Le choc produit par les attentats de Madrid a mis en lumière le dilemme de l’Europe face à la guerre menée par les États-Unis.
Aussitôt que les responsables des attentats ont été connus, la réponse immédiate de la population espagnole a été une hostilité massive à la guerre d’Irak et à la décision de José-Maria Aznar de la soutenir. La défaite d’Aznar est la défaite de tous ceux qui ont directement ou indirectement soutenu la guerre. Cela a eu pour effet marquant la décision du gouvernement espagnol de retirer ses troupes après le 30 juin, précisément au moment où les États-Unis veulent renforcer les contingents de toutes nationalités dans le pays.
La crise de l’an dernier rappelle la politique d’indépendance de De Gaulle en France, mais à l’époque, aucun pays européen ne l’avait suivi. Dans le cas irakien, Gerhard Schröder et Vladimir Poutine se sont joints à la France et aujourd’hui c’est le tour de l’Espagne. Les partisans de la ligne américaine n’ont pas dit leur dernier mot. Le Royaume-Uni, qui restera proche des États-Unis même en cas de défaite de Tony Blair, a mobilisé les pays d’Europe centrale et orientale. Quand la Turquie rejoindra le club, ses positions pèseront lourd sur les politique de l’Union européenne au Moyen-Orient. Les États-Unis conservent donc un grand poids sur les politiques des pays européens.
On ne sait pas encore comment la politique européenne va évoluer. Les positions des pays d’Europe centrale et orientale se fondent sur des craintes anachroniques vis-à-vis d’une menace soviétique qui n’existe plus, mais elles n’évolueront que sur le long terme. L’Italie verra peut-être la défaite de Silvio Berlusconi, mais cela ne signifie pas qu’elle rompra avec une politique étrangère qui est la sienne depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Dans l’autre sens, les chrétiens-démocrates pourraient l’emporter en Allemagne, mais ils devront tenir compte d’une opinion publique qui soutient la politique étrangère de Schröder.
L’Europe va vivre une longue bataille interne avec une classe dirigeante européenne tentée par l’alignement avec les États-Unis et une opinion publique hostile.

Source
Gulf News (Émirats arabes unis)
Gulf News est le principal quotidien consacré à l’ensemble du Golfe arabo-persique, diffusé à plus de 90 000 exemplaires. Rédigé à Dubaï en langue anglaise, il est principalement lu par la trés importante communauté étrangère vivant dans la région.

« Europeans are facing a long internal battle », par Paul-Marie de La Gorce, Gulf News, 21 mars 2004.