Israël a transformé Mordechai Vanunu en un symbole du dernier tabou israélien. Cela a commencé lors de son procès à huis clos puis continua avec sa peine de prison de 18 ans que, à la différence des violeurs et assassins, il dut purger jusqu’au bout. Durant sa détention, Vanunu resta sain d’esprit alors que beaucoup espéraient qu’il craque. Il ne craqua pas et plus Israël le tourmentait, plus il devenait un symbole. Même libéré, Vanunu apparaît encore comme une menace pour la sécurité.
Le dernier tabou conserve toute sa légitimité dans le discours israélien et même ceux qui estiment que les droits de Vanunu ont été bafoués restent attachés à l’ambiguïté nucléaire israélienne. Il n’est pas de plus grande vache sacrée sur tout l’échiquier politique israélien qui continue d’être vue comme la clé de la sécurité israélienne. Cette ambiguïté nucléaire est pourtant devenue un dinosaure, anachronique et sans mystère, antidémocratique et fondé sur une culture du secret. Vanunu est l’enfant qui affirme que le roi est nu.
Dans le dernier numéro du Bulletin of The Atomic Scientist, Thomas Graham et moi avons demandé qu’un nouveau Traité de non prolifération nucléaire soit rédigé et qu’il reconnaisse le statut de puissance nucléaire d’Israël, de l’Inde et du Pakistan. Cela permettra qu’Israël soit intégré dans un système de non-prolifération. On ne parviendra pas à mettre en place un système efficace tant qu’Israël sera en dehors de ce traité. Le monde entier sait qu’Israël possède ces armes et seul Israël ne l’assume pas.

Source
Ha&8217;aretz (Israel)
Quotidien de référence de la gauche intellectuelle israélienne. Propriété de la famille Schocken. Diffusé à 75 000 exemplaires.

« The last taboo », par Avner Cohen, Ha’aretz, 23 avril 2004.