Contexte

1. Un engagement de longue date

a) L’expérience nationale

Le terrorisme d’origine interne ou externe n’est pas un phénomène nouveau en Europe puisque, dans différents États membres, il constitue une menace récurrente depuis de nombreuses années. L’histoire de plusieurs États européens est émaillée d’actes de terrorisme et les citoyens et gouvernements européens ont dû affronter ses différents visages. C’est pourquoi, les États membres de l’UE qui ont été frappés par le terrorisme ont déjà élaboré des structures et des dispositions législatives nationales efficaces afin de combattre ce phénomène et de coopérer entre eux ainsi qu’avec des pays tiers, comme les États-Unis.

b) L’expérience européenne

Le Conseil européen de Madrid de 1995 a considéré, dans ses conclusions, que le phénomène du terrorisme constituait une menace pour la démocratie, le libre exercice des droits de l’homme et le développement économique et social. Il a constaté que, puisque le terrorisme prenait de plus en plus la dimension d’une activité transnationale, il ne pouvait pas être combattu d’une manière efficace uniquement par l’action isolée et les moyens propres de chaque État. Par la suite, le traité d’Amsterdam a fait référence à la lutte contre le terrorisme, parmi d’autres formes graves de criminalité. Ce problème a également été abordé en 1998 dans le plan d’action de Vienne concernant les modalités de mise en œuvre des dispositions du traité d’Amsterdam relatives à l’établissement d’un espace de liberté, de sécurité et de justice, ainsi que dans les conclusions du Conseil européen de Tampere de 1999.

Sur le plan opérationnel, une coopération intergouvernementale à l’échelle européenne dans le domaine du terrorisme et de la sécurité intérieure s’est mise en place dès 1975 au sein du groupe TREVI.

2. Les conséquences du 11 septembre la réaction rapide de l’UE

Les attaques du 11 septembre ont montré que le phénomène du terrorisme ne se limitait pas à la sphère nationale ou régionale et qu’il convenait de coordonner la lutte contre ce phénomène dans un contexte international plus large. Les actes terroristes sont le fait de réseaux dont l’internationalisation est croissante et qui sont financés essentiellement par des acteurs non étatiques.

Le terrorisme est donc devenu une menace de plus en plus imprévisible qui met en péril l’ouverture et la tolérance de nos sociétés et constitue un risque grandissant pour le monde entier. La prévention du terrorisme et la lutte contre ce phénomène représentent désormais l’une des missions les plus délicates de l’Union européenne, dont la réalisation passe par une action pluridisciplinaire coordonnée, compatible avec le respect des droits fondamentaux.

En raison de la longue histoire de la lutte antiterroriste en Europe et de l’expérience collective qu’elle a permis d’acquérir, la structure juridique et institutionnelle européenne dans le domaine de la justice et des affaires intérieures a pu s’adapter rapidement aux exigences accrues auxquelles elle a été confrontée à la suite du 11 septembre. Le 20 septembre 2001, le Conseil JAI a, lors d’une réunion spéciale, arrêté une série de mesures antiterroristes dans le domaine de la JAI ; le 21 septembre 2001, un Conseil européen extraordinaire a ensuite adopté un plan d’action européen très complet de lutte contre le terrorisme.

Une feuille de route détaillée relative à l’exécution de ce plan d’action a été rédigée en octobre 2001 et est régulièrement mise à jour afin d’assurer le suivi de la mise en œuvre de la série d’initiatives et de mesures recensées.

3. Avancées récentes dans le domaine de la JAI concernant la mise en œuvre du plan d’action

La coopération judiciaire et policière européenne figure depuis longtemps au tout premier rang de la lutte contre le terrorisme interne et international. L’expertise relative aux réseaux terroristes s’est développée principalement au sein des services judiciaires, de police et de renseignements et c’est d’ailleurs à ce niveau que doit naître toute stratégie efficace de lutte contre les attaques terroristes.

Un suivi des mesures antiterroristes relevant de la sphère de la JAI a été assuré dans six domaines : (1) coopération judiciaire, (2) coopération entre les services antiterroristes (services de police et de renseignements), (3) financement du terrorisme, (4) contrôles aux frontières, (5) autres mesures, et (6) mesures externes dans le domaine de la JAI.

1) Coopération judiciaire

Décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme

Cette décision-cadre a pour objectif de rapprocher la définition des infractions terroristes, de prévoir un seuil minimal commun pour les peines et sanctions applicables en cas d’infractions terroristes et d’arrêter des règles relatives à la compétence juridictionnelle des États membres.

La mise en place de ce cadre commun facilite la coopération policière et judiciaire et permet un alignement du droit pénal des États membres afin de lutter contre le terrorisme et de poursuivre les infractions terroristes de la même manière sur tout le territoire de l’Union européenne.

