L’approche de l’élargissement de l’Union européenne, le 1er mai prochain relance le débat sur le positionnement de l’Europe face à l’hyperpuissance états-unienne : pôle indépendant ou vassal de l’Empire ?
Pour Pascal Boniface, dans Le Figaro, l’entrée dans l’Union de dix nouveaux membres aux élites atlantistes va se traduire par un accroissement des moyens d’action de Washington sur l’Europe. Toutefois, cette situation ne devrait pas durer. La perte d’intérêt stratégique de ces pays depuis la fin de la Guerre froide et la situation des finances états-uniennes n’inciteront pas Washington à se montrer plus attractif que les pays d’Europe prônant l’indépendance. Aussi, cet affaiblissement du courant autonomiste européen ne saurait être que passager. Cette analyse est partagée, à l’autre extrémité de l’échiquier politique, par Franck Gaffney qui exprime son inquiétude aux lecteurs du Washington Times. Il craint que la « Nouvelle Europe » se détourne de Washington si elle est intégrée dans une Europe qui dispose des moyens de mener une politique étrangère et de défense autonome. Le coordinateur des faucons craint donc tout particulièrement la nouvelle Constitution européenne et s’alarme des positions de Tony Blair à ce sujet. Il convient donc, conseille-t-il à ses lecteurs, de changer de partenaire à Londres et de s’appuyer désormais sur les conservateurs pour y faire obstacle. Ce texte est rédigé au moment où le débat sur le constitution européenne au Royaume-Uni s’accompagne d’une remise en cause de la « relation privilégiée ».
Cet élargissement remet également en cause le statut de Chypre, divisé entre le Sud grec et le Nord turc depuis 1974. Le 24 avril aura lieu un référendum sur le projet Annan de réunification de l’île dans une structure fédérale, projet qui, d’après les sondages, dispose du soutien des chypriotes turcs, mais est massivement rejeté par les chypriotes grecs. L’International Herald Tribune ouvre ses colonnes aux partisans internationaux du « oui » qui adoptent la stratégie de la carotte et du bâton. Javier Solana affirme que l’Union européenne respectera le choix exprimé, mais est favorable au plan et a déjà prévu un budget pour aider l’île réunifiée et y soutenir l’intégration, Chypre a donc intérêt à ratifier le plan Anann. Gareth Evans et Martti Ahtisaari se font beaucoup plus menaçants : au cas où l’une des deux communautés voterait en faveur du « non », celle-ci perdrait la « sympathie de la communauté internationale ». Chypre n’a donc pas intérêt à ne pas ratifier le plan.

Le journaliste Charles Enderlin présente la triste situation au Proche-Orient dans Libération. Aujourd’hui tout est en place pour qu’Ariel Sharon réalise le plan qu’il décrivait dans son autobiographie rédigée en 1989 : construire un grand Israël dominant stratégiquement la région et ne laisser aux Palestiniens que des parcelles de territoires disjoints qui seront les « États de Palestine ». Le représentant de l’Autorité palestinienne au Royaume-Uni, Afif Safieh rejoint cette analyse dans le Guardian et rappelle que ce sont Washington et Londres qui ont rendu possible l’application de ce plan. Si le soutien des États-Unis à Israël est ancien et peut s’expliquer par un contexte historique et domestique et par la personnalité de Bush, le soutien tacite du Royaume-Uni est plus surprenant, et ce d’autant qu’il va à l’encontre des aspirations des Britanniques. Cette stratégie ne s’explique donc que par le suivisme de Tony Blair vis-à-vis de la politique états-unienne.

Enfin, le très polyvalent Mansoor Ijaz présente un portrait inquiétant des musulmans européens aux lecteurs du Los Angeles Times. Pour l’auteur, cette population représente, pour reprendre l’expression consacrée, un « vivier pour les terroristes ». Il faut donc, après avoir pris quelques mesures symboliques comme des nominations de musulmans dans les appareils de sécurité, organiser et encadrer les communautés musulmanes pour mieux les garder sous surveillance. On observera les convergences de ce texte avec les propos de Nicolas Sarkozy, lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, sur la nécessité de nommer un « préfet musulman » en France.