Hervé Brusini, directeur délégué à l’information de la chaîne de télévision publique France 3, donne le plus parfait exemple de servilité qu’un journaliste puisse exprimer. Dans Libération, il se pose des questions éthiques : la presse ne met-elle pas la sécurité publique en danger en révélant telle ou telle information relative au terrorisme ? Aussi déplore-t-il le bon temps où le pouvoir politique donnait des instructions à la presse. Il se souvient avec émotion des années 80, lorsque un directeur du ministère de l’Intérieur réunissait les rédacteurs-en-chef dans son bureau pour écrire leurs journaux. À aucun moment, il ne semble lui venir à l’esprit qu’il pourrait assumer seul ses responsabilités, être autre chose qu’un transmetteur de paroles officielles. Face aux terroristes, il a choisi son camp : celui de l’État, pas celui de la vérité.
Toutefois, l’obéissance d’Hervé Brusini doit être relativisée : la rédaction qu’il dirige est une des meilleures dans le paysage audiovisuel français. Il ne fait au fond qu’écrire avec franchise ce que ses confrères, directeurs d’autres rédactions, font depuis longtemps. Le paradoxe est en effet, qu’aujourd’hui, l’audiovisuel public a acquis une autonomie face au pouvoir, tandis que l’audiovisuel privé ne l’a jamais souhaitée.

Donald Rumsfeld dans le New York Times et l’ambassadeur William Farish dans le Daily Telegraph dressent le bilan de l’opération « liberté en Irak », un an après son déclenchement. Ce résultat est si merveilleux que l’on en vient à conclure à l’ingratitude des Irakiens qui résistent à leurs libérateurs.
Au contraire, Dominique de Villepin campe sur ses positions dans un entretien accordé au Monde. Il réitère sa ferme condamnation de l’attaque de l’Irak et son exigence de transfert de souveraineté rapide aux Irakiens.

David Kay s’interroge sur sa découverte de l’absence d’armes de destruction massive en Irak. L’ancien patron des équipes de surveillance a donné un entretien au Figaro. Avec une naïveté déconcertante, il explique que l’erreur d’appréciation des services de renseignement provient de ce qu’ils ont rapporté ce que le régime de Saddam Hussein voulait donner à croire de son programme d’armement et non des faits précis. Cette méprise serait donc la faute de l’ennemi qui aurait bluffé. Mais il nous avait semblé que c’était là le b-a-ba de la guerre.

Le sénateur Edward M. Kennedy tire les leçons du vote des Espagnols dans le Los Angeles Times. Ils ont sanctionné José-Maria Aznar qui, à force de mensonges, les a entraînés dans la guerre contre l’Irak. Comme eux, les États-Uniens doivent sanctionner à leur tour George W. Bush.

Enfin, l’ancien ministre français des affaires étrangères, Hervé de Charrette, interprète sans originalité le discours atlantiste dans Le Figaro, au risque d’en lasser les lecteurs qui ont déjà lu les mêmes arguments, la veille sous la plume d’Alain Madelin. Pour introduire une variante, il ajoute donc une petite touche : les attentats de Madrid procèdent de « l’hyperterrorisme » dont le but est de « détruire le monde occidental ». Bigre ! Le néologisme « hyperterrorisme » a été introduit par François Heisbourg, célèbre expert qui nous fit trembler à propos des terribles armes de Saddam Hussein, pour faire le pendant du concept d’hyperpuissance, inventé par Hubert Védrine. Deux titans s’affronteraient dans un monde manichéen où nous devrions choisir notre camp. Cependant, outre qu’il reste à démontrer que l’hyperterrorisme n’est pas le fait de l’hyperpuissance, les attentats de Madrid, aussi sanglants qu’ils furent, ont fait moins de victimes civiles qu’une journée de bombardement sur l’Afghanistan ou sur l’Irak.