Après des mois de pression, Michelle Alliot-Marie a accepté de lever le « secret défense » sur les documents requis par la justice pour éclairer la mort du juge Borrel, assassiné à Djibouti en 1995. Cette affaire est une nouvelle preuve du culte de l’administration française pour l’opacité et le secret.
En 1997, deux documentalistes des Archives nationales française ont été mis au placard pour avoir pris au sérieux les engagements du Premier ministre Lionel Jospin et avoir dévoilé la liste des Algériens tués le 17 octobre 1961 par la police du préfet Papon. Nous voulons lever cette omerta légale, nous voulons une démocratie plus saine. Aux États-Unis et dans les pays scandinaves, c’est la transparence qui est la norme et le secret qui est l’exception. Il y a même une loi aux États-Unis, le Freedom of Information Act qui oblige les administrations à rendre accessibles tout leurs documents hormis dans neuf exceptions, le FBI et la CIA se réservant le droit de censurer les informations considérées comme préjudiciables.
Grâce à cette loi, les citoyens américains ont découvert que le coup d’État au Chili était prémédité par les États-Unis avant même l’élection d’Allende, que Kissinger avait donné son feu vert aux Indonésiens pour l’invasion du Timor oriental puis a couvert le génocide. Nous pensons que l’excès de secret en France rend les journalistes plus perméables aux manipulations. En France, une loi autorise l’accès aux documents administratifs depuis 1978, mais elle est inutilisable et inutilisée. Il faut plus de transparence afin de laisser la place aux contre-pouvoirs citoyens.

Source
Libération (France)
Libération a suivi un long chemin de sa création autour du philosophe Jean-Paul Sartre à son rachat par le financier Edouard de Rothschild. Diffusion : 150 000 exemplaires.

« Crever l’excès de secret en France », par Paul Moreira, Denis Robert, Marie-Monique Robin, Olivier Toscer, Sophie Coignard et Bruno Gaccio, Libération, 16 avril 2004.