolérance, terre de liberté et de fraternité, chaque manifestation de haine raciale ou religieuse, chaque insulte, chaque acte antisémite est une agression contre la France tout entière, contre chaque Français.

Devant vous, Monsieur le Président, je veux rappeler notre détermination sans faille à combattre ce fléau. Je l’ai dit et je le redis, la France ne laissera rien passer. Nos concitoyens juifs peuvent lui garder toute leur confiance. La France n’est pas antisémite, mais elle n’accepte pas non plus les accusations qui portent atteinte à son honneur.

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Intransigeante sur cette question qui met en jeu l’essentiel, la France l’est également pour affirmer le droit absolu d’Israël à vivre en paix et en sécurité au sein de sa région.

Cette exigence n’est pas seulement celle que commande le droit international, qui a donné à l’Etat d’Israël sa pleine légitimité lors du partage du mandat de Palestine. Elle va bien au-delà ; elle touche à la reconnaissance incontestable du droit du peuple juif à un Etat, après tant de siècles de dispersion et de malheurs.

"Un tel pays, observait Lamartine, repeuplé d’une nation jeune et juive, cultivé et arrosé par des mains intelligentes, fécondé par un soleil de tropique, produisant de lui-même toutes les plantes nécessaires ou délicieuses à l’homme, serait encore la terre de promission aujourd’hui si la Providence lui rendait un peuple, et la politique du repos et de la liberté".

Au siècle suivant, ce vœu devint l’ardent dessein d’une poignée d’hommes qui firent le serment du retour vers la terre d’Israël. La France l’entendit très tôt : dès juin 1917, Jules Cambon, alors Secrétaire général du Quai d’Orsay, exprimait, avant même la déclaration Balfour, "la sympathie du gouvernement français pour la renaissance de la nationalité juive sur cette terre d’où le peuple d’Israël a été chassé il y a tant de siècles".

C’est cette même conviction qui conduisit la France à prendre une part active à la fondation de votre Etat et à lui apporter un appui résolu dans sa phase de construction. Fidèle à cet héritage dont elle est fière, c’est cette même conviction, inébranlable, qui l’anime aujourd’hui.

Chacun sait l’horreur des violences auxquelles Israël est confronté depuis l’automne 2000. Aucune cause ne peut justifier le terrorisme qui frappe aveuglément les hommes, les femmes, les enfants. Sachez, Monsieur le Président, que chacun de ces crimes nous bouleverse, nous révolte, et que nous les condamnons sans appel. La France sera toujours aux côtés d’Israël quand le fanatisme, la haine, tenteront de remettre en cause sa légitimité ou son existence.

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Oui, la France comprend qu’Israël mette au premier plan de ses préoccupations sa sécurité et celle de ses citoyens. Et c’est précisément parce qu’elle est si fortement attachée à l’avenir d’un Israël en sécurité dans son environnement régional que la France souhaite si ardemment l’émergence d’une solution pacifique et veut, pour sa part, y travailler activement.

Israël vit des drames et souffre de la violence. D’autres connaissent aussi la souffrance. Ce sont vos voisins immédiats, auxquels votre destin est lié par l’histoire et par la géographie. Les Palestiniens aussi ont droit à la paix, à la dignité, à un avenir et à un Etat.

Je sais qu’il est difficile de songer même à la paix lorsque des enfants sont fauchés sur le chemin de l’école, lorsque le terrorisme frappe et tue, lorsque la peur, le ressentiment, gagnent les esprits et les cœurs. Mais faut-il se résigner pour autant à ce qu’il y ait toujours davantage de morts, de vies brisées, de douleurs, de drames ? Le moment n’est-il pas venu, malgré tout ce qui sépare et oppose, de rompre le cercle de la violence et du désespoir, qui ne peut conduire qu’à plus de chaos ? Nous savons, nous, Français, qu’il n’y a pas de fatalité à l’opposition entre les peuples. Notre Histoire récente nous a démontré que les ennemis irréductibles d’hier peuvent, par la force du courage, de la volonté et de la lucidité de quelques dirigeants, et, en fin de compte, avec le large soutien de leurs peuples, devenir des partenaires et des amis.

