Madame/Monsieur la/le Président(e),
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs,

Au nom des Membres de la Cour des comptes européenne, je voudrais vous remercier de m’avoir invité à présenter le 28e rapport annuel de la Cour, relatif à l’exercice 2004.

Le rapport annuel repose pour une large part sur les travaux d’audit de la Cour relatifs aux comptes ainsi qu’à la légalité et à la régularité des opérations sous-jacentes, les constatations résultant de ses audits de la performance étant généralement publiées sous la forme de rapports spéciaux.

L’exercice 2004 a été marqué par l’adhésion de dix nouveaux États membres, ce qui a fait passer les crédits pour paiements de 98 milliards d’euros en 2003 à 105 milliards d’euros en 2004. La sous-utilisation des crédits a sensiblement baissé par rapport aux exercices précédents, grâce à une amélioration de la planification et de la gestion. Avec 2,7 milliards d’euros, l’excédent de 2004 était nettement inférieur - de moitié environ - à celui de 2003.

Je vais maintenant exposer les principaux messages que la Cour souhaite faire passer dans sa déclaration d’assurance, la "DAS", en commençant par son opinion sur la fiabilité des comptes.

Pour 2004, la Cour estime que les états financiers consolidés reflètent fidèlement les recettes et les dépenses pour cet exercice ainsi que la situation financière à la fin de celui-ci, sauf en ce qui concerne le poste des débiteurs divers.

S’agissant de la légalité et de la régularité des opérations sous-jacentes, l’opinion de la Cour dans le cadre de la DAS est la suivante.

Pour l’exercice 2004, la Cour estime que les systèmes de contrôle et de surveillance ont été mis en œuvre et fonctionnent de manière efficace, et que les opérations sous-jacentes sont, dans leur ensemble, légales et régulières en ce qui concerne :

 les recettes,
 les engagements,
 les crédits de paiement pour les dépenses administratives et pour la stratégie de préadhésion.

Pour le reste des crédits de paiement, comprenant :

 les dépenses agricoles,
 les actions structurelles,
 les politiques internes,
 les actions extérieures,

la Cour n’est de nouveau pas en mesure de fournir une opinion sans réserve : la mise en œuvre et le fonctionnement des systèmes de contrôle et de surveillance ne sont pas encore efficaces, et les paiements sont toujours affectés de manière significative par des erreurs.

La Cour est en mesure, et ce pour la première fois, de déclarer que les efforts déployés par la Commission et les États membres pour mettre en œuvre le Système intégré de gestion et de contrôle (SIGC), qui couvre 59 % des dépenses agricoles, ont porté leurs fruits. De fait, lorsqu’il est correctement appliqué, le SIGC permet de maintenir le risque de dépense irrégulière à un niveau acceptable.

Je vais maintenant passer en revue les appréciations spécifiques des domaines d’activités qui portent sur les recettes ainsi que sur la gestion partagée, dans le cadre de la déclaration d’assurance.

S’agissant des recettes, la Cour estime que les opérations liées aux recettes sont légales et régulières. Pour la ressource propre RNB, des déficiences ont toutefois été détectées au niveau des systèmes, tant au sein de la Commission que dans les États membres.

Comme les années précédentes, la Cour a relevé des éléments attestant que les dépenses liées à la politique agricole commune étaient, dans leur ensemble, toujours affectées par un taux d’erreur significatif. Alors que la Cour a constaté l’efficacité du SIGC lorsqu’il est correctement appliqué, les dépenses agricoles non couvertes par le SIGC, ou relevant de domaines où le SIGC n’est pas correctement mis en œuvre, présentent un risque d’irrégularité plus élevé en raison de faiblesses des systèmes de contrôle.

S’agissant des actions structurelles, la Cour a encore relevé des insuffisances affectant les systèmes de gestion et de contrôle dans les États membres, et cela pour tous les programmes de son échantillon. Par exemple, la Cour a mis au jour plusieurs lacunes au niveau des contrôles des États membres, notamment l’absence de contrôle ou de documentation des contrôles, l’absence de vérification des critères d’éligibilité des dépenses, ainsi que d’élément probant attestant la prestation effective des services cofinancés. Des erreurs significatives ont été détectées dans les déclarations de coûts des États membres, sur lesquelles se base la Commission pour effectuer les paiements. Dans son échantillon de 167 projets, la Cour a relevé une gamme étendue de problèmes, parmi lesquels la déclaration, dans un grand nombre de cas, de dépenses inéligibles.

