Je présente mes sincères salutations à tous ceux qui sont à Khartoum pour le sommet de la Ligue des États arabes.

Votre réunion a pour toile de fond les troubles qui continuent de secouer le monde arabe et la région avoisinante, et donc d’énormes défis pour les dirigeants politiques que vous êtes, votre organisation et la communauté internationale.

En Iraq, les principaux objectifs de la transition ont été atteints, mais la situation reste instable et dangereuse. Avec l’acte innommable qui a détruit le mausolée de Samarra le mois dernier, le danger de la violence sectaire n’a fait que grandir. L’Organisation des Nations Unies continue de penser que c’est un processus politique transparent et sans exclusive qui aura le plus de chances de conduire à des progrès sur les plans de la sécurité, des droits de l’homme, de la démocratie et des conditions de vie. Tous les intéressés doivent donc faire rapidement le nécessaire pour qu’un gouvernement n’excluant aucune des parties soit formé. L’ONU continuera de promouvoir le dialogue intercommunautaire et d’appuyer le processus de révision de la constitution, ainsi que l’initiative qu’a prise la Ligue arabe de convoquer une Conférence de réconciliation nationale iraquienne, autant d’éléments propres à favoriser un consensus national. Si les circonstances le permettent, nous continuerons aussi de contribuer à l’effort de reconstruction et de développement économique. L’intégration de l’Iraq dans la région au sens large est une autre priorité. Certains pays voisins sont légitimement inquiets de la violence et de l’instabilité qui règnent actuellement, mais ils doivent s’abstenir de toute ingérence dans les affaires intérieures du pays et respecter son unité et son intégrité territoriale.

Le conflit israélo-palestinien est également parvenu à un stade critique. Je respecte la décision que le peuple palestinien a prise lors des élections parlementaires de janvier, dont le bon déroulement fait honneur à la démocratie palestinienne. J’espère que le nouveau gouvernement dans le territoire occupé tiendra compte du fait que les Palestiniens aspirent à la paix et au statut d’État, comme l’a dit le Président Abbas avec tant d’éloquence. Si le nouveau cabinet palestinien adhère à l’Initiative de paix arabe, on pourra s’en féliciter comme d’un premier pas vers la confirmation de l’attachement palestinien au principe de la non-violence, la reconnaissance du fait qu’Israël a le droit d’exister et l’acceptation des accords et obligations souscrits antérieurement, notamment la Feuille de route. Tout comme le Quatuor et le Conseil de sécurité ont récemment réaffirmé l’importance de ces principes, nous devons rappeler à Israël, qui poursuit sa politique du fait accompli, que la paix ne peut être imposée unilatéralement, ni s’établir durablement si elle ne s’inscrit pas dans le cadre régional du processus de paix au Moyen-Orient. Si l’objectif demeure la coexistence de deux États –et il le faut– les deux parties doivent rester fermes quant aux principes régissant cette solution et aux moyens d’y parvenir.

Pour sa part, l’ONU poursuivra l’action qu’elle mène pour qu’il soit mis un terme à l’occupation qui dure depuis 1967 et que le conflit soit réglé conformément aux résolutions du Conseil de sécurité. Tant que cet objectif n’aura pas été atteint, l’Organisation continuera de s’acquitter des mandats que les États Membres lui ont confiés pour qu’elle vienne en aide au peuple palestinien. Nous constituons des dossiers détaillés sur les bouclages de Gaza et de la Cisjordanie, qui sont la cause de graves difficultés et de profondes humiliations, et nous continuerons d’insister pour qu’ils cessent. Nous rappellerons à tous nos partenaires que le peuple palestinien ne doit pas être puni pour la façon dont il exerce ses droits démocratiques et que ses précieuses institutions sont les fondations sur lesquelles pourra être bâti un État palestinien auquel il soit possible de vivre en paix avec Israël, sans que celui-ci ait à craindre pour sa sécurité, et avec tous ses voisins.

Le Liban aussi se trouve à la croisée des chemins. La Ligue arabe et d’autres acteurs régionaux ont fait œuvre utile en l’aidant à s’extraire de la guerre civile et à sortir d’une période extrêmement sombre. Aujourd’hui, ses amis et ses voisins doivent l’aider à asseoir son indépendance et sa souveraineté. J’engage tous les intéressés à soutenir le programme de réforme du Premier Ministre Siniora et le dialogue national qui vient d’être entamé. Les rapports entre le Liban et la Syrie seront déterminants, et j’engage les deux pays à cultiver des relations productives et amicales fondées sur des assurances mutuelles explicites concernant le respect de leur souveraineté, de leur sécurité et de leur indépendance. L’ONU est prête à leur apporter toute l’assistance qu’ils jugeront bon de demander. Par ailleurs, elle poursuit l’enquête sur l’assassinat de l’ancien Premier Ministre Hariri et a eu des échanges avec les autorités libanaises au sujet de leurs enquêtes concernant d’autres assassinats et tentatives d’assassinat récemment commis sur les personnes de hauts responsables politiques. Enfin, elle examine avec ces autorités l’assistance dont le pays aurait besoin pour mettre sur pied un tribunal de caractère international chargé de juger les personnes impliquées dans l’assassinat de M. Hariri.

