Il faudra peut-être attendre des semaines avant que l’identité des auteurs des attentats de Madrid soit connue, mais une chose est sûre : L’Europe n’a pas encore pris la pleine mesure de la menace terroriste dans son mode de vie.
Dans les instants qui ont suivi les attentats, le gouvernement espagnol, à l’exception de José-Maria Aznar lui-même, a dénoncé ETA en pensant que le Parti populaire bénéficierait du réflexe anti-ETA des électeurs. Les socialistes pour leur part avaient intérêt à dédouaner ETA car leurs alliés catalans sont liés aux indépendantistes basques et demandent la fin de l’interdiction de Batasuna, sa vitrine légale. C’est pourquoi la gauche espagnole a accusé Al Qaïda et présenté ces attaques comme une conséquence de la politique de José-Maria Aznar en Irak. Cette thèse fut défendue par le ministre de l’Intérieur français Nicolas Sarkozy et par le ministre des Affaires étrangères allemand Joschka Fischer. Tony Blair et Silvio Berlusconi défendaient eux la thèse d’ETA. Très vite on vit apparaître la division de l’Europe sur la guerre en Irak dans la thèse défendue par les uns et les autres.
Les dirigeants européens ont été si déterminés à lier l’attaque de Madrid à la politique d’Aznar en Irak qu’ils ne se sont pas interrogés sur la vraisemblance de la revendication d’Al Qaïda alors que des revendications de ce type sont reçues par douzaine tous les jours dans les rédactions. Affirmer qu’ETA pouvait être responsable n’était pas une folie, même si exclure toutes les autres pistes était une erreur. Toutefois, exclure totalement la piste ETA est une erreur bien pire. En effet, les Européens ont oublié une troisième hypothèse concernant ces attentats : ETA et Al Qaïda ont travaillé ensemble.
Ces deux groupes sont de même nature et l’ETA a des liens au Proche-Orient : il a entretenu des rapports étroits avec le Front Populaire de Libération de la Palestine et avec la Libye et il s’est rendu à un grand rassemblement « anti-impérialiste » à Téhéran, en 1985. De son côté, Al Qaïda a déjà encensé ETA et sa lutte pour l’indépendance du pays basque. On peut noter que de son côté Al Qaïda veut récupérer l’Andalousie. Ces deux mouvements sont des alliés politiques objectifs.

Source
Gulf News (Émirats arabes unis)
Gulf News est le principal quotidien consacré à l’ensemble du Golfe arabo-persique, diffusé à plus de 90 000 exemplaires. Rédigé à Dubaï en langue anglaise, il est principalement lu par la trés importante communauté étrangère vivant dans la région.

« In Spain, ETA and Al Qaida remain objective political allies », par Amir Taheri, Gulf News, 17 mars 2004.