John F. Kerry, s’adressant à la classe dirigeante US et aux décideurs étrangers, s’engage dans le Washington Post à poursuivre la politique de George W. Bush en Irak s’il est élu pour lui succéder. Il réitère à la fois son approbation de cette guerre et ses critiques de la manière dont elle a été conduite. Selon lui, il aurait fallu impliquer les alliés dès le départ pour pouvoir faire peser le fardeau de l’occupation sur l’OTAN et non sur les seules forces US.
Il peut en tous cas compter sur Tony Blair. Le Premier ministre britannique proclame en effet dans The Observer que le Royaume-Uni (à la différence de l’Espagne) n’abandonnera pas l’Irak. Mais il a fort à faire pour convaincre que cette invasion, illégale au regard du droit international, et cette occupation, qui rencontre une forte résistance populaire, sont un espoir pour les Irakiens. M. Blair se trouve donc un nouveau bouc émissaire : si tout va mal, ce n’est plus la faute de Saddam Hussein qui a été capturé, ni à Al Qaïda que personne n’a vu, mais à un imam chiite radical, Moqtada al-Sadr. Pour conclure, il réinvente un lien entre le 11 septembre et l’Irak et assure qu’il ne retirera pas ses troupes pour ne pas faire gagner les terroristes.
Opposant à Saddam Hussein, réfugié en Europe, Sami Ramadani démonte dans The Age cette rhétorique. Elle n’est qu’une manière de ne pas regarder la réalité en face : les Irakiens rêvent de liberté, ils voulaient se débarrasser de Saddam Hussein et veulent identiquement échapper à la tyrannie de l’occupant. Les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie ne sont pas venus les libérer. S’appuyant sur des mercenaires, ils pratiquent des assassinats ciblés et des tortures pour apparaître en définitive sous leur vrai jour de puissance coloniale. Il aura fallu un an aux médias occidentaux pour s’en rendre compte et en rendre compte.
Peu importe que la période soit à l’union sacrée contre l’envahisseur, le très influent expert néo-conservateur Reuel Marc Gerecht décrit dans le Wall Street Journal les événements actuels en Irak comme une guerre entre chiites. Il préconise donc de jouer les clans qu’il pense identifier les uns contre les autres : al-Sistani contre al-Sadr. Pour ce faire, il propose de retirer la constitution provisoire, qui est d’ores et déjà inapplicable, et de présenter cette décision comme une victoire d’al-Sistani. On sait ce que valent les analyses de M. Gerecht. Dans divers écrits antérieurs, il s’est efforcé de livrer une lecture religieuse de la société irakienne. Selon lui, le régime de Saddam Hussein marquait la domination des sunnites sur les chiites. De même, les chiites seraient par nature plus tournés vers Téhéran que vers Bagdad. Pourtant, chacun a pu constater que le régime de Saddam Hussein était laïque et n’a jamais réprimé le culte chiite ; et que, pendant la guerre Irak-Iran les chiites irakiens n’ont pas fait défection.

Howard Dean, candidat malheureux à la candidature, appelle dans le New York Times les électeurs démocrates à voter utile. Pour sanctionner Bush, il faut élire Kerry et donc éviter de disperser les voix de gauche en votant pour le candidat écologiste Ralph Nader. On se souvient qu’en 2000, Nader avait déjà été accusé d’avoir fait échouer Al Gore, alors même que celui-ci avait gagné l’élection en suffrages et en grands électeurs et ne devait sa défaite qu’à une décision de la Cour suprême. Cette année, plus encore qu’il y a quatre ans, les électeurs de gauche pourraient être tentés par le vote Nader dans la mesure ou Kerry ne représente pas d’alternative réelle à la politique de Bush.

Susan Jacoby du Center for Inquiry de New York met en garde les lecteurs du Los Angeles Times contre les atteintes à la séparation constitutionnelle de l’État et des Églises que multiplie George W. Bush. Il n’est pas d’usage d’interroger un candidat à l’élection présidentielle sur ses convictions religieuses, mais ici, il faut tirer des conclusions de ce que Bush a fait, notamment en matière de privatisation des organismes sociaux publics au bénéfice des associations religieuses.
Au contraire, Peter et Rochelle Schweizer, auteurs d’un livre hagiographique de la dynastie Bush, affirment dans le même quotidien qu’on ne peut craindre un président guidé par sa foi. Plus encore, révèlent-ils, selon le pasteur Franklin Graham, c’est en lisant la parabole évangélique du bon Samaritain que Bush a pris la décision d’attaquer l’Irak. Or, sachant que le pasteur Franklin Graham (fils de Billy, le conseiller spirituel de Reagan et Bush) préside une association de missionnaires dénommé la Bourse du Samaritain, et que ses missionnaires ont été « embarqués » dans les troupes US en Irak pour convertir les populations musulmanes, on comprendra mieux ce que nos auteurs veulent dire lorsqu’ils écrivent que le président Bush est conscient des implications spirituelles de sa politique.
Ces points de vue reflètent une polémique généralisée dans cette campagne électorale. On ne débat pas des bilans ou des programmes comme en Europe, ni même des soutiens dont les candidats disposent comme c’est l’habitude, mais des valeurs qu’ils incarnent. Bush est méthodiste, il a reçu le baptême de l’esprit, prie en public et cite Jésus. C’est un leader religieux, notamment soutenu par les baptistes du Sud. Kerry, au contraire, est catholique. Il a réaffirmé son attachement à la séparation des Églises et de l’État. Il préfère évoquer son honneur militaire que les bénédictions divines. Les sondages donnent l’électorat divisé sur ce clivage plus que sur tout autre.

Craig Unger, auteur d’un ouvrage sur les liens entre les familles Bush et Séoud, espère que la commission d’enquête sur le 11 septembre interrogera le directeur du FBI et l’attorney général sur l’évacuation de 140 Saoudiens au lendemain des attentats. Un avion a sillonné les États-Unis pour récupérer ces personnalités et les transporter en Arabie saoudite alors que tous les vols aériens étaient interdits, indique-t-il dans le Los Angeles Times. Cette affaire est niée par les autorités, mais Unger a réussi à se procurer les documents de vol et la liste des passagers. Cependant ce journaliste interprète cet événement au regard de l’affirmation selon laquelle 15 des 19 pirates de l’air du 11 septembre étaient eux-mêmes Saoudiens. Rappelons que nous avons démontré depuis longtemps que cette imputation est infondée et que le département de la Justice l’a reconnu implicitement en refusant d’établir les actes de décès de ces prétendus pirates de l’air.

Les politologues David M. Lampton et Kenneth Lieberthal appellent dans le Washington Post à maintenir le statu quo pacifique entre la Chine continentale et Taiwan. Dick Cheney, qui se rend aujourd’hui à Pékin devrait se tenir à cette ligne.

Enfin, la reine Rania de Jordanie, l’ancienne présidente irlandaise Mary Robinson et l’ancien Premier ministre de Norvège Jens Stoltenberg plaident tous trois dans Le Monde pour le Vaccine Fund dont ils sont administrateurs. Deux à trois millions d’enfants mourront de maladies diverses, si les trente millions de bébés qui naissent chaque année ne sont pas vaccinés. Or, ce programme ne nécessite que 900 millions de dollars par an.