La Croix, quotidien catholique français, propriété de la congrégation des Assomptionnistes, consacre un dossier à la nouvelle présidence du G8 par la Russie dans son édition du 2 janvier 2005.

Le journal interprète le fait que la Russie ait cessé ses livraisons de gaz à l’Ukraine le jour où elle prend la présidence du G8 comme la preuve que cette mesure est moins destinée à faire pression sur l’Ukraine que sur les autres membres du G8. D’autres quotidiens préférent établi un lien entre la rupture de livraison à l’Ukraine et les prochaines élections législatives dans ce pays pour conclure à l’ingérence russe dans la campagne électorale. Or, si ces événements ne manqueront pas de rejaillir les uns sur les autres, leurs dates ont été fixées selon des calendriers indépendants : la présidence du G8 tourne anuellement, le contrat gazier arrivait à échéance au 31 décembre 2005, et les élections législatives sont fixées par la loi ukrainienne. Nul complot poutinien dans ces coïncidences de calendrier.

Plus étrange : La Croix ironise sur les propositions russes au G8 visant à assurer la sécurité énergétique des États membres alors que la cessation du contrat ukrainien place les Européens en difficulté. Cependant l’initiative russe consiste à garantir un accès équitable pour tous à l’énergie de sorte que les États-Unis et leurs alliés ne soient plus tentés d’envahir des États pétroliers comme l’Irak. Aussi l’ironie de La Croix ne peut se comprendre que sur la base d’un préjugé : la Russie n’aurait pas son mot à dire dans la conduite du monde et devrait se contenter de laisser les « Occidentaux » piller ses richesses.

Toujours plus surprenant : La Croix, comme bien d’autres de ses confrères atlantistes, interprète l’exigence russe d’en finir avec l’économie soviétique et de facturer son gaz au prix du marché comme un insupportable chantage. Cette décision « montre l’usage que la Russie est prête à faire de ce pouvoir » écrit-elle. Le même quotidien, à l’époque de Boris Eltsine, avait salué comme un progrès la facturation intérieure de l’énergie au coût réel par des entreprises privatisées qui transféraient leurs profits à l’Ouest.