La Somalie reste aux prises avec la violence, l’insuffisance des structures de gouvernement et l’absence de consensus national quant à l’avenir. Les dirigeants des institutions fédérales de transition ont beaucoup de mérite d’avoir réussi à ce que la session parlementaire du mois dernier se tienne malgré des circonstances extrêmement difficiles. Les Somaliens doivent entretenir la dynamique en mettant particulièrement l’accent sur l’amélioration des conditions de sécurité. Tant que la force sera le moyen de régler les différends ou d’atteindre des objectifs politiques, les progrès resteront fragiles et le pays ne pourra se relever. L’ONU continuera d’appuyer le processus de transition sur les plans politique, moral et matériel et j’espère que les États arabes rechercheront activement des possibilités d’offrir eux aussi des secours humanitaires et une aide au développement.

Ici au Soudan, certain aspect de la situation restent profondément préoccupants. Depuis que l’Accord de paix global a été signé, en janvier 2005, les parties ont pris des mesures importantes pour l’appliquer. Mais sur plusieurs points, ces mesures ont été décevantes. Au Darfour, les massacres, les viols et les déplacements se poursuivent sans relâche, et les conditions de sécurité ont empiré à cause des combats à la frontière entre les troupes tchadiennes et l’opposition armée tchadienne. Je suis heureux que l’Union africaine, qui a fait de vaillants efforts, ait donné son accord de principe pour qu’une opération des Nations Unies succède à sa mission au Soudan, dans le cadre d’un partenariat entre les deux organisations. Et je tiens à souligner qu’il s’agit de tirer parti de la mission de l’Union africaine pour créer une opération des Nations Unies plus grande et plus mobile. Pour que la transition se passe bien, il faudra je crois qu’une grande partie du personnel de l’Union africaine soit absorbé par la force des Nations Unies. Nous devons donc nous concentrer prioritairement sur notre principal objectif : protéger la population et permettre au personnel humanitaire de faire son travail. Et nous devons faire pression sur les parties aux Pourparlers de paix intersoudanais d’Abuja, dont les progrès sont excessivement lents, pour qu’elles parviennent sans plus tarder à un accord, notamment sur un cessez-le-feu effectivement applicable. Enfin, nous devons étoffer la force de l’Union africaine, même au stade actuel des choses, car ceux qui souffrent ne peuvent attendre la transition, et faire tout ce que nous pouvons d’autre pour éviter que la situation n’empire encore.

Les troubles ne sont pas circonscrits à certains pays ou à des crises politiques précises. Ces derniers mois, suite à la publication de dessins représentant le prophète Mohamed que beaucoup ont trouvé profondément insultants, le clivage déjà inquiétant entre groupes et nations de convictions et de cultures différentes a semblé s’accentuer encore. L’initiative intitulée « Alliance des civilisations », que j’ai lancée avec l’appui de l’Espagne et de la Turquie, a pour but de mobiliser un effort concerté de part la communauté internationale – gouvernements et société civile confondus – afin de réduire les fractures, de combattre l’extrémisme et de surmonter les préjugés, les idées fausses et les intransigeances qui menacent la paix dans le monde. Je suis heureux que l’ONU et la Ligue arabe aient réussi à trouver un terrain d’entente lorsqu’il s’agissait de réagir à certaines crises récentes, et j’espère que vous soutiendrez sans réserve cette initiative plus étendue.

Enfin, je tiens à vous remercier d’appuyer la réforme de l’Organisation des Nations Unies. Des dispositions importantes ont été prises pour mettre en œuvre le document final du Sommet mondial de septembre dernier, auquel beaucoup d’entre vous ont participé. Nous disposons à présent d’une Commission de consolidation de la paix, d’un Fonds pour la démocratie, d’un fonds d’intervention pour les urgences humanitaires nettement amélioré et, désormais, d’un Conseil des droits de l’homme, dont les membres seront élus le 9 mai et qui se réunira pour la première fois le 19 juin. Nous avons aussi dans le texte issu du Sommet une magnifique déclaration de l’intention des États de mener « en temps voulu une action collective résolue, par l’entremise du Conseil de sécurité » pour protéger les populations si leur gouvernement ne le fait pas. Je viens enfin de saisir les États Membres d’une nouvelle série de propositions visant à moderniser la gestion de l’Organisation. Mais tous ces changements ne porteront leurs fruits que si les États Membres s’engagent véritablement à les rendre effectifs et à donner à l’ONU les moyens de changer réellement la vie de ceux qui, partout dans le monde, ont besoin d’elle et attendent son aide.

Sur tous ces plans, je continuerai de compter sur votre appui dans les mois à venir. Et dans l’esprit de ce partenariat, je souhaite sincèrement que votre sommet soit une réussite.

Réf : SG/SM/10390