Cette paix et cette sécurité que nous souhaitons si fortement pour Israël, pour les Palestiniens, pour toute la région, ne seront obtenues qu’à travers un règlement négocié, fondé sur le droit international. Pour y parvenir, la France demande à toutes les parties de mettre en œuvre sans retard la feuille de route agréée par le Quartet, acceptée par les deux parties et endossée par le Conseil de sécurité des Nations unies. L’objectif doit être, en tout état de cause, la création, aux côtés d’Israël, d’un Etat palestinien viable. Toute initiative doit nécessairement s’inscrire dans cette perspective. S’en écarter, rechercher d’autres voies, c’est prendre le risque de voir le conflit se prolonger indéfiniment.

La France sait les sacrifices qu’imposera nécessairement la paix. De même qu’elle appelle Israël à tenir tous ses engagements, notamment en ce qui concerne l’arrêt des implantations de colonies, la France appelle aussi l’Autorité palestinienne à prendre sans tarder les mesures indispensables pour lutter résolument contre les groupes radicaux qui pratiquent le terrorisme et contestent la légitimité d’Israël.

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Monsieur le Président, Madame,

Israël et la France entretiennent une relation riche et prometteuse, que j’ai plaisir à évoquer ici.

Avec la conviction qu’il fallait s’appuyer sur l’immense potentiel et sur l’intimité qui existent entre nos deux peuples, nous avons entrepris, depuis deux ans, de resserrer nos liens.

Je tiens ici à saluer les co-présidents israélien et français du Groupe de travail constitué à cet effet nous en parlions tout à l’heure et qui a si brillamment rempli sa mission : l’ambassadeur Yehouda Lancry et le professeur David Khayat.

Leurs recommandations sont devenues réalité ou le deviendront bientôt davantage encore : vous participerez demain, Monsieur le Président, à l’installation officielle du Haut Conseil scientifique franco-israélien ; des rencontres exemplaires ont eu lieu ces derniers mois, entre villes jumelées, entre associations de jeunesse. Un forum d’intellectuels se tiendra en mai prochain pour traiter de ces " images réciproques ", souvent éloignées des réalités que nous nous renvoyons.

D’autres événements suivront. Je m’en réjouis, comme je me réjouis de la décision d’ouvrir un nouvel Institut culturel français à Tel-Aviv.

Le renforcement des relations entre nos deux pays s’exprime aussi dans le domaine économique et commercial, où les entreprises israéliennes et françaises s’illustrent brillamment. Six mille sociétés françaises exportent vers Israël ; certains de nos plus grands groupes industriels y sont présents, par exemple dans les secteurs des infrastructures ou de l’eau. Quelle réussite aussi de la part de l’économie israélienne, qui a accru ses exportations vers la France de 65 % depuis quelques années !

Comment, enfin, évoquer nos relations sans rappeler cette nombreuse communauté francophone d’Israël qui lie si intensément nos deux pays ? Je sais combien est importante pour elle, et au-delà, la question de la participation israélienne aux activités du mouvement francophone. La France souhaite qu’un consensus se crée pour permettre dès que possible l’admission d’Israël, qui y a toute sa place, au sein des instances de la Francophonie. D’ici là, des possibilités existent de développer des liens entre institutions israéliennes et réseaux francophones, notamment dans le domaine universitaire, dans celui des entreprises ou des collectivités territoriales. Ensemble, explorons ces possibilités.

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La France a foi dans la volonté des femmes et des hommes d’Israël, dont l’énergie, les talents et la ténacité forcent l’admiration, à maintenir avec elle une relation, forte, étroite, vivante. C’est l’intérêt de nos deux pays et de nos deux régions. L’Europe et le Moyen-Orient doivent construire leur avenir ensemble : la coopération qui se développe à travers le processus euro-méditerranéen de Barcelone est une chance pour tous. Israël y prend une part essentielle et je l’en remercie. La paix, lorsqu’elle viendra, ouvrira de plus grandes perspectives encore.

Mesdames et Messieurs,

Je vais lever mon verre pour célébrer l’amitié entre nos deux pays. Je suis heureux de proclamer à nouveau ici, ce soir, la vigueur de cette amitié en formant des vœux très chaleureux : voeux pour le bonheur et la prospérité du peuple d’Israël. Vœux pour la paix et pour le courage de celles et de ceux qui, contre vents et marées, contre les tenants de la violence, contre la force du ressentiment, s’acharnent à en explorer les voies. Vœux à votre intention, Monsieur le Président, Madame, en vous redisant mon plaisir de vous accueillir en visite d’Etat et de témoigner ainsi de l’attachement profond qui lie la France et Israël.

" Lé’Haïm " : à la vie !

Vive Israël !

Vive la France !