Voici quelques jours, des funérailles d’État ont eu lieu en l’honneur des 200 victimes des attentats de Madrid en présence des représentants de 50 États. L’Espagne a démontré qu’elle était une démocratie forte, capable de surmonter avec maturité et clairvoyance les coups les plus terribles. Personne ne doit croire que la défaite du Parti populaire et la victoire de la volonté populaire sont une victoire des terroristes. Le véritable message est venu du peuple souverain, qui demandait déjà un changement politique profond avant la date fatale. La gestion irresponsable de l’information par le gouvernement de José-Maria Aznar n’a fait que renforcer cette tendance.
Beaucoup d’analystes se penchent aujourd’hui sur ce que va faire José Luis Zapatero. Dans une large mesure, notre action en politique étrangère va consister en un retour à la politique étrangère qui fait consensus depuis 1979. Notre engagement à lutter contre le terrorisme est cependant plus fort que jamais. Cela ne sera pas facile car il s’agit d’affronter un réseau diffus et difficile à détecter, mais nous allons tout faire pour arrêter, juger et faire condamner les coupables, démanteler les réseaux terroristes et les priver des moyens d’agir tout en respectant l’État de droit et avec le soutien de millions d’Espagnols.
La guerre d’Irak ne nous a pas rapproché de cet objectif. Il faut adopter une nouvelle stratégie et pour cela l’Espagne s’engage à soutenir le renforcement de l’ONU, la cohésion de l’OTAN et une Europe capable d’assumer ses responsabilités politiques globales. Nous maintiendrons nos troupes dans les Balkans et en Afghanistan sous mandat de l’ONU. Après le 30 juin, il n’y aura plus de troupes d’occupation espagnoles en Irak car soit elles auront été intégrées à une force de maintien de la paix de l’ONU, soit elles seront rentrées en Espagne. Les réactions internationales à ce qui ne serait qu’un retrait de 0,4 % des troupes étrangères stationnées en Irak montrent bien la fragilité de la situation actuelle et la nécessité de revoir notre présence militaire. L’Europe sera au cœur de notre action et nous espérons parvenir à un accord sur la Constitution. Le nouveau gouvernement espagnol aura aussi pour priorité d’œuvrer au renforcement de la relation transatlantique. Je suis convaincu que le meilleur allié des États-Unis n’est pas le faible qui soutient sa politique de façon aveugle et inconditionnelle, mais l’allié fort, capable de construire un dialogue franc et loyal dans l’intérêt commun.

Source
Le Monde (France)

« L’Espagne et le monde, demain », par Miguel Angel Moratinos, Le Monde, 3 avril 2004.