Quels sont donc les principaux messages ressortant de ces constatations ?

La Cour a constaté que la grande majorité des crédits de paiement sont encore affectés de manière significative par des erreurs quant à la légalité et à la régularité des opérations sous-jacentes. Cela est dû à l’existence d’opérations présentant un risque inhérent élevé, et à des systèmes de contrôle et de surveillance qui ne permettent pas de maintenir le risque d’irrégularité à un niveau satisfaisant.

Des améliorations ont cependant été constatées au niveau des systèmes, en particulier dans le cadre du SIGC, le principal système de contrôle et de surveillance pour les dépenses agricoles. En outre, le processus de réforme administrative et financière engagé à la Commission en 2000 porte ses fruits. Il reste cependant beaucoup à faire, notamment dans les États membres.

La réglementation, les règles et les procédures régissant les dépenses demeurent souvent trop complexes ; une grande part des dépenses présente, par nature, un risque inhérent élevé et ne repose que sur les déclarations des bénéficiaires ; qui plus est, l’Union elle-même a connu de grandes mutations et s’est considérablement élargie depuis l’introduction de la DAS en 1994. Au cours de ces 11 années, les paiements annuels sont passés de 60 à 100 milliards d’euros et les États membres de 12 à 25. L’ampleur et la complexité de la gestion - impliquant un nombre toujours plus important d’autorités et d’organismes - se sont en soi accrues ; dès lors, les systèmes de contrôle et de surveillance doivent être toujours plus efficaces.

Dans son avis n° 2/2004 sur le modèle de contrôle unique, la Cour propose l’instauration d’un cadre de contrôle interne communautaire couvrant tous les niveaux d’administration - des institutions communautaires comme des États membres et des pays bénéficiaires.

L’avis de la Cour sur le modèle de contrôle unique a alimenté le débat politique relatif à l’amélioration de la gestion et du contrôle des fonds de l’UE. La Commission a fait un pas en avant en publiant une feuille de route pour un cadre de contrôle interne intégré, qui arrête les bases de l’extension de la réforme à toutes les formes de gestion budgétaire, notamment la gestion partagée dans les États membres. Dans ce contexte, il est crucial que la Commission et les États membres unissent leurs efforts.

La Cour se félicite de l’initiative concernant la feuille de route. En sa qualité d’auditeur externe de l’UE, la Cour suivra attentivement l’avancement des travaux et s’emploiera à apprécier l’incidence des modifications sur la gestion financière et le contrôle des fonds de l’UE pendant les années à venir.

Le rôle actif que joue la Cour depuis 1978 dans le cadre du comité de contact des institutions supérieures de contrôle des États membres s’est avéré très utile sur le plan tant stratégique que pratique. Dans le domaine des audits de la performance en particulier, programmes de travail et rapports d’audit sont régulièrement échangés, et plusieurs activités d’audit conjointes ont été réalisées. Un débat s’est engagé sur les possibilités d’intensifier la coopération avec les institutions supérieures de contrôle, notamment dans le cadre de la DAS.

Dans un autre ordre d’idées, la position de la Cour concernant le financement futur, la gestion et le contrôle de la politique agricole commune et des actions structurelles devrait être prise en considération au moment de la mise au point définitive de cette importante législation. Le projet actuel de règlement concernant les Fonds structurels comporte des dispositions relatives à la rétention des pièces justificatives, qui sont de nature à rendre impossible le contrôle de certaines des dépenses en question par la Cour des comptes.

J’en arrive à ma conclusion. Je suis fermement convaincu que seuls un bon fonctionnement de nos institutions et une gestion de grande qualité, tant sur le plan politique que sur celui des dépenses, pourront asseoir la légitimité de l’Union. Les États membres doivent, eux aussi, assumer leurs responsabilités dans l’administration et le contrôle d’une part importante du budget. La Cour des comptes européenne joue également un rôle clé en fournissant de manière indépendante et professionnelle une vue d’ensemble objective de la gestion financière, ainsi qu’en favorisant des changements au profit des citoyens de l’Union.

Je vous remercie de votre aimable attention.

Réf : ECA/05/16