En outre, l’existence d’un cadre commun à l’intérieur de l’Union permettra une coopération plus étroite avec les pays tiers et la mise en œuvre d’instruments internationaux liés à la prévention et à l’éradication du terrorisme (comme les conventions des Nations unies ou la résolution n° 1373 du Conseil de sécurité des Nations unies).

Décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres

L’objectif de cet instrument est de faciliter l’extradition entre les États membres en remplaçant les instruments existants, c’est-à-dire les conventions d’extradition, par des procédures de remise plus rapides et plus simples faisant intervenir les services judiciaires, et non les autorités politiques. Le mécanisme prévu s’appuie sur la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires à travers l’Union.

La décision-cadre du Conseil du 22 juillet 2003 relative à l’exécution dans l’Union européenne des décisions de gel de biens ou d’éléments de preuve définit les règles selon lesquelles un État membre reconnaît et exécute sur son territoire une décision de gel rendue par une autorité judiciaire d’un autre État membre dans le cadre de procédures pénales. Cette forme de reconnaissance mutuelle automatique des décisions de gel émises en vue de l’obtention d’éléments de preuve ou de la confiscation ultérieure du bien permet l’exécution immédiate des décisions de gel.

L’unité Eurojust a été instituée par la décision du Conseil du 28 février 2002 en tant qu’organe indépendant, doté de la personnalité juridique, dont les objectifs sont d’améliorer la coordination des enquêtes et des poursuites dans les États membres, de faciliter la mise en oeuvre de l’entraide judiciaire internationale et l’exécution des demandes d’extradition et de soutenir les autorités compétentes des États membres pour renforcer l’efficacité de leurs enquêtes.

Selon la proposition de décision-cadre relative aux attaques visant les systèmes d’information, les États membres sont tenus de faire de l’accès illicite à des systèmes d’information une infraction pénale et de prévoir des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives, y compris des peines d’emprisonnement dans les cas graves.

2) Coopération entre les services de lutte contre le terrorisme

La décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative aux équipes communes d’enquête prévoit que les autorités compétentes de deux États membres au moins peuvent créer une équipe commune d’enquête, avec un objectif précis et pour une durée limitée, pour effectuer des enquêtes pénales dans un ou plusieurs des États membres qui créent l’équipe.

Recommandation du Conseil du 26 avril 2002 visant à la constitution d’équipes multinationales d’enquête ad hoc pour la collecte et l’échange d’informations relatives aux terroristes au stade préalable à l’enquête pénale (c’est-à-dire pour les services de renseignements). Par rapport à la véritable enquête judiciaire possible grâce à la création d’équipes communes d’enquête, cette recommandation s’attache aux mesures antiterroristes préventives et opérationnelles. Avant que l’équipe ne commence ses activités, il convient de s’assurer, grâce à une collecte préliminaire d’informations, qu’un acte terroriste va être commis ou est en train de l’être.

Europol s’est vu confier un rôle central dans la lutte contre le terrorisme à la suite des événements du 11 septembre. Son unité de lutte antiterroriste est chargée de collecter, d’échanger et d’analyser des informations sur le terrorisme international au moyen du fichier de travail à des fins d’analyse relatif au terrorisme islamique, fichier qui repose sur les contributions des États membres.

Europol produit également chaque année un rapport sur la situation et les tendances de l’activité terroriste dans l’UE ("Situation and Trends Report on the terrorist activity in the EU" (TE-SAT)).

Europol peut, à la demande d’un État membre, participer de façon effective aux activités des équipes communes d’enquête et des équipes multinationales d’enquête ad hoc mentionnées plus haut.

Le mécanisme d’évaluation de l’application et de la mise en oeuvre au plan national des engagements internationaux en matière de lutte contre le terrorisme (décision du Conseil du 28 novembre 2002) permet de procéder à l’appréciation des échanges d’informations sur les activités terroristes au niveau national entre services répressifs et services de renseignements, ainsi que de l’exécution des mesures arrêtées par l’UE et les Nations unies dans le domaine de la lutte antiterroriste, y compris l’application de la décision-cadre du Conseil relative à la lutte contre le terrorisme et de la résolution du Conseil de sécurité n° 1373 de 2001. Cet exercice d’évaluation sera étendu aux dix nouveaux États membres.

La recommandation du Conseil du 28 novembre 2002 relative à l’élaboration de profils terroristes souligne, en tant qu’élément principal du renforcement de la lutte antiterroriste, l’intensification de la coopération entre Europol et les autorités des États membres chargées de lutter contre le terrorisme.

Coopération opérationnelle entre services répressifs : l’UE facilite la coopération opérationnelle dans le domaine de la lutte antiterroriste par l’instauration de mécanismes d’échange d’informations plus performants au sein des services de police et des services de renseignements compétents.

Le groupe de travail "terrorisme" évalue la menace terroriste tous les six mois et tient à jour une liste commune des principales organisations terroristes. Il est également chargé de définir de nouveaux outils de coopération.

