Dans son dernier message enregistré, Ben Laden a promis l’immunité en matière d’attentats aux pays d’Europe qui « n’attaqueraient plus les nations musulmanes ». Les gouvernements européens se sont empressés de rejeter cette offre, ce à quoi Ben Laden devait s’attendre. On peut donc se demander pourquoi il a fait cette proposition.
Parmi les hypothèses, on peut se demander si cette publication ne vise pas à éloigner l’Europe des États-Unis et les citoyens européens anti-guerre de leur gouvernements, ou bien s’il s’agit d’un code secret compréhensible par les seuls partisans de Ben Laden pour lancer de nouvelles opérations. Il y a également une autre explication possible : inciter les Européens non musulmans à rejoindre les jihadistes dans la guerre contre les États-Unis et leurs alliés.
Le terrorisme, comme la guerre, donne naissance à d’étranges alliances. Les terroristes palestiniens avaient déjà recruté à l’extrême gauche européenne et japonaise dans les années 70, une tendance dans laquelle le FPLP s’était particulièrement illustré. Plus récemment, les Nouvelles brigades rouges italiennes ont applaudi les attentats du 11 septembre et appelé à une alliance entre terroristes européens et moyen-orientaux. Ben Laden pourrait espérer un tel recrutement et on peut d’ailleurs noter une modification de son discours par rapport à ces premiers messages. Désormais il condamne les grandes entreprises, comme Halliburton, parle de « lobby sioniste » et de « gang de la Maison-Blanche » afin de coller davantage au vocabulaire de l’extrême gauche. Il veut constituer un pôle uni derrière l’opposition partagée des jihadistes et des extrémistes gauchistes à la globalisation.
George W. Bush a rassemblé la guerre à Al Qaïda et la Guerre d’Irak sous la même dénomination de « guerre globale au terrorisme », Ben Laden l’a imité en associant la guerre en Afghanistan, populaire en Europe, à celle en Irak, impopulaire. Les États-Unis ne doivent pas rentrer dans cette problématique et cesser de présenter le scepticisme face à la Guerre d’Irak comme une capitulation face au terrorisme.

Source
Los Angeles Times (États-Unis)

« Bin Laden May Be Fishing for Allies on Europe’s Secular Left », par Brian Michael Jenkins, Los Angeles Times, 25 avril 2004.