Dès l’époque de Ronald Reagan, j’ai milité pour une lutte active contre le terrorisme. Le président était d’accord avec moi, mais la plupart de ses collaborateurs, à l’exception de Donald Rumsfeld, s’y opposaient. À l’époque, nous nous sommes concentrés sur la défense contre le terrorisme et nous avons ainsi déjoué de nombreux attentats, mais nous n’avons pas compris la nature de ce à quoi nous faisions face. Trop longtemps nous avons cru que la lutte contre le terrorisme n’était qu’une opération de maintien de l’ordre.
Ce n’était pas suffisant et nous pouvons voir avec le recul que nous avons affaire à un mouvement idéologiques aux ramifications mondiales dédié à la destruction de notre système international de coopération et de progrès en profitant de l’érosion des États et en sapant leur activité. Tous les États établis doivent donc prendre leur responsabilité dans la lutte contre nos ennemis communs et s’engager dans la guerre au terrorisme. Cela induit l’emploi de tous les moyens possibles pour vaincre le terrorisme en le frappant préventivement, si besoin et si possible.
Les États en déliquescence comme la Somalie et l’Afghanistan sont des lieux où l’extrémisme islamiste prospère. Il juge que le concept même d’État est non-islamique et, quand il prend le pouvoir, il s’efforce de le détruire pour le remplacer par les règles traditionnelles panislamiques. Ce système ne laisse pas la place à la constitution d’un État et au respect des règles internationales. Un autre type de danger est incarné par la prise de contrôle des États par des criminels qui vont utiliser leurs ressources pour développer leur pouvoir et leur armement. C’est le cas de Saddam Hussein en Irak et de Kim Jong Il en Corée du Nord. Ces dirigeants, tout en violant les règles internationales, s’appuient sur le droit pour exiger qu’on ne se mêle pas de leurs affaires internes et de leur souveraineté.
Saddam Hussein a provoqué une réaction de l’ONU en annexant le Koweït. Pour l’empêcher de recommencer, l’ONU a décidé après la Guerre du Golfe de voter une résolution l’empêchant de se réarmer. Toutefois, l’Irak tricha avec ces règles et, en 1998, le Congrès autorisa une attaque de l’Irak. Les États-Unis commencèrent les frappes contre l’Irak, mais elles s’arrêtèrent au bout de quatre jours car Bill Clinton n’estimait pas être en mesure de diriger le pays dans une guerre alors qu’il faisait l’objet d’une procédure d’impeachment.
Suite à cette attaque, les inspections n’ont pas repris alors que les inspecteurs affirmaient qu’il restait des armes de destruction massive en Irak à leur départ. En 2002, George W. Bush estima que la situation ne pouvait pas continuer ainsi et il obtint du Conseil de sécurité une nouvelle résolution qui donnait à Saddam Hussein une dernière chance. L’Irak tricha encore, mais, malheureusement, par soucis de développer son influence et d’endiguer celle des États-Unis, la France fit tout pour qu’on en reste à une tactique d’endiguement de l’Irak, ce qui était impossible. Nous avons donc dû intervenir sans l’ONU après avoir tout fait pour rester dans son cadre.
La question des armes de destruction massive reste un mystère non-éclairci, mais la guerre était justifiée car l’Irak aurait pu produire des armes et les donner à des terroristes. Le 11 septembre nous a appris que nous devions agir avant les terroristes et que l’apaisement ne fonctionne pas.

Source
Wall Street Journal (États-Unis)

« An Essential War », par George P. Shultz, Wall Street Journal, 29 mars 2004. Ce texte est adapté d’un discours délivré à la librairie du Congrès.