La task force des chefs de police de l’Union européenne et les responsables des unités antiterroristes de l’UE se rencontrent régulièrement pour s’échanger des informations et mettre en commun leur expérience.

3) Financement du terrorisme

Le succès des activités des terroristes dépend de la capacité de ceux-ci à faire circuler efficacement des capitaux par le biais du système financier mondial. À la suite du 11 septembre, les modes de financement du terrorisme ont été examinés de façon approfondie. L’UE a réagi rapidement en soutenant l’action des Nations unies et d’autres instances et prend également des initiatives dans ce domaine. La réduction des fonds terroristes est l’un des principaux domaines d’action visés par les mesures arrêtées par l’Union, dont la deuxième directive relative au blanchiment de capitaux adoptée en décembre 2001.

4) Contrôles aux frontières

S’agissant des contrôles aux frontières et de l’immigration, il existe plusieurs mesures portant notamment sur la lutte antiterroriste, en particulier pour ce qui est des contrôles aux frontières. Une gestion saine et efficace des frontières est essentielle dans ce domaine, en ce qu’elle contribue notamment à combattre la criminalité organisée et l’immigration clandestine et à maintenir le niveau élevé de sécurité intérieure auquel les citoyens peuvent prétendre. La Communauté et les États membres ont arrêté toute une série de mesures, dont des dispositifs de sécurité renforcés concernant les visas et les documents de voyage, qui améliorent les contrôles et la surveillance des frontières extérieures grâce à une coordination accrue et à des opérations menées en commun.

Au nombre des principales initiatives figurent :
 la proposition de la Commission de règlement du Conseil instaurant une agence européenne de gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (11 novembre 2003) : cette agence est chargée de coordonner les activités opérationnelles des États membres aux frontières extérieures et de faciliter l’application de l’acquis Schengen afin de garantir un niveau élevé de contrôle des personnes et de surveillance des frontières extérieures ;
 deux projets de proposition de la Commission (24 septembre 2003) définissant un format uniforme pour les visas et permis de séjour des ressortissants de pays tiers. La Commission envisage d’intégrer des éléments d’identification biométriques dans les passeports sur une base harmonisée à des fins d’interopérabilité, notamment dans le cadre du système d’information SIS II.

5) Autres mesures de lutte antiterroriste

Projet pilote en faveur des victimes d’actes de terrorisme (2004) : la Commission s’apprête à lancer un projet pilote constituant un acte concret de solidarité européenne ; ce projet, qui est inscrit au budget de l’UE, est une contribution au soutien apporté aux victimes d’actes terroristes perpétrés sur le territoire de l’Union.

Programme visant à améliorer la coopération au sein de l’Union afin de prévenir et de réduire les conséquences des menaces terroristes nucléaires, radiologiques, biologiques ou chimiques (programme NRBC) : ce programme de portée européenne, adopté le 20 décembre 2002, vise à améliorer la coopération entre les États membres en recourant aux différents instruments déjà en place (comme les systèmes d’alerte rapides) et en élaborant de nouveaux outils. Le programme prévoit aussi un mécanisme d’identification d’autres actions nécessaires pour assurer la meilleure protection possible de la population de l’Union.

6) Mesures externes dans le domaine de la justice et des affaires intérieures

La lutte contre le terrorisme fait désormais partie intégrante des relations extérieures de l’Union européenne. Les mesures externes dans le domaine de la justice et des affaires intérieures visant à lutter contre le terrorisme se sont traduites au niveau multilatéral par une coopération et un dialogue de nature politique, ainsi que par une aide aux pays tiers en vue d’une amélioration de leurs capacités en matière de lutte antiterroriste.

Sur le plan multilatéral, l’UE prend part activement aux travaux d’instances internationales telles que le CTC, l’OCDPC, l’OSCE et le GAFI. Les activités des groupes de Rome et de Lyon du G8 occupent une place de plus en plus importante dans la collaboration de la Commission avec d’autres institutions, notamment dans le domaine de la sécurité des voyages.

En dehors de l’attention particulière portée au développement de la coopération avec les États-Unis, divers mécanismes ont été mis au point afin d’intégrer le terrorisme dans les relations de l’Union avec d’autres pays tiers, tels que des déclarations communes sur la lutte contre le terrorisme avec la Russie, le Canada et le Japon. De même, des dispositions antiterroristes figurent systématiquement dans les accords conclus avec des pays tiers.

La CE possède également une longue expérience dans le domaine de l’assistance en matière de justice et d’affaires intérieures grâce à des programmes tels que PHARE, CARDS, TACIS et MEDA, dont l’objet est de soutenir les efforts déployés par les pays tiers afin de se conformer aux principaux instruments multilatéraux (en particulier la résolution n° 1373 du Conseil de sécurité) dans des domaines prioritaires comme la gestion des frontières, la coopération policière, le renforcement des capacités judiciaires et la lutte contre le financement du terrorisme.

Source : Commission européenne
Référence : MEMO/04/59