Un des principaux problèmes de l’actuelle et excitante aventure irakienne est que personne n’est d’accord sur la façon d’appeler les autres. Durant la Seconde Guerre mondiale, nous combattions les Allemands, les Allemands nous combattaient et tout le monde s’accordait sur qui combattait qui, c’est le propre de la guerre. En Irak en revanche, il n’y a pas d’accord sur ce point.
Il n’y a même pas d’accord sur la façon d’appeler un Américain. Les Irakiens insistent pour les appeler « Américains », ce qui peut sembler être raisonnable, mais les Américains, eux, veulent être appelés « forces de la coalition ». Cette appellation marque d’ailleurs la première tentative des Américains pour partager leur gloire militaire tant d’habitude Hollywood aime à rappeler que les États-Unis gagnent les guerres seuls.
Il y a aussi le problème de la façon dont les Américains désignent les Irakiens, surtout ceux qu’ils tuent. Il est difficile de désigner des personnes qui défendent leurs maisons contre des tanks et des hélicoptères comme des « terroristes et des fanatiques », des personnes abattues par des snipers comme des « rebelles » (surtout quand il s’agit de femmes enceintes, d’enfants ou de vieillards) et des conducteurs d’ambulance comme des « combattants ». Il est également délicat de désigner des mercenaires comme des « sous-traitants civils » alors qu’on appelle les civils irakiens des « insurgés », le Times parlait même de « miliciens » à Nadjaf.
On parle également de « transfert de souveraineté » alors qu’il n’y a aucun pouvoir transféré et de « négociations » à Nadjaf alors que le choix n’est qu’entre se rendre ou être bombardés. Il est également difficile de savoir ce que signifie « cessez-le-feu ».
Aujourd’hui, le langage semble disposer de sa propre existence autonome : il a plus de chance que les Irakiens.
« The war of the words », par Terry Jones, The Guardian, 30 avril 